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La radioactivité

Publié en ligne le 1er février 2023
La radioactivité
Découverte, Mécanismes, Applications, Problématiques
Marie-Christine de la Souchère
Éditions Ellipses, 2022, 177 pages, 22 €

De formation scientifique en sciences physiques, Marie-Christine de la Souchère est déjà l’auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique. Nous avons par exemple déjà mentionné son Histoire de l’astronomie publiée en 2019 1.

Cette fois, il s’agit de traiter du sujet de la radioactivité sans faire « ni apologie, ni condamnation du nucléaire », mais en apportant « au lecteur des éléments qui lui permettront de faire la part des choses et de se forger une opinion personnelle ». Dans l’ensemble, l’objectif est atteint.

Les deux premiers chapitres concernent la découverte empirique du phénomène en 1896, ainsi que la construction progressive du cadre théorique qui permet d’expliquer la radioactivité. Le récit de la confrontation des hypothèses des savants de l’époque est passionnant – c’est la méthode scientifique à l’œuvre ! – et c’est en 1904 qu’est apportée la preuve que l’origine de la radioactivité est la transmutation des éléments chimiques, c’est-à-dire le fait qu’un élément chimique se transforme en un autre élément.

Le troisième chapitre détaille les mécanismes de la radioactivité, à savoir que la transformation d’un noyau d’atome en noyau d’un autre atome (désintégration) s’accompagne de l’émission de particules (électrons β, positons β+, noyaux d’hélium α), ou d’un rayonnement gamma, qui constituent la radioactivité observée. La loi de décroissance radioactive est expliquée, à savoir que la population d’un ensemble de noyaux atomiques est divisée par deux pour une durée propre à la nature des noyaux considérés, appelée demi-vie. La notion d’activité d’un échantillon radioactif est introduite : le nombre de désintégrations par unité de temps, qui traduit l’intensité de la radioactivité.

De nombreuses applications de la radioactivité sont présentées dans les six chapitres suivants.

Ainsi, l’utilisation du carbone 14 pour dater les matières organiques jusqu’à environ 40 000 ans est expliquée en détail, avec même une discussion sur la précision de la méthode. C’est aussi la désintégration d’autres atomes radioactifs qui permet de dater la formation de roches : 4,2 milliards d’années pour les plus anciennes de la croûte terrestre. Et même 4,568 milliards d’années pour certaines roches météoritiques, ce qui donne un âge pour le Système solaire. On apprend ensuite que c’est la fiabilité de la loi de décroissance radioactive qui permet de fournir une électricité régulière afin d’alimenter les sondes spatiales.

La radioactivité permet aussi la détection des atomes à distance : des atomes radioactifs sont utilisés par exemple pour suivre les mouvements de molécules dans un organisme vivant, ou établir la carte des courants marins. Les particules ou le rayonnement gamma émis lors de la désintégration radioactive sont des rayonnements « ionisants », c’est-à-dire suffisamment énergétiques pour arracher des électrons à d’autres atomes. Cela peut les rendre dommageables pour la santé si la dose reçue est importante. Mais c’est cela aussi qui permet de soigner de nombreux cancers par destruction des cellules cancéreuses (radiothérapie). La radioactivité permet aussi des techniques d’imagerie très détaillées (scintigraphie, tomographie par émission de positons – TEP) qui aident à établir un diagnostic médical.

On nous présente aussi d’autres utilisations de la radioactivité dans le domaine des arts (datation d’œuvres, imagerie de l’intérieur de statues…) ou de l’industrie (stérilisations, contrôles qualité sur les chaînes de production…).

Enfin les deux derniers chapitres concernent les problématiques liées à la radioactivité : conception d’armes nucléaires, incidence des essais nucléaires sur l’environnement, exploitation des centrales nucléaires électrogènes et gestion des déchets nucléaires associés. Le traitement de ces sujets est essentiellement factuel et assez détaillé, sans parti pris. En particulier, les catastrophes de Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) sont décrites de façon claire et concise pour ce qui concerne le déroulé des événements, mais on pourra regretter que le bilan humain ne soit pas mieux explicité. Pour Tchernobyl, bien que des « centaines de milliers d’hommes, civils et militaires, les liquidateurs, [aient] été dépêchés sur le site par roulement », des morts dans les jours qui suivent et d’autres ultérieurement par cancers sont évoqués, mais aucun chiffre n’est précisé. En ce qui concerne Fukushima, les plus de 20 000 morts dus au tsunami ne sont pas cités et on peut seulement lire que, parmi les plus de 70 000 personnes évacuées, « 2 000 [...] sont décédées des conséquences directes et indirectes du séisme ». Mais pourquoi ne pas évoquer les conséquences minimes des radiations pour la santé humaine ?

Malgré cette petite réserve, lire ce livre permettra sans aucun doute à chacun d’enrichir ses connaissances sur le sujet. Le propos est accompagné de nombreuses photographies ou schémas très utiles (bien qu’ils soient en noir et blanc) et chacun des chapitres se termine par une liste détaillée de ressources bibliographiques – la plupart du temps en français – qui servira au lecteur désireux d’approfondir les notions abordées.

1 Note d’Arkan Simaan, Sciences et pseudo-sciences n°332, https://www.afis.org/Histoire-de-l-astronomie