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Covid-19 : le risque d’un réservoir animal du SARS-CoV-2

Publié en ligne le 25 février 2022 - Covid-19 -

Bien que l’émergence de la Covid-19 en Chine n’ait pas été clairement élucidée, l’hypothèse d’une origine animale reste la plus probable. Elle est étayée par la présence de la chauve-souris fer à cheval suspectée d’être le progéniteur du SARS-CoV-2 et par la raréfaction de la viande de porc due à la peste porcine africaine, détournant les consommateurs vers des animaux exotiques d’élevage vendus sur les marchés. Au cours de cette pandémie, il a été possible d’établir la sensibilité de plusieurs espèces animales au SARS-CoV-2, soit naturellement, soit expérimentalement.

La contamination des animaux

Dans les conditions naturelles, il s’agissait principalement de cas sporadiques d’animaux de compagnie contaminés par leur propriétaire dans différents pays du monde (Asie, Europe, Amérique du Nord et Amérique du Sud). Le premier cas a été identifié à Hong Kong chez un chien le 26 février 2020. Les études expérimentales ont aussi montré que le chat était plus sensible que le chien à la Covid-19, avec la possibilité d’une transmission intra-espèce [1]. Dans plusieurs pays, on a pu observer que de nombreux animaux étaient séropositifs (jusqu’à 15 ou 20 % pour les chats mais moins de 5 % le plus souvent chez les chiens) [2]. Plusieurs pays ont aussi démontré la contamination possible des chats errants [3]. Le virus variant B.1.1.7 (variant alpha, dit britannique) a pu aussi contaminer des chats et des chiens au Royaume-Uni et les symptômes observés n’ont pas été respiratoires mais cardiaques [4]. D’autres cas de contamination d’origine humaine ont été observés dans des zoos chez des grands félins (tigres, pumas, lions, panthères des neiges) et des gorilles [5]. Mais la transmission la plus importante de l’Homme à l’animal a eu lieu dans les élevages de visons, surtout aux Pays-Bas et au Danemark, nécessitant l’euthanasie de plusieurs millions d’animaux, les visons ayant, à leur tour, contaminé des hommes et des chats errants [6].

On pourrait s’inquiéter de la sensibilité des animaux d’élevage au SARS-CoV-2 du fait de leurs contacts étroits avec l’Homme et du grand nombre de coronaviroses connues en médecine vétérinaire. Cependant, à ce jour, ces coronaviroses n’ont pas été identifiées comme pouvant se transmettre à l’Homme. Et aucune infection naturelle n’a été rapportée chez des animaux destinés à la consommation humaine. Une seule expérimentation a montré la sensibilité du lapin au SARS-CoV-2 [7].

L’étude des transmissions naturelles ou expérimentales du SARS-CoV-2 a permis d’identifier les espèces animales les plus réceptives [1] : le hamster et le furet (qui sont aussi des animaux de compagnie), le vison d’Amérique, le chien viverrin et, dans une moindre mesure, le lapin et le chat errant. Certains de ces animaux pourraient devenir un réservoir du SARS-CoV-2 en raison de leur sensibilité à ce virus et de leur prolificité. Il s’agit surtout du vison d’Amérique (des cas d’infection ont été signalés chez des visons sauvages aux États-Unis et en Espagne) et du chien viverrin, considérés comme nuisibles en France, voire du lapin et du chat errant [8]. Le développement de l’urbanisation pourrait favoriser les rencontres entre les animaux de compagnie (chats nomades) et la faune liminaire (animaux vivant près de l’Homme sans toutefois être domestiqués), dont la sensibilité au SARS-CoV-2 reste à démontrer.

Des mesures de surveillance

La Commission européenne a décidé le 17 mai 2021 [9] de renforcer la surveillance des infections par le SARS-CoV-2 chez les visons et d’autres mustélidés, ainsi que chez des chiens viverrins, en soulignant que l’évaluation épidémiologique du risque que présente l’apparition du SARS-CoV-2 chez ces espèces sensibles était une priorité de santé publique.

La sensibilité des espèces animales à l’infection par le SARS-CoV-2 et les risques qui en découleraient dans le domaine de la santé publique avaient fait l’objet d’un avis bi-académique le 24 novembre 2020 [10], après l’annonce par les autorités danoises de l’apparition dans des élevages de visons d’une souche virale mutante 453F ayant franchi la barrière d’espèce en contaminant douze personnes.

