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Êtes-vous avec ou sans ?

Publié en ligne le 29 mars 2018 - Alimentation -
Médias et réseaux sociaux diffusent la mode du « sans », qui actuellement bat son plein. On a beaucoup parlé du sans huile de palme, du sans OGM, du sans sels d’aluminium dans les déodorants, du sans paraben dans les cosmétiques, de la polémique à propos des adjuvants tels que l’aluminium dans les vaccins... Bien sûr, rien n’est sans aucun danger, mais « avec » ou « sans », c’est l’excès qui se condamne de lui-même.

Et ce sont des excès du « sans » que nous allons parler ici.

Actuellement, on parle du sans viande, du sans lactose, du sans gluten, du sans se laver et du sans douche, du sans s’habiller, du sans alcool, du sans manger, du sans poils (mais avec la barbe), du sans FODMAPS (Fermentable oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides and polyols : sans fructose, sorbitol, produits laitiers et céréales) et même de diète médiatique pour sortir de l’addiction des médias…

En juillet-août 2017, Le Quotidien du médecin, sous la plume de Christian Delahaye, a consacré un dossier à ce qu’il appelle les régimes d’exclusion. L’auteur introduit ainsi chaque volet : « Fortement relayés par les médias et surtout par les réseaux sociaux, les régimes d’exclusion débordent des rayons alimentaires pour investir les modes de vie, avec les “sans-se-laver”, “sans-s’habiller”… Le même scénario attire à chaque fois des foules d’adeptes : haro sur un produit, une substance, un comportement, qui empêcherait de bien vivre. Enjeu : se soigner individuellement, en dehors des chemins médicaux scientifiquement balisés. Le Quotidien propose un état des lieux de ces “sans-sans”, en deux temps : intox/détox. » [1]

Les arguments des « sans » sont tous axés sur le thème de la santé et du bien-être. Mais ces pratiques alimentaires, ou d’autre nature, ont-elles un intérêt médical réel ou bien, au contraire, les privations radicales et les précautions extrêmes représentent-elles un danger pour la santé physique et même mentale de leurs adeptes ?

Voici quelques-unes de ces tendances…

La tendance sans viande

La tendance sans viande repose sur des considérations éthiques et écologistes. Elle exploite aussi les scandales alimentaires ou encore les images choquantes tournées dans les abattoirs par l’association L214 [2]. À cela s’ajoutent les mises en garde du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’agence cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui classe la viande transformée dans la catégorie des agents cancérogènes pour l’Homme.

En France, les végétariens représentent entre 2 et 4 % de la population selon l’Inra, soit environ 1 à 2 millions de personnes. Il y a des nuances entre les différentes catégories de « sans viande » (voir encadré).

Végétariens, flexitariens, végétaliens, végans…

Les végétariens ne se nourrissent que de fruits et de légumes, mais la plupart d’entre eux mangent des œufs et boivent du lait. Les pescétariens, avec lesquels ils sont souvent confondus, mangent du poisson et des crustacés. Pythagore est considéré comme le père du végétarisme. On le trouve chez de nombreux philosophes et scientifiques célèbres, tels Albert Einstein, Léonard de Vinci, Mahatma Gandhi.

Les flexitariens, végétariens occasionnels, sont des omnivores qui limitent leur consommation de viande à une ou deux fois par semaine.

Les végétaliens, végétariens dits « stricts », ne consomment ni lait ni œufs, ni produits dérivés de l’animal, mais seulement des légumes et des fruits.

Le véganisme a été créé en 1944 par Donald Watson, professeur de menuiserie, fondateur en Angleterre de la Vegan Society et inventeur du mot « vegan ». Il a édité un magazine trimestriel, The Vegan News. Il représente les extrémistes qui refusent tout ce qui pourrait provenir de l’animal, ne portent pas de laine, de soie, de cuir, n’utilisent pas de produits cosmétiques et ménagers testés sur les animaux, et ne participent à aucun loisir mettant en scène des animaux (cirque, zoo...). Ils prônent l’antispécisme (il n’y a pas de différence entre les espèces « animales », dont l’espèce humaine). Ce n’est plus seulement une alimentation spécifique, mais un mode de vie basé sur le refus de l’exploitation animale.

Des médecins et nutritionnistes opposent des objections au régime sans viande non supplémenté, notamment le risque de carence en vitamines B12, appelée anémie de Biermer (voir encadré).

