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Les sécheresses vont-elles devenir plus fréquentes en France ?

Publié en ligne le 8 septembre 2023 - Climat -

La cause première du changement climatique est la hausse des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (principalement le dioxyde de carbone CO2 et le méthane CH4) [1]. Cette hausse augmente la capacité de l’air à absorber et émettre le rayonnement infrarouge, ce qui conduit à chauffer les basses couches de l’atmosphère. Cette hausse des températures a de multiples impacts sur la circulation atmosphérique, la convection, l’évaporation, la présence de nuages ou les précipitations. Ainsi, on a initialement un réchauffement climatique qui engendre des changements climatiques.

Une des conséquences potentiellement dangereuses du changement climatique est l’impact sur les précipitations. En effet, la biodiversité et l’agriculture sont adaptées à une certaine quantité d’eau. Si cette eau vient à manquer, des espèces, animales ou végétales peuvent littéralement mourir de soif et la production agricole peut être fortement diminuée, comme on le voit cette année en Espagne ou dans le département des Pyrénées-Orientales. Dans le but de planifier l’adaptation au changement climatique, il est nécessaire de connaître l’évolution prévisible des précipitations.

La hausse des températures augmente l’évaporation et donc les précipitations. Il y a alors peu de doute que, à l’échelle du globe, le volume total des précipitations va augmenter. Mais, comme on l’a dit, la circulation atmosphérique est aussi affectée par le réchauffement climatique, ce qui fait que cette augmentation n’est pas homogène et que certaines zones vont même recevoir moins de précipitations. Les modèles informatiques simulant l’évolution du climat indiquent que, dans le futur, il y aura plus de précipitations aux hautes latitudes des deux hémisphères ainsi que dans la zone équatoriale [2]. À l’inverse, plusieurs zones tropicales devraient devenir plus sèches. C’est aussi le cas du bassin méditerranéen pour lequel ces modèles indiquent une diminution des précipitations de l’ordre de 15 % pour un réchauffement global de 2 °C (rappelons que c’est là une moyenne et que le réchauffement est plus élevé sur les terres que sur les mers).

La France métropolitaine est dans une zone de transition entre le bassin méditerranéen où l’on s’attend à une augmentation de la fréquence des sécheresses météorologiques, et les zones plus au nord où les précipitations vont probablement augmenter avec le changement climatique. La limite de cette zone de transition va se décaler vers le nord, mais reste incertaine et l’on constate des écarts importants selon les modèles utilisés. En cumul annuel de précipitations sur le territoire, la tendance n’est pas nette, au moins jusqu’au milieu du XXIe siècle. L’impact climatique sur les précipitations est plus clair lorsqu’on regarde plutôt les saisons, avec une diminution des précipitations en été et une hausse en hiver [3] (voir encadré Drias).

Différents types de sécheresse


On distingue plusieurs types de sécheresse, avec des causes et des conséquences différentes.

  1. La sécheresse météorologique qui est définie par une absence ou un déficit de précipitations sur un mois, une saison, voire une ou plusieurs années.
  2. La sécheresse agricole qui caractérise l’état hydrique des sols. Elle est bien sûr déterminée par la sécheresse météorologique, mais est aggravée par les fortes chaleurs car
    l’évaporation est alors accélérée. Elle a un impact sur la biodiversité et la production agricole. Elle peut être partiellement compensée par l’irrigation.
  3. La sécheresse hydrologique qui caractérise l’état des cours d’eau, des lacs, des réservoirs et des nappes phréatiques. Elle est générée par une sécheresse météorologique prolongée, mais aussi par les prélèvements en lien avec les activités humaines. On peut ainsi avoir une sécheresse hydrologique sans qu’il y ait de sécheresse météorologique.

Les évolutions des précipitations attendues en lien avec le changement climatique d’origine anthropique restent faibles, au moins jusqu’au milieu du siècle, devant la variabilité « naturelle » du climat. En France, les précipitations annuelles sont, particulièrement en hiver, pilotées par l’état météorologique dans l’Atlantique (indice de l’oscillation nord-atlantique) qui montre une variabilité annuelle et décennale forte. Dans les prochaines décennies, la quantité de précipitations hivernales restera donc dominée par cette variabilité naturelle et on ne peut pas prévoir si notre territoire sera plus ou moins arrosé.

