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Téléphonie mobile et antennes-relais : que conclure de l’étude Interphone ?

Publié en ligne le 10 mai 2012 - Ondes électromagnétiques -

Le communiqué du CIRC fait explicitement référence à Interphone. Interphone est la plus grande étude épidémiologique jamais réalisée sur ce sujet. C’est une étude internationale de type « cas-témoins » 1, conduite par 13 pays et qui porte sur 6600 cas de tumeurs cérébrales, dont 2708 cas de gliomes. Ces effectifs importants promettaient d’apporter un éclairage scientifique fiable à la polémique sur les téléphones portables. En effet, les publications partielles des résultats obtenus dans certains pays participants, ne portant que sur des nombres faibles de gliomes (160 dans l’étude française), montraient des contradictions. Maintes fois retardée, l’étude globale sur les tumeurs cérébrales a finalement été publiée en janvier 2010 2. Ses résultats, plus fiables que ceux des études « nationales », ne montrent aucun risque significatif de gliome ou de méningiome chez les utilisateurs réguliers d’un portable. Elle montre au contraire un effet protecteur que les auteurs attribuent à des biais ou des erreurs méthodologiques.

Pour « aller plus loin », les auteurs ont examiné 39 sous-groupes, apparemment sans utiliser une des techniques statistiques requises dans ce cas pour limiter le risque de conclusions erronées de type « faux-positifs » 3. Aucun risque significatif de gliome n’a été trouvé pour les sous-groupes constitués selon l’ancienneté d’utilisation, même pour ceux qui utilisent un portable depuis plus de dix ans.

Pour les 5 sous-groupes constitués selon la durée cumulée des appels, ce n’est que dans celui des utilisateurs rapportant avoir téléphoné plus de 1640 heures qu’un risque significatif a été observé 4. Les auteurs d’Interphone eux-mêmes expriment un certain scepticisme quant à ce résultat positif ; d’une part, parce qu’il n’apparaît que pour les utilisateurs « récents » (1 à 4 ans) et non pour les plus anciens ; d’autre part, parce que 38 cas déclarent téléphoner plus de 5 h par jour et 10 cas plus de 12 heures, ce qui leur paraît impossible. En écartant les cas déclarant plus de 5 heures d’utilisation quotidienne, ils ne trouvent plus de risque augmenté de gliome 5. D’autres limites d’Interphone conduisent aussi à relativiser ce résultat positif. Interphone repose sur un interrogatoire des cas et des témoins portant sur des appels datant de 1 à plus de 10 ans. D’une part, il peut y avoir des « biais de mémorisation », les cas ayant tendance à surestimer la durée de leurs appels anciens par rapport aux témoins ; d’autre part, l’interrogatoire des utilisateurs sur leur consommation téléphonique n’est fiable ni pour la durée ni pour le nombre des appels même pour des appels datant de 6 mois. En effet, selon les auteurs mêmes d’Interphone : « L’analyse de la concordance entre les données estimées en 2001 par les sujets et celles mesurées par les opérateurs montre une concordance assez médiocre mais significative (p < 0,01) pour les nombres moyens d’appels. En revanche, il n’y a aucune concordance entre les durées réelles et les durées estimées au cours du premier entretien [...] la corrélation entre les nombres [d’appels] estimés et mesurés et plus encore celle des durées est très mauvaise 6 ».

Il est justifié de poursuivre des recherches de qualité sur les risques d’une utilisation prolongée et massive du portable en particulier à l’aide d’études prospectives de type « cohorte ». Mais les données disponibles sont de nature à rassurer l’immense majorité des utilisateurs, d’autant qu’à ce jour aucune hypothèse susceptible d’expliquer comment des champs électromagnétiques dans cette gamme de fréquences pourraient être cancérigènes n’a été confirmée et que les portables modernes 3G émettent 100 fois moins que les GSM qui étaient l’objet d’Interphone.

Par mesure de bon sens, on peut recommander d’éviter l’usage immodéré du téléphone portable par les enfants et on rappelle enfin que le seul risque avéré du portable, avec ou sans kit « mains libres », reste la baisse d’attention en début et fin de communication, responsable de nombreux accidents de la voie publique.

1 Étude rétrospective comparant un groupe de personnes atteintes – cas – à un groupe de personnes non atteintes – témoins.

2 INTERPHONE Study Group. (2010). “Brain tumour risk in relation to mobile telephone use : results of the INTERPHONE international case–control study”. International journal of epidemiology, 39(3), 675-694.

3 Résultat en faveur d’une association mais en réalité dû au simple hasard.

4 Odds Ratio = 3,77 ; Intervalle de confiance à 95 % = [1,03 – 1,89]

5 Odds Ratio = 1,27 ; Intervalle de confiance à 95 % = [0,92 – 1,74]

6 Environnement, Risques & Santé Vol. 6, n° 2, mars-avril 2007. P 104.


Thème : Ondes électromagnétiques

Mots-clés : Ondes

Publié dans le n° 299 de la revue


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L' auteur

André Aurengo

André Aurengo, spécialiste des pathologies thyroïdiennes, est professeur de Biophysique à la Faculté de médecine (...)

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