Accueil / Intégrité scientifique / Mauvaises conduites et Covid-19

Mauvaises conduites et Covid-19

Publié en ligne le 11 octobre 2022 - Covid-19 -

Les méconduites des administrateurs de la recherche

Les pratiques douteuses en recherche ont souvent été abordées dans Science et pseudo-sciences. La littérature scientifique est importante dans ce domaine. Elle porte essentiellement sur l’intégrité des chercheurs, la cause de leurs mauvais comportements et les pistes pour améliorer la situation (formation aux bonnes pratiques et respect des recommandations destinées à prévenir les méconduites). Les pratiques des industriels dans différents domaines (tabac ou agroalimentaire, par exemple) ont également été largement documentées. Mais qu’en est-il des agences d’évaluations, des universités, des financeurs publics ou privés et des politiques qui interviennent à différents niveaux du fonctionnement de la recherche ? Peut-on identifier des méconduites de ces structures ?

Il s’agit là d’un maillon essentiel du fonctionnement de la recherche scientifique. En effet, les chercheurs des institutions publiques sont en relation avec des administrations tout au long de leur carrière. Ce peut être pour des demandes de financement, pour des autorisations administratives diverses, pour des avis auprès de comités d’éthique, à l’occasion d’audits ou d’inspections, lors de la remise de rapports dont certaines conclusions pourraient déplaire, pour la sollicitation d’autorisation de publier des résultats ou encore pour leur évaluation scientifique ou professionnelle.

Une analyse de la littérature scientifique sur les méconduites de l’administration de la recherche vient d’être publiée (janvier 2022) [1]. Elle identifie trois types de méconduite de la part des administrations : l’abus de pouvoir, le manquement aux obligations et le manque de responsabilité. Les auteurs soulignent que ces comportements peuvent « compromettre le progrès de la science, la carrière des chercheurs et la réputation des institutions », et ce, « tout autant que l’inconduite des chercheurs eux-mêmes ».

Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie, Ilia Répine (1844-1930)

L’abus de pouvoir peut être illustré par le refus d’enquêter sur des allégations justifiées (par exemple un lanceur d’alerte évoque une décision influencée par des conflits d’intérêts entre un administrateur et un chercheur) et la volonté d’enquêter sur des plaintes injustifiées. L’attribution des financements peut aussi être l’objet d’abus de pouvoir, quand par exemple elle est influencée par des considérations sans rapport avec le fond scientifique, comme protéger une institution ou exclure des chercheurs sur des motivations politiques ou confessionnelles.

Le manquement aux obligations couvre l’ignorance, le non-respect ou l’interprétation partisane des recommandations et des chartes de bonnes pratiques en vigueur dans l’institution. Elle concerne également la nomination en toute connaissance de cause de personnes n’ayant pas les compétences requises pour un poste ou encore la volonté de l’institution de se couvrir contre d’éventuelles mises en cause sur des faits qui pourraient être révélés.

Un manque de responsabilité consiste à placer la réputation institutionnelle au-dessus d’une gouvernance juste et éthique.

Dans tous ces cas, on devra s’interroger également sur une défaillance des autorités de tutelle et des financeurs. La question est ainsi clairement posée, en France, à propos de l’Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille à l’occasion de la crise sanitaire actuelle.

Si la qualité des recherches menées ainsi que leur documentation précise peuvent protéger les chercheurs d’allégations de méconduite, l’hostilité ou le mauvais comportement d’une administration est plus difficile à prouver.

En conclusion, le rapport souligne que la méconduite des administrations est sans doute sous-évaluée car les signalements proviennent essentiellement des administrations elles-mêmes. Il émet sept recommandations, parmi lesquelles l’obligation pour chaque institution de se doter de règles spécifiques relatives aux mauvaises pratiques de sa propre administration, la mise en place de sanctions substantielles pour les personnes reconnues coupables (mais aussi un dédommagement pour celles injustement accusées), un recours à une autorité externe et indépendante pour aider à enquêter et juger.

Enfin, le rapport appelle de ses vœux une recherche plus systématique sur l’incidence des mauvaises conduites dans l’administration de la recherche, leurs causes et leurs effets sur les scientifiques et sur l’institution.

Références


1 | Robert JS, “Misconduct in research administration : What is it ? How widespread is it ? And what should we do about it ?”, Accountability in Research, 2022, doi :10.1080/08989621.2021.2020110