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Not the end of the world How we can be the...

Publié en ligne le 4 avril 2024
Not the end of the world
How we can be the first generation to build a sustainable planet
Hannah Ritchie
Penguin, 2024, 352 pages, 27,18 €

Les auteurs de livres sur la crise environnementale semblent pour beaucoup se ranger dans l’une de ces trois catégories principales : les catastrophistes (prophètes de l’effondrement imminent), les négationnistes (plus ou moins complotistes), les rassuristes (optimistes quoi qu’il arrive).

Le livre de Hannah Ritchie 1, « chief scientist » de Our world in data (publication en ligne associée à l’université d’Oxford) est intéressant et important parce qu’il évite ces trois pièges. L’auteur choisit la voie plus difficile de la nuance, toujours étayée par l’analyse en profondeur des données, qui ne concourent pas forcément avec ce que les amateurs de picorage voudraient leur faire dire, dans un sens ou dans l’autre, pour conforter leur narratif favori.

Elle précise qu’elle a elle-même, durant toutes ses études en science de l’environnement à l’université d’Édimbourg glissé du côté du catastrophisme, comme d’autres de sa génération (elle est née en 1993). C’est une conférence de Hans Rosling 2, et son propre travail de « data scientist » appliqué à l’environnement, qui lui ont fait prendre conscience que tous les gros titres sensationnalistes des médias ne peuvent jamais permettre de se forger une vue objective et complète sur l’état du monde, ni sur son évolution. Chacun des sept chapitres de son livre consacré à l’un des sept enjeux environnementaux cruciaux (pollution de l’air, climat, déforestation, alimentation, biodiversité, plastiques, surpêche) commence par le rappel d’un de ces titres sensationnalistes annonçant une catastrophe imminente. L’exposé qu’elle fait des données exploitées sur chacun de ces aspects revient toujours à dire « c’est plus compliqué que ça », sans nier à aucun moment ni la gravité des problèmes ni l’ampleur du défi que l’humanité a devant elle, mais en reconnaissant aussi la réalité des progrès qui peuvent avoir déjà été faits, ou seraient encore possibles.

Le défi collectif qui est posé ne revient pas seulement à éviter, pour sa génération, d’être « la dernière génération » (selon les scénarios des catastrophistes), il est en fait, comme le précise le sous-titre du livre, celui d’être la première génération à rendre possible un monde soutenable, au double sens d’origine de ce mot, c’est-à-dire un monde qui permette de satisfaire les besoins présents de toute l’humanité sans compromettre ceux des générations futures. Car, et c’est là de nouveau la leçon de H. Rosling, c’est bien le progrès technique et sa diffusion au niveau mondial qui a déjà permis à la mortalité infantile de régresser depuis son niveau initial de 50 %, et à 90 % de l’humanité de dépasser le seuil de pauvreté absolue. Mais il reste encore d’autres étapes à franchir dans ce sens pour parvenir à un monde vraiment soutenable, pour généraliser ce progrès que certains partisans de la décroissance refusent désormais à la part de l’humanité qui n’y a pas encore eu accès. Ce progrès ne peut se faire sans intégrer les deux dimensions déjà mentionnées de la soutenabilité, et H. Ritchie montre que c’est possible en mobilisant les bonnes volontés pour utiliser toutes les ressources du progrès technique.

Son optimisme pourra sembler naïf, ignorant les innombrables obstacles politiques et sociétaux aux changements nécessaires. Néanmoins la voie du progrès technique ne suppose, contrairement à d’autres propositions politiques (la décroissance, par exemple), ni une révolution mondiale pour remplacer radicalement tous les modèles de sociétés existants, ni de remplacer l’Homme tel qu’il est, notoirement peu enclin à donner le même poids au futur qu’au présent, ni à se sacrifier pour le bien commun, par un « homme nouveau ». Aucun miracle technologique n’est nécessaire, il s’agit simplement de réorienter les technologies pour faire autrement (en mettant la contrainte de soutenabilité avant toutes les autres) ce que certaines de nos sociétés les plus avancées dans cette voie (la Scandinavie, par exemple) ont déjà commencé à faire. Face aux immenses difficultés à surmonter, la voix de l’optimisme réaliste ne peut qu’être modeste, et lucide par rapport aux difficultés à affronter, mais elle reste indispensable !

1 L’ouvrage en anglais n’a pas encore été traduit en français.

2 Médecin-statisticien suédois connu pour ses nombreuses conférences et pour le livre posthume Factfulness qui explicite les données chiffrées montrant la réalité du progrès civilisationnel dans toutes ses dimensions.