L’élégance des molécules

Comme le titre l’indique, l’élégance est au rendez-vous tout au long du livre. Avec une très grande sincérité, Jean-Pierre Sauvage narre son parcours de chercheur en mettant en exergue ses choix scientifiques, partagés entre les défis les plus audacieux avec une visée pratique, comme la photolyse ¹ de l’eau pour fournir de l’hydrogène, une des sources d’énergie en substitution du pétrole, ou la synthèse des nœuds moléculaires ² pour leur beauté et aussi comme ouverture vers les « machines moléculaires », en passe d’imiter les protéines les plus sophistiquées du monde vivant.

Une brève introduction biographique nous informe sur ses passions scientifiques, les mathématiques, la biologie végétale ou moléculaire, qui seront pour l’auteur autant de sources d’inspiration dans son activité de chimiste. Nous suivons son parcours, du lycée d’Haguenau à l’École de chimie de Strasbourg, son entrée dans l’équipe de Jean-Marie Lehn, tout jeune professeur à l’université de Strasbourg, ses premiers travaux sur les molécules capables de mettre en cage des ions de manière sélective, son séjour après son doctorat à Oxford avec Malcolm Green, un autre ténor de la chimie, puis la création de son laboratoire quelques années plus tard. Le lecteur aimera la description de l’ambiance qu’il a su créer dans son laboratoire, la complicité intellectuelle nécessaire avec les membres de son équipe pour entreprendre des projets hors des sentiers battus. Nous le suivons pas à pas dans ses recherches qui vont le conduire à la récompense suprême, le prix Nobel.

La lecture est à recommander à tous les jeunes lycéens qui se posent des questions sur leur orientation scientifique. Il faut savoir saisir les chances, tenir compte des signaux envoyés par son entourage, par les enseignants brillants, capables de vous fasciner par la qualité de leur cours. Sans sa rencontre avec Guy Ourisson qui a su le guider vers Jean-Marie Lehn, que serait devenu Jean-Pierre Sauvage ? Certainement un excellent chimiste professionnel, mais peut-être pas un Prix Nobel.

Peut-être qu’une chaîne de télévision osera un jour trouver un « Bernard Pivot des sciences » qui serait capable d’animer une émission sur les ouvrages scientifiques et faire connaître un livre comme celui de Jean-Pierre Sauvage à un large public ? Nous vivons tous d’espoir.