Accueil / Notes de lecture / Impostures en cancérologie

Impostures en cancérologie

Publié en ligne le 9 janvier 2024
Impostures en cancérologie
Les pseudo-sciences à l’assaut de votre santé et de votre portefeuille
Jacques Robert
Éditions H&O, coll. science, 2023, 318 pages, 23 €

Comme écrit dans l’avant-propos, « il existe déjà un important corpus de livres consacrés à la description des impostures et des fraudes scientifiques », mais le livre de Jacques Robert, consacré spécifiquement au cancer, apporte une contribution utile. Il est écrit avec spontanéité, comme lorsqu’il précise qu’il ne faut pas confondre les fraudeurs et les imposteurs, ces derniers étant décrits comme « des personnes sincères au départ, qui développent ultérieurement des théories fumeuses dans le cadre d’un véritable syndrome paranoïde ».

Le chapitre 1 présente un inventaire, forcément non exhaustif, des traitements du cancer sans aucune efficacité dont le laetrile, les produits de Solomidès, de Beljanski, le gui des anthroposophes, la dianétique des scientologues. Il analyse la complaisance de certains médias ou personnalités politiques vis-à-vis de ce qu’il appelle des religions de guérison. Il épingle notamment le journal Le Monde dans son traitement de l’anthroposophie, Mitterrand traitant son cancer de la prostate avec un produit Beljanski, les liens de Nicolas Sarkozy avec la scientologie, Georgina Dufoix défendant homéopathie et acupuncture, et Jérôme Salomon faisant la promotion de la méditation de pleine conscience à l’intérieur même du ministère de la Santé.

Le chapitre 2 porte sur le diagnostic. Le chapitre 3 décrit « les faux régimes anticancer », et dénonce le lobby des compléments alimentaires, le jeûne, le régime cétogène, etc. Dans ce chapitre, l’auteur considère, à tort, comme établie la réduction du risque de cancer associée à une alimentation issue de l’agriculture biologique 1. Et il est très indulgent pour Le Vrai Régime anticancer, livre de David Khayat qui prône une consommation de vin parfaitement déraisonnable et recommande de ne consommer les aubergines que le soir, ce qui ne repose absolument sur rien. Qu’un ancien directeur de l’Institut national du cancer publie plusieurs livres de conseils alimentaires anticancer non validés aurait mérité une critique plus ferme.

Les chapitres 4, 5, 7, 8 et 10 sont consacrés chacun à une affaire d’imposture ou de fraude décrite en détail : la machine à guérir le cancer de Priore, la fraude de Bezwoda en Afrique du Sud, l’affaire Potti & Nevins aux États-Unis, la mémoire de l’eau de Benveniste et le scandale de l’ARC.

Le chapitre 6 a pour titre « La personnalisation “à vue de nez” » avec en sous-titre « Éthique et cancer ». Il porte essentiellement sur la pédiatrie oncologique perturbée par Nicole Delépine qui « prétendait pratiquer une médecine personnalisée » et « dénigrait le travail de ses confrères » en les accusant de développer « des thérapies innovantes contre le cancer, souvent toxiques et peu efficaces ». Ce chapitre revient aussi sur les débats relatifs à la fréquence et aux causes des cancers pédiatriques.

Le chapitre 9 « De quelques théories du cancer » commence par un résumé très rapide de ce qu’on connaît des causes du cancer, et continue avec une discussion sur diverses théories contestables sur son origine.

Le chapitre 11 aborde entre autres les liens financiers entre l’industrie pharmaceutique, les médecins et le prix des médicaments. Sous le titre « À qui profite le crime ? », le chapitre 12 décrit brièvement les stratégies de l’industrie du tabac pour propager de la désinformation. On y retrouve D. Khayat, épinglé pour avoir été financé par l’industrie du tabac. On aurait aimé un chapitre sur la désinformation en matière d’alcool ! Le chapitre 13 intitulé « Un financement de la recherche à la dérive » présente le point de vue très critique de l’auteur sur un sujet qu’il connaît de l’intérieur pour avoir participé à une douzaine d’instances évaluant des projets de recherche. Le chapitre 14 porte sur la publication des résultats des recherches.

Un index des noms cités et quelques pistes bibliographiques complètent utilement cet ouvrage.

Ce livre très personnel bénéficie de la considérable expérience de l‘auteur et couvre l’ensemble des aspects de la prise en charge du cancer. Toute personne intéressée par ces sujets en tirera beaucoup d’informations sur les nombreuses idées fausses en circulation.

1 Hill C., « L’alimentation bio et le risque de cancers : état des connaissances », Science et pseudo-sciences n° 327, janvier 2019.