La certitude est plus grande sur l’évolution des températures et l’on sait qu’une hausse des températures entraîne plus d’évaporation. En particulier, la croissance de la végétation va débuter plus tôt avec le réchauffement climatique, ce qui va conduire à une hausse de l’évapotranspiration au printemps, limitant alors la recharge des nappes phréatiques. Par conséquent, même à précipitations constantes, le réchauffement climatique va contribuer aux sécheresses hydrologiques et agricoles.

Notons enfin que de nombreuses activités humaines prélèvent de l’eau dans les nappes et les rivières, pour l’agriculture majoritairement, mais aussi pour l’industrie et la consommation d’eau potable. Ces activités ont donc un impact direct et significatif sur l’état hydrique du territoire. La fréquence des sécheresses hydrologiques dans les trente prochaines années va donc dépendre non seulement de l’évolution des précipitations, à laquelle nous ne pouvons pas grand-chose du fait de l’inertie du système climatique (les impacts de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre ne se verront que dans quelques décennies), mais aussi de l’utilisation et de la gestion que nous ferons de la ressource disponible.

Le changement climatique en France entraîne une augmentation du risque de sécheresses agricoles, tout particulièrement dans le sud et en été, mais la variabilité naturelle des précipitations restera importante. L’adaptation doit tenir compte de cette variabilité et de l’intensification du cycle saisonnier conduisant à une eau statistiquement plus abondante en hiver et souvent déficitaire en été.

Références


1 | Bréon FM, « Le sixième rapport du Giec sur la physique du climat », . Sur Afis.org.
2 | Intergovernmental Panel on Climate Change, “IPCC WGI interactive atlas”, IPCC working group I (WGI), 6th assessment report, 2021. Sur interactive-atlas.ipcc.ch
3 | Météo France, « Les nouvelles projections climatiques de référence DRIAS 2020 pour la métropole », 2020. Sur drias-climat.fr

Extrait du rapport Drias-2020 de Météo France


Le cumul de précipitation, moyenné à l’échelle de la France, est annoncé en légère hausse pour les trois scénarios [d’émission de gaz à effet de serre] entre +2 % et +6 % selon les horizons [milieu à fin de siècle] et scénarios. Cette hausse faible est cependant assortie d’une grande incertitude selon les modèles, pouvant inverser le signe de la tendance quel que soit le scénario. Cette incertitude est à mettre en relation avec la position particulière de notre pays dans une zone de transition climatique à l’échelle continentale, entre hausse des précipitations au nord et baisse au sud.

Cette évolution connaît une forte modulation saisonnière avec une hausse systématique en hiver, souvent supérieure à +10 % (atteignant même 40 % dans l’enveloppe supérieure du RCP8.5) et à l’inverse, une baisse quasi systématique en été, se renforçant au cours des horizons pour atteindre -10 à -20 % en fin de siècle avec les scénarios RCP4.5 et RCP8.5. À noter que l’enveloppe basse du RCP8.5 prévoit même une baisse d’un facteur 2 du cumul de précipitation en été.

Évolution attendue des écarts relatifs ( %) des précipitations sur le territoire métropolitain, en référence à l’actuel, par saison. Les estimations sont données pour plusieurs échéances temporelles et plusieurs scénarios climatiques.

Note de la rédaction
RCP2.6, RCP4.5 et RCP8.5 sont des scénarios d’évolution des concentrations de gaz à effet de serre. Le premier repose sur une diminution intense et rapide des émissions permettant une stabilisation du climat en milieu de siècle ; le second anticipe une diminution moins rapide des émissions ; le troisième suppose une augmentation des émissions et donc un changement climatique plus marqué.

Source
Météo France, « Les nouvelles projections climatiques de référence DRIAS 2020 pour la métropole », 2020. Sur drias-climat.fr