Les risques des régimes carencés

Pour Léon Guéguen, directeur de recherche honoraire et ancien directeur du Laboratoire de nutrition et sécurité alimentaire de l’Inra, il faut d’abord considérer plusieurs degrés dans le végétarisme, dans un ordre croissant de risque de carence ou de déficience : « le semi-végétarisme qui n’exclut que la viande de mammifère mais accepte le poisson et parfois la volaille (donc sans aucun problème nutritionnel), le lacto-ovovégétarisme qui interdit toute viande et poisson mais pas le lait et l’œuf, le végétalisme qui n’admet que les aliments d’origine végétale, et enfin certaines formes encore plus restrictives de végétalisme dit macrobiotique ou à base de fruits. Il est bien connu que ces derniers régimes, souvent à connotation sectaire, font courir des risques importants, notamment aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitant ». Il précise que « le principal intérêt de la viande est de fournir la vitamine B12 absente dans les végétaux (et donc de prévenir des troubles allant de l’anémie aux dommages neurologiques graves), du fer de nature héminique (constituant de l’hémoglobine) de très bonne biodisponiblité, contrairement au fer des végétaux présent sous forme de phytates ou oxalates insolubles, du zinc plus disponible que celui des végétaux, notamment des graines. Une étude allemande récente a montré que 60 % des végétariens avaient une carence de stade 3 en vitamine B12 » 1.

Et, régulièrement, des faits divers viennent tristement illustrer ce propos. En 2014, un petit garçon de sept mois est décédé suite à une alimentation exclusive au lait végétal. Les parents, propriétaires d’un magasin bio, risquent 18 ans de prison et affirment pour se justifier que « leur enfant souffrait d’allergies au lactose et au gluten et ne supportait pas le lait artificiel » 2. En 2015, en Italie, un enfant de 14 mois est retiré à ses parents. Il souffrait d’une sévère malnutrition due à un régime végan non compensé. Le journal qui rapporte l’information indique que, dans ce pays, « quatre enfants ont été hospitalisés pour malnutrition au cours des 18 derniers mois, dont une petite fille de deux ans aux soins intensifs à Gênes le mois dernier, elle souffrait notamment de carence en vitamines » 3.

En France, en 2013, l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) s’alarmait, suite à plusieurs cas graves de très jeunes enfants ayant été partiellement ou totalement nourris avec des boissons autres que le lait maternel et ses substituts, et émettait un avis rappelant que « ces produits ne doivent pas être utilisés, que cela soit à titre exclusif ou même partiel, chez l’enfant de moins de un an » 4.

Ce qui est en cause, c’est surtout l’intégrisme du refus de tout produit animal et leur dénigrement, notamment chez certains végans. En effet, lorsqu’on visite des sites Internet végans, on lit sur certains d’entre eux que non seulement la viande (« Cadavres, cellophannés dans les grandes surfaces, sur les étals des bouchers et poissonniers ! » 5), la charcuterie (« Hénaff, la souffrance en boîte »), les insectes et souvent le poisson, mais aussi les produits qui proviennent d’animaux, tels les œufs (« menstruations de la poule »), le lait (« de la colle qui contient du pus »), le miel (« vomi d’abeilles »), le cuir, la soie et la laine, ou encore monter à cheval, assister à un spectacle avec des animaux dans un cirque, sont interdits. Question toute bête qui me vient tout à coup à l’esprit : faut-il aussi interdire l’introduction humaine des coccinelles qui protègent les cultures des pucerons ?

L’objectif poursuivi par les images et par les mots est de choquer le consommateur et de provoquer le dégoût et le rejet. Certes, il existe très certainement des végans respectueux des choix des non-végans. Mais un tel objectif proclamé par certains et de telles expressions transforment un goût ou une opinion respectables en croyances que l’on veut faire partager coûte que coûte et qui engendrent parfois de véritables comportements sectaires.

Les affirmations, chiffres et statistiques non étayés, qui sont publiés sur des sites pro-végans, ne seront pas toujours vérifiés par ceux qui désirent voir confirmées leurs propres préférences.

S’il faut différencier les attitudes raisonnables des dérives extrémistes d’une partie du mouvement végan, il est nécessaire d’épingler des procédés, tels que :

L’attrait par la séduction. Une frange du mouvement végan exploite et radicalise de façon détournée des aspirations légitimes de défense du bien-être des animaux.

L’influence d’un gourou (qui bien entendu ne se désigne pas ainsi), d’associations telles que PeTA (Pour une éthique dans le traitement des animaux), qui dénoncent tous ceux qui portent atteinte au traitement des animaux à coups d’articles choc, comme par exemple « Le parc Astérix, prison et mouroir », ainsi que de certains sites Internet, tels que Réseau antispéciste Gard et environs et Cause animale Nord [3] et leurs pages respectives sur Facebook.

