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L’homéopathie de Samuel Hahnemann à Luc Montagnier

Publié en ligne le 16 octobre 2019
L’homéopathie de Samuel Hahnemann à Luc Montagnier
Élie Volf et Jean-Jacques Aulas
L’Harmattan, 2019, 222 pages, 20 €

Un ouvrage qui fait le point sur l’homéopathie et démonte certaines croyances à ce sujet, voilà une idée salutaire.

La première partie, bien documentée, nous rappelle les principes de l’homéopathie, à travers la vie de Samuel Hahnemann, le père fondateur de cette doctrine. On comprendra ainsi la notion de « loi de similitude 1 » et le principe de « dynamisation 2 ». Mais au-delà de ces aperçus de base, les auteurs nous mettent déjà en garde contre les incohérences de cette « thérapie » : les dilutions à-partir de CH12 3 impliquent l’absence totale de molécule active dans la préparation ainsi réalisée 4. Par conséquent, les constituants supposés actifs d’un produit homéopathique ne sont pas les molécules mises en avant mais, sauf à remettre en question les connaissances fondamentales sur la structure de la matière, plus vraisemblablement les excipients, et les impuretés diverses générées lors des phases de dynamisation (l’oxygénation des solutions en particulier).

Le livre revient ensuite sur les expériences de Jacques Benveniste ayant mené à l’affaire dite de « la mémoire de l’eau 5 ». Ce médecin de formation, qui était parfaitement conscient de l’absence de molécule active d’un produit au-delà d’un certain seuil de dilution, chercha à démontrer malgré tout un effet lié à de supposées propriétés de la molécule d’eau. Ses expériences sont ici bien explicitées et les biais qui entachent ses résultats, clairement dénoncés. La personnalité de Benveniste est également mise en cause par les auteurs : « Dans les années qui suivirent la mémoire de l’eau, Benveniste sombrera de plus en plus dans la paranoïa… » (p. 96). On découvrira également que celui-ci ira encore plus loin puisque, de 1991 à 1994, il cherchera à démontrer la transmission du « signal électromagnétique d’une molécule » par bobine électromagnétique, puis à partir de 1995 la transmission de ce même signal par Internet.

L’ouvrage nous éclairera également sur d’autres personnalités qui soutinrent Jacques Benveniste, comme Emilio Del Giudice, Giuliano Preparata 6, et surtout Luc Montagnier 7. Comme le soulignent les auteurs, en 2009, Luc Montagnier a publié deux études controversées dans un journal dont il préside le comité de rédaction. « Elles prétendent détecter des signaux électromagnétiques provenant de l’ADN bactérien » (p. 162). Mais depuis son soutien à Benveniste, il fut totalement désavoué par la communauté scientifique.

Toute l’histoire des échanges entre Benveniste et ses divers contradicteurs (François Jacob 8, Henri Broch 9 et bien d’autres) est aussi largement reprise, ce qui nous permet de nous faire une bonne idée des relations parfois orageuses entre ces intervenants et de la place prise par la personnalité et le caractère de Benveniste.

L’ouvrage souffre malheureusement d’une absence manifeste de relecture, ce qui peut gêner sa compréhension : certaines phrases deviennent obscures suite à l’absence d’un verbe, répétitions de paragraphes entiers, certains mots étrangement remplacés par d’autres proches en typographie mais manifestement hors sujet, mise en page parfois curieuse nuisant à la clarté. Malgré cela, ce livre demeure une analyse pertinente et très critique des diverses expérimentations qui ont prétendu apporter un fondement scientifique à l’homéopathie, ainsi qu’un rappel très documenté du déroulement de la controverse liée à la « mémoire de l’eau ». Il retiendra donc l’attention du lecteur cherchant à démêler le vrai du faux sur le sujet très médiatisé de l’homéopathie.

1 « Selon cette “loi”, une substance médicale ne peut guérir que si elle est capable de produire chez le sujet sain le même ensemble de symptômes que celui présenté par le malade » (p. 26).

2 « Le procédé de dynamisation comporte une phase de dilution et un mélange à partir d’une solution mère. Ce mélange est secoué énergiquement par périodes de 10 à 30 secondes pendant plusieurs minutes » (p. 41).

3 « Dans la codification homéopathique, une dilution dans le rapport de 10 correspond à une unité DH et dans le rapport 100 à une unité CH » (p. 42).

4 « 6,02.1023 est le nombre d’Avogadro correspondant au nombre de molécules dans une mole ou molécule-gramme. Mais si on effectue une dilution à CH12, le nombre de molécules sera inférieur à 1 et égal à 6.10-4 molécule » (p. 42).

5 Voir en particulier deux textes de Alain de Weck publiés dans SPS et disponibles sur le site de l’Afis : « Jacques Benveniste et la mémoire de l’eau : quelques souvenirs personnels » et« Mémoire de l’eau et biologie numérique ».

6 « Deux professeurs de physique nucléaire qui ont collaboré sur la fusion nucléaire et la mémoire de l’eau » (p. 131).

7 Colauréat avec Françoise Barré-Sinoussi du prix Nobel de physiologie ou médecine, pour la découverte, en 1983, du VIH, le virus responsable du sida.

8 Biologiste et médecin français, lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine en 1965.

9 Professeur de biophysique théorique, directeur du laboratoire de zététique (l’art du doute) et membre du comité de parrainage scientifique de l’Afis.


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Auteur de la note

Thierry Charpentier

Ancien ingénieur système en informatique, spécialisé (...)

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