Maladie de Lyme – Réalité ou imposture ?

Les livres grand-public sur la maladie de Lyme sont légion. Mais, jusque-là, aucun (à une exception notable près, l’ouvrage du Pr Yves Hansmann, paru en 2018 ¹) ne présente le consensus médical. Tous mettent en avant la théorie d’une « forme chronique » insensible aux traitements recommandés et vantent l’efficacité de traitements alternatifs ou de médecines dites naturelles. Le Pr Éric Caumes est chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris. Il est confronté au quotidien à l’afflux de patients qui sont convaincus, avant même la consultation, d’être atteints de la forme dite chronique de la maladie. Plusieurs études ont confirmé, en France et aux États-Unis, que l’écrasante majorité (plus de 80%) de ces patients est en réalité atteinte d’une autre pathologie.

L’ouvrage se lit très facilement. Le premier chapitre décrit ce qu’est la maladie de Lyme (ou borréliose de Lyme), une pathologie bien réelle qui peut être transmise par des tiques infectées. C’est une maladie « a priori pas très compliquée » à diagnostiquer, « peu grave » avec des complications plutôt rares (50 113 cas en 2019, 873 hospitalisations et aucun décès selon Santé publique France) et pour laquelle existent des traitements efficaces. Ce tableau, plutôt rassurant, ne correspond pas à celui qui est parfois complaisamment relayé par une partie des médias et largement diffusé sur les réseaux sociaux.

La suite de l’ouvrage permet de mieux comprendre cet apparent paradoxe. Elle analyse en détail les thèses des détracteurs du consensus scientifique international (l’existence supposée d’une forme dite « chronique » aux symptômes multiformes capables de transformer de très nombreuses affections pour une maladie de Lyme ignorée, les tests sérologiques présentés comme étant sans valeurs, etc.). Il décrit les « dérives » du Pr Perronne, principale figure des théories alternatives (dérives confirmées avec l’épidémie de Covid-19 où ce chef de service de l’hôpital de Garches, déchu depuis de cette responsabilité par l’AP-HP, a accusé ses collègues qui refusaient d’administrer de l’hydroxychloroquine de « ne pas soigner » les patients.

É. Caumes éclaire sur ce qui est le véritable « scandale sanitaire » : le sur-diagnostic opéré par un réseau de « Lyme Docteurs », avec des conséquences délétères pour les patients qui pensent trouver une explication à leurs troubles, parfois invalidants, mais se retrouvent enferrés dans une impasse thérapeutique (une « double peine » qui résulte de la non-prise en charge de leur pathologie à laquelle s’ajoute la prise de très nombreux médicaments aux effets secondaires parfois sévères).

Les lecteurs de Science et pseudo-sciences sont des familiers du sujet ². Le livre apporte de nombreux éclairages nouveaux. É. Caumes décrit son expérience personnelle, son propre cheminement, son intérêt initial pour les « théories » du Pr Perronne. Il décrit l’étonnant naufrage de la Haute autorité de santé (HAS) qui « s’est pris les pieds dans le “Lyme business” venu d’outre-Atlantique » (suscitant une fronde inédite des 24 sociétés savantes impliquées dans la prise en charge de la maladie ³) et constate avec amertume qu’« une minorité très agissante de militants associatifs est mieux introduite dans les arcanes du pouvoir que les sociétés savantes qui représentent l’immense majorité des médecins ». Il relate, en tant qu’acteur directement impliqué dans les groupes de travail au ministère et à la HAS, les étonnantes méthodes de travail, les menaces et pressions incessantes (dont nous avions nous-mêmes été à la fois témoins et victimes ⁴). Ce livre rempli d’humanité et de compassion pour les malades apporte une description complète sur une controverse qui ne semble pas près de disparaître des médias.