Accueil / La lutte contre les OGM, l’obscurantisme vert

La lutte contre les OGM, l’obscurantisme vert

Publié en ligne le 13 mars 2015 - OGM et biotechnologies -
Ce texte a été publié dans le journal La Croix du 3 juin 2014 et est reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur.

Voilà plus de douze ans que François Ewald et moi dénoncions à la une du journal Le Monde l’irruption sur la scène politique de « nouveaux vandales » sous les espèces des faucheurs volontaires. Après avoir soutenu la juste cause de nos fromages, José Bové et ses amis s’étaient alors publiquement engagés à détruire un par un les essais d’OGM.

Un travail scientifique saccagé

Nous jugions gravissime, déjà en 2001, la faiblesse d’un État trop indulgent face aux exactions de certains meneurs de la Confédération paysanne. Nous faisions remarquer que c’était un travail scientifique mené au grand jour en toute légalité qui avait été gâché et saccagé.

Nous alertions sur les conséquences économiques qui n’allaient pas manquer de se manifester par un retard de notre agriculture sur le marché mondial alors même que notre pays figurait jusqu’alors parmi les plus compétitifs en ce domaine.

Nous n’avons depuis lors guère été démentis par les faits (ni les actes). L’invocation du principe de précaution, inscrit depuis 2005 dans le préambule de la Constitution, n’a fait qu’amplifier le phénomène.

Importance économique

Le 14 mai, la cour d’appel de Colmar a accordé en appel le bénéfice de la relaxe à 54 vandales, responsables, en 2010, de la destruction d’une vigne OGM expérimentale mise au point par un organisme de recherche public.

L’objectif de cette expérimentation est pourtant suffisamment clair pour la légitimer. Il s’agit de contrecarrer l’œuvre destructrice des nématodes, ces vers microscopiques qui dévastent nos vignes ; un marché de 7,8 milliards d’euros à l’export l’année dernière !

La question de l’indépendance

Douze institutions de recherche parmi les plus importantes de notre pays ont rejoint l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) pour protester cette fois-ci avec véhémence contre l’attaque subie.

Les vandales les narguent en mettant en doute la qualité de ces recherches. Pire, ils considèrent que les experts appelés à la barre ne sont pas indépendants. Au-delà du cas très français des OGM, le débat sur cette « indépendance » fait rage. C’est la grande question du financement de la recherche qui est en cause.

L’argumentation s’est déplacée et radicalisée au fil des années. Peu importe que la recherche soit publique, dès lors qu’y concourent directement ou indirectement des fonds privés, toute recherche « officielle » se trouve réputée contraire aux intérêts des citoyens. Lesquels, faute d’un rapport d’harmonie avec la nature, seraient la proie d’un malaise civilisationnel.

Banalisation de l’hostilité au progrès

Voilà un type de raisonnement qui porte l’écho des commencements sanglants de la République. N’oublions pas Lavoisier, Condorcet et les autres savants guillotinés sous la Terreur. Un certain ton de supériorité et d’arrogance se fait à nouveau entendre.

Désormais, les agitateurs politiques se présentent comme les porte-parole légitimes d’un peuple seul apte à juger de la valeur de la science. Ils brandissent OGM, nanoparticules, radiations... pour soulever l’épouvante. Ils nous suggèrent que ni les uns ni les autres, au fond, nous ne pouvons plus avoir confiance dans le système technoscientifique.

Le pacte républicain, celui des Lumières, est en train de se défaire. Les discours de franche hostilité au progrès se banalisent. C’est la liberté de la recherche qui est d’abord en cause. Et la liberté elle-même, première des « valeurs de la République », qu’il faut défendre contre l’obscurantisme vert.

Quinze ans de sabotage de la recherche en biotechnologies. Laissons travailler les chercheurs français !

« [...] L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) fait sienne la réprobation voire la colère de la communauté scientifique face à ces agissements visant, sous couvert de « citoyenneté », à anéantir les travaux des chercheurs pour des raisons politiques. Elle salue et soutient sans réserve la tribune publiée par les douze présidents et présidentes des organismes de la recherche publique française et d’universités [...].

Avec eux, l’AFIS affirme que "renoncer à expérimenter c’est refuser d’agir pour améliorer notre avenir collectif". Avec eux, l’AFIS appelle à sortir "de cette logique de la peur et du renoncement" face aux pressions. Avec eux, l’AFIS demande aux autorités publiques qu’elles mettent en œuvre les mesures appropriées pour la conduite sécurisée des travaux de recherche légalement autorisés par les agences gouvernementales qualifiées, c’est-à-dire le respect de la loi. »

Extrait du communiqué de l’AFIS – 5 juin 2014

Afis

Communiqué complet : 15 ANS DE SABOTAGE DE LA RECHERCHE EN BIOTECHNOLOGIES : LAISSONS TRAVAILLER LES CHERCHEURS FRANÇAIS !


Thème : OGM et biotechnologies

Mots-clés : OGM