Le blog zététicien, La menace théoriste 6, critique la méthode de l’un des représentants les plus actifs du véganisme en France, Gary Yourofsky, qui harangue ainsi ses auditoires : « Êtes-vous conscients que, physiologiquement, le corps humain est 100 % herbivore ? », entre autres affirmations hallucinantes. En Israël, d’autres extrémistes, tels Tal Gilboa ou Sasha Boojor, œuvrent pour le mouvement végan dans le même esprit.

La rupture sociale. On oppose les vilains carnistes aux gentils végans qu’on isole pour les neutraliser.

La déstabilisation mentale. Victimes de la pression du groupe et privés de leurs repères, il arrive que les végans perdent leur sens critique et leur sens de l’humour en s’isolant de leurs proches. On propage ce leitmotiv, dit Christian Delahaye dans Le Quotidien du médecin : « le régime végan est parfaitement naturel, prends ta B12 et ferme-la ! ».

Les exigences financières : « Mais non, le véganisme ne coûte pas plus cher qu’un autre régime ».

La liberté, mais l’asservissement (comme dans 1984 de George Orwell). En d’autres termes « sens-toi libre », avec cette menace en sourdine : « Tu peux sortir du régime végan quand tu veux, mais on te dénoncera comme traître à la cause. »

L’article de Sébastien Leban du 8 août 2017, paru dans Paris-Match, « Israël, terre promise pour les végans » [4], commence ainsi : « En cette matinée grise d’octobre 2012, une odeur de chair brûlée se fait sentir sur la place Rabin à Tel-Aviv. Au centre de la grande esplanade devant la mairie, un homme à demi-nu, entre deux molosses cagoulés, vient de se faire marquer au fer rouge, sous le regard horrifié des passants. Son avant-bras mutilé par le métal, l’homme est jeté à terre puis enchaîné. Sur sa peau, trois chiffres : 2-6-9. Allongé sur les pavés, le visage hagard, Sasha Boojor, 29 ans à l’époque, vient de lancer officiellement son mouvement 269 Life, qui exige la libération “inconditionnelle de tous les animaux”. Quelques semaines plus tôt, accompagné d’un groupe d’activistes, il avait sauvé in extremis de l’abattoir un veau qui portait à l’oreille le numéro 269. Il deviendra, plus qu’une mascotte, le symbole de l’exploitation animale. »

L’auteur énumère les opérations chocs menées dans tout le pays par les activistes de 269 Life : distribution de poussins morts et projection de faux sang sur les bureaux des employés d’une ferme avicole, diffusion de sons enregistrés dans des abattoirs au milieu d’un centre commercial bondé, etc.

Le groupe 269 Life est désormais présent dans une vingtaine de pays, dont la France, et d’autres groupes sont apparus, qui proclament que « l’extrémisme végan est nécessaire » [2].

Les médecins et les nutritionnistes qui défendent la consommation modérée de viande, sont souvent l’objet d’insultes lors de leurs interventions ou de leurs conférences. D’après Le Quotidien du médecin, c’est le cas de la nutritionniste Florence Foucaut, du professeur Jean-Marie Bourre, du professeur Jean-Michel Lecerf, qui témoigne : « Lors de conférences, je me fais régulièrement insulter et traiter d’assassin. Avec les mangeurs-autres, on est souvent dans une ambiance de guerre. L’alimentation, qui devrait être le domaine de la convivialité et du bien vivre, est en train de devenir le champ de bataille de nouvelles guerres de religion » [1].

Pour certains, le « sans » est devenu un impératif radical. Les exagérations de certains extrémistes ne sont pas seulement dangereuses pour la santé physique mais aussi, on s’en doute, pour la santé mentale. Un autre régime qui excède les indications médicales, c’est le régime sans gluten.

La tendance sans gluten

Gluten signifie « colle » en latin. Cette appellation de ce complexe protéique lui vient de son élasticité et de sa viscosité. En 1996, dans L’alimentation ou la troisième médecine (Éditions du Rocher), un médecin, le docteur Jean Seignalet, a attribué au gluten les poussées inflammatoires et les dérèglements intestinaux. Il a été suivi par d’autres. Il apparaît effectivement avéré que les patients atteints de la maladie cœliaque sont intolérants au gluten. Toutefois ils représentent environ 1 % de la population française (660 000 personnes environ), alors que le nombre des adeptes du sans gluten atteint les 5 à 6 millions, d’après l’Association française des intolérants au gluten (Afidag). Ils ont leurs restaurants dédiés, leur emblème – un épi barré –, et des rayons spécialisés dans les supermarchés.