Si, à l’heure actuelle, l’Homme est la principale source de propagation du SARS-CoV-2 pour ses semblables et pour les espèces animales qui lui sont proches, les mesures de lutte anti-pandémique, notamment la vaccination, font espérer une diminution progressive de la circulation virale. Toutefois, la persistance du virus chez certaines espèces animales, en particulier les plus sensibles, pourrait créer un nouveau réservoir.

Chez le marchand d’animaux (détail), Hermann Kern (1838-1912)

La transmission du SARS-CoV-2 de l’Homme à l’animal est un risque à ne pas négliger face à l’éventualité de créer un réservoir animal pour ce virus. C’est pourquoi l’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France ont publié un rapport bi-académique (adopté lors de la séance du mercredi 30 juin 2021 de l’Académie nationale de médecine) [11] (voir aussi de larges extraits de ce rapport dans ce numéro de Science et pseudo-sciences), avec les recommandations suivantes :

  • proposer un dépistage du SARS-CoV-2- chez les animaux exprimant des signes cliniques évocateurs de la Covid-19 pendant la période d’un mois suivant la maladie de leur propriétaire (confirmée Covid-19) et, en cas de positivité, effectuer un séquençage du matériel viral identifié ;
  • maintenir une surveillance continue des infections à coronavirus détectées chez les animaux domestiques et dans la faune sauvage et liminaire ;
  • prévenir tout risque de transmission du SARS-CoV-2 de l’Homme aux espèces animales sensibles en informant les personnes présentant les symptômes de Covid-19 de cette possibilité (animaux de compagnie : hamsters, furets, chats, chiens… ; animaux d’élevage : primates non humains, visons, animaux de laboratoire sensibles…) ;
  • sensibiliser les chasseurs, les travailleurs forestiers et toute personne exerçant une activité au contact de la faune sauvage et liminaire (centres de soins spécialisés, zoos…), ainsi que les visiteurs des parcs animaliers, aux risques zoonotiques encourus.
Références


1 | Shi J et al., “Susceptibility of ferrets, cats, dogs, and other domesticated animals to SARS-coronavirus 2”, Science, 2020, 368 :1016-20.
2 | Colitti B et al., “Cross-Sectional serosurvey of companion animals housed with SARS-CoV-2 – Infected owners, Italy”, Emerg Infect Dis, 2021, 27 :1919-22.
3 | Spada E et al., “A pre- and during pandemic survey of Sars-Cov-2 infection in stray colony and shelter cats from a high endemic area of Northern Italy”, Viruses, 2021, 13 :1-11.
4 | Ferasin L et al., “Myocarditis in naturally infected pets with the British variant of COVID-19”, preprint, bioRxiv, 2021 (publication non évaluée par les pairs). Sur biorxiv.org
5 | World Organisation for Animal Health, “COVID-19”, 2021, portail Internet. Sur oie.int
6 | Van Aart A et al., “SARS-CoV-2 infection in cats and dogs in infected mink farms”, 2021, preprint (publication non évaluée par les pairs). Sur authorea.com
7 | Mykytyn AZ et al., “Susceptibility of rabbits to SARS-CoV-2”, Emerg Microbes Infect, 2021, 10 :1-7.
8 | Schlottau K et al., “SARS-CoV-2 in fruit bats, ferrets, pigs and chickens : an experimental transmission study”, Lancet Microbe, 2020, 1 :e218-25.
9 | « Décision d’exécution (UE) 2021/788 de la Commission du 12 mai 2021 établissant des règles pour la surveillance et la notification des infections par le SARS-CoV-2 chez certaines espèces animales », Journal officiel de l’Union européenne, L. 173, 17 mai 2021. Sur op.europa.eu
10 | « SARS-CoV-2 : sensibilité des espèces animales et risques en santé publique. Avis de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie vétérinaire de France », Bull Acad Natl Med, 2021, 205 :99-104.
11 | Brugère-Picoux J et al., « Covid-19 et monde animal, d’une origine encore mystérieuse vers un futur toujours incertain », rapport bi-académique, Académie nationale de médecine et Académie vétérinaire de France, 2021. Sur academie-medecine.fr