Aux États-Unis, le gluten free donne lieu à un chiffre d’affaires d’environ 6,6 milliards de dollars d’après le Time. Les militants s’appuient sur les nombreux symptômes inexpliqués comme les migraines, les douleurs abdominales, la mauvaise digestion, mais aussi l’arthrite, pour inciter à « se soigner individuellement en dehors des chemins médicaux scientifiquement balisés », selon Le Quotidien du médecin.

En réalité, une récente étude parue dans le British Medical Journal du 2 mai 2017 dit que le régime sans gluten aurait plutôt un effet cardio-vasculaire négatif. Selon la revue Epidemiology de mars 2017, en raison du remplacement du blé par la fleur de riz, qui accumule les métaux toxiques, les adeptes de l’alimentation sans gluten auraient un taux d’arsenic et de mercure dans les urines près de deux fois supérieur à la moyenne. D’autres effets sont relevés par le médecin nutritionniste Hervé Robert, notamment « des déficits d’apports en fibres, en vitamines B1, B3 et B6, en fer, zinc, magnésium, phosphore, potassium, présents dans le pain et les pâtes ».

Léon Guéguen dénonce ainsi « un pur phénomène de mode qui excède les indications médicales ». Le professeur Jean-Michel Lecerf souligne que ce régime « entretient dans l’esprit des consommateurs un sentiment de désarroi et de malaise par rapport aux aliments de base que sont le pain et les pâtes. Il nourrit un climat de défiance à l’égard des médecins et des experts suspectés de conflit d’intérêt avec l’industrie alimentaire. » (cités dans [1]).

Le sans gluten est une source de profits pour les rayons spécialisés des supermarchés, les naturopathes et autres adeptes du bien-être et des soins 7. Mais cette mode, comme toute mode, finira bien par se démoder pour être remplacée par une nouvelle trouvaille.

La diète médiatique

La recherche du scoop, du scandale ou de la polémique conduit trop souvent les médias à donner la parole aux tenants de la contestation comme L214, au détriment d’une information scientifiquement étayée. Il est vrai que l’information objective ne fait pas vendre. Pour ne plus être la proie d’informations stressantes, voire toxiques et dangereuses pour la santé mentale, certains préconisent le sans médias. Cet antidote n’élimine pas le poison, semble-t-il, puisque survient alors le syndrome « fomo » : fear of missing out ou peur du manque.

Exploitant ce filon, des coaches proposent sur leurs blogs des diètes médiatiques d’une semaine à un an, selon la gravité de l’intoxication, en promettant à terme la libération du stress.

Plutôt que de passer ainsi d’un extrême à l’autre, du trop de médias au sans médias, de l’addiction à l’abstinence, il vaut sans doute mieux trouver un juste milieu. Dans son livre, Overdose d’infos, guérir des névroses médiatiques (Seuil, 2006), le psychiatre Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie de Bichat, écrit : « si la surdose d’infos est anxiogène, elle a aussi ses effets anxiolytiques, dans la mesure où en captant l’attention de la personne sur des dangers extérieurs, elle l’empêche de focaliser sur ses propres angoisses et tumultes intérieurs » (cité dans [1]).

Alors, face à la multiplication des flux d’actualités et des doses de plus en plus fortes d’informations plus souvent fallacieuses que vérifiées, peut-être vaut-il mieux apprendre à aiguiser son esprit critique pour mieux distinguer les unes des autres et trouver un équilibre et une certaine sérénité.

Mais comment s’explique le succès actuel du « sans » ? Et pourquoi une mode succède-t-elle si souvent à une autre ?

Suivisme et effet de mode

L’« effet de mode » est aussi appelé l’effet Bandwagon ou bandwagon effect, consistant à sauter, mot à mot, dans « le wagon de l’orchestre » (le dernier dans une parade ou un défilé aux États-Unis). Il désigne l’effet de comportement grégaire par lequel les individus se conduisent comme des moutons de Panurge [6].

Dans son étude sur l’influence psychosociale, Robert Cialdini a pris, entre autres exemples, celui du rire en conserve, procédé dit très efficace dans certaines séries télévisées et qui provoque le rire automatique des spectateurs. Pour montrer pourquoi ce procédé marche, il pose le principe de « la preuve sociale » : si les autres rient, c’est que ça doit être drôle. Dans d’autres situations, si les autres agissent ou n’agissent pas, croient ou ne croient pas, aiment ou n’aiment pas, ils doivent avoir raison et il faut faire comme eux. La preuve sociale est un raccourci qui fonctionne habituellement bien : si nous nous conformons au comportement que nous observons autour de nous, nous sommes moins susceptibles de faire un « faux pas social ». En d’autres termes, nous considérons un comportement comme plus correct dans une situation donnée dans la mesure où nous voyons les autres l’exécuter.

Le principe de la preuve sociale est activé par la ressemblance : il fonctionne encore mieux quand ceux dont nous observons les comportements sont des gens comme nous. Pour illustrer cette idée, Cialdini raconte comment son fils Chris a appris à nager. Il n’a pas appris avec son père, ou avec un moniteur, mais avec un autre garçon de son âge, qui venait lui-même d’apprendre.

La preuve sociale fonctionne encore mieux quand les comportements et les opinions sont partagés par un grand nombre de personnes. D’où, entre autres, la prépondérance des témoignages de personnes « ordinaires » à la télévision. Ceci explique aussi pourquoi devant une situation critique, une crise d’épilepsie d’une personne en public ou une agression, un groupe de personnes ne réagit pas, alors qu’un individu isolé apporte souvent spontanément son aide à la personne en difficulté 8.

Il n’est donc pas étonnant que nous nous trouvions très souvent enfermés dans des modes, soumis sans répliquer à la passivité de la collectivité et à des slogans irrationnels, et qu’à une mode en succède une autre, sans fin.

Alors ne sautons pas dans le wagon de l’orchestre comme des moutons, avant d’avoir bien vu où il va nous mener.

De l’eau sans OGM, sans gluten, sans glucide, sans….

Jusqu’où ira la mode du « sans » ? En tout cas, d’habiles marketeurs ont compris l’usage qu’ils pouvaient en faire. Une entreprise américaine commercialise une eau sans OGM, sans gluten, sans glucide, sans colorant, sans additif, sans bisphénol, sans caféine, sans sucre et… certifiée kasher et bio… Apparue en 2011 dans les rayons de supermarchés américains, les bouteilles de la marque BLK 9 sont maintenant en vente sur plusieurs continents. Elles attirent l’attention avec la couleur noire de leur contenu (le nom BLK – pour black – vient d’ailleurs de là), donnée par un enrichissement en nutriments « riches en acide fulvique » (composé très prisé des adeptes des médecines dites douces). La présentation s’accompagne de toutes sortes de promesses de santé et de bien-être. Faut-il prendre tout ceci au premier degré ? Reste qu’on se demande ce que serait une eau avec des OGM, avec du gluten, ou une eau non bio…

Références

1 | Dossier « spécial été », Christian Delahaye, Le Quotidien du médecin. Sur le site https://www.lequotidiendumedecin.fr
2 | Association végane L214
3 | Réseau antispéciste Gard et environs et Cause animale Nord ; Association PeTA France
4 | Leban S, « Israël, terre promise pour les végans », Paris-Match, 8 août 2017.
5 | Krafft S, « Cures “détox” : intox ! », SPS n° 312, avril 2015.
6 | Axelrad B, « Clic, clic, pourquoi jouons-nous si facilement les moutons de Panurge ? », SPS, n° 320, avril 2017.
7 | Axelrad B, « Le diable est-il en chacun de nous ? », SPS n° 314, octobre 2015.

1 « Omnivore, végétarien, végétalien », SPS n° 283, octobre 2008.

3 “Italian baby kept on vegan diet taken into care after being found malnourished”, Josephine McKenna, 10 juillet 2016. Sur telegraph.co.uk

5 « Cadavres, dans tous les aliments (même les friandises !!!!), dans les produits de beauté, produits ménagers, habillement, alimentation des futurs cadavres et même dans vos moteurs !!!!!!! » (les points d’exclamation sont de l’auteur du blog). Blog « Végétarisme : un impératif éthique et écologique », grandesmala.canalblog.com, cité aussi par Léon Guéguen.

6 Blog tenu par Acermendax, biologiste, écrivain, marionnettiste et zététicien, « passionné par les raisons pour lesquelles les humains tiennent aux erreurs qu’ils commettent ». menace-theoriste.fr/gary-yourofsky-analyse-dune-imposture

7 Voir l’article de Stéphanie Krafft « Cures “détox” : intox ! » et sa conclusion qui ne manque pas de sel : « Enfin, n’oublions surtout pas d’épargner à nos cellules grises les “toxines” intellectuelles. Cultiver tous les jours notre esprit critique nous permettra d’éviter une cure détox pour le cerveau ! » [5].

8 « Nous avons tous en nous la capacité du bien et du mal, mais la manière dont nous l’exprimons par notre comportement dépend de la situation, des circonstances et des conditions dans lesquelles nous agissons » [7].