Accueil / Notes de lecture / Eurêka : Histoire des idées scientifiques durant l’Antiquité

Eurêka : Histoire des idées scientifiques durant l’Antiquité

Publié en ligne le 8 octobre 2023
Eurêka : Histoire des idées scientifiques durant l’Antiquité
Pascal Marchand (projet, texte)
et Jean-Benoît Meybeck (scénario, dessin, bichromie)
La Boîte à Bulles, coll. Épistémè, 2023, 208 pages, 22 €
Eurêka est le premier volume de la série Épistémè, une BD sur l’histoire des sciences qui en comptera cinq. Dessin, couleurs, scénario de Jean-Benoît Meybeck, sur un projet et d’après des textes de Pascal Marchand. Édition : La Boîte à Bulles (2023).

Nous reprenons ici le texte de présentation rédigé par la préfacière, Françoise Combes.

Cela commence avec les Trolls, créatures mythiques climato-sceptiques, antivaccins et ferventes adeptes de la théorie du complot. Nos héros (un professeur d’université, épistémologue, et un dessinateur de BD) sont obligés de se réfugier dans les arbres pour leur échapper. Ils annoncent leur grand projet : remonter le temps pour suivre les progrès de la connaissance depuis l’Antiquité jusqu’au Big Bang d’aujourd’hui. Nous allons les accompagner pendant plusieurs tomes. Les dessins sont superbement expressifs, nous entraînent dans un tourbillon d’action et de drôlerie !

Le binôme d’aventuriers va voyager dans le temps et l’espace, avec pour équipage un fier alezan pour le professeur, un baudet sympathique pour le dessinateur, qui les font ressembler à Don Quichotte et Sancho Panza. L’un, très intellectuel, discute d’égal à égal avec les grands mathématiciens et l’autre a les pieds sur terre, toujours attiré par un bon repas ou de bonnes bouteilles, il joue le rôle de candide, avec une très forte allergie pour les maths.

Où commence la science ? Bien sûr, les hommes préhistoriques ont des connaissances, ils construisent des cercles de pierre, où l’astronomie semble avoir joué un rôle. Les Égyptiens construisent des pyramides. Mais leur culture se base surtout sur les mythologies, les divinités.

La science commence vraiment avec la Grèce antique et ses illustres philosophes qui sont curieux de tout et enseignent la philosophie naturelle dans les amphithéâtres. Thalès de Milet, fasciné par les Égyptiens, mesure la hauteur de la grande pyramide de Gizeh, de façon astucieuse en se servant de l’ombre d’un piquet devant la pyramide. À partir des proportions, il découvre le célèbre théorème qui porte son nom. Ses astuces vont l’enrichir, lorsqu’il prédit des récoltes d’olives et loue tous les pressoirs à huile environnants. Le voyage de nos héros est très riche, les découvertes se succèdent, toujours avec beaucoup d’humour qui rend la lecture agréable, et des anecdotes qui permettent de retenir les éléments de cette histoire, comme chez Anaximandre, disciple de Thalès. Ce dernier décrit l’apeiron. Très bonne occasion de boire un bon coup, s’exclame le candide ! Mais pour Anaximandre de Milet, l’apeiron n’est pas ce que l’on croit, c’est l’infini, l’invisible, et la cause de tout ce qui est. Il propose une origine de l’Univers. Commencent à se dessiner les quatre éléments principaux, la terre, le feu d’Héraclite, après l’eau de Thalès et l’air d’Anaximandre. Et voici le célèbre Pythagore, dont tout le monde se souvient du théorème, mais connaissonsnous sa disciple, Théano, première mathématicienne et astronome connue, qui deviendra son épouse ? À la mort de Pythagore, elle prend la direction de son École, mais n’est pas acceptée par ce monde très misogyne. Empédocle a été très influencé par Pythagore, il professe la théorie des contraires, amour et haine, qui contrôle les interactions entre les quatre éléments. Sa médecine soigne la fièvre par le froid, il est troublant de la rapprocher d’une théorie récente, matière et antimatière dans l’Univers, qui s’annihilent.

Le voyage nous amène près de Démocrite, que l’on disait fou car il riait de tout, mais qui, au contraire, était un sage, un des philosophes les plus remarquables qui aimait méditer, retiré du monde. Il fut le premier à prétendre que la matière est faite d’atomes, très denses, et de vide. Aristote ensuite professa le contraire, la continuité de la matière, ce qui montre bien que malgré l’intuition formidable des philosophes grecs, rien n’est établi, tant qu’il n’y a pas de preuves, pas de vraie science. Platon, lui, écrivait beaucoup, il nous parle de la rédaction de son livre principal le Timée, où il rassemble toutes les connaissances de l’époque, comme dans ses dialogues. Ces connaissances vont de la géométrie, jusqu’à la conception de l’Univers, toujours géocentrique, et de la société à l’essence de l’Homme. L’École de Platon est baptisée l’Académie, avec à son fronton « Ici nul n’entre s’il n’est géomètre ».

Aristote y est accueilli à 17 ans par Platon, il est un de ses plus brillants disciples ; mais leurs idées divergent et Aristote part fonder sa propre école, qu’il appelle le Lycée. Ce nom donne des cauchemars à notre candide héros. Aristote sait que la Terre est ronde, grâce aux éclipses de Lune. Mais il a manqué la rotation de la Terre, à cause de la chute des corps mal comprise.

Nos heureux voyageurs visitent le jardin d’Épicure. Mais hélas, le repas y est fruste et sobre ! Ils témoignent de l’histoire d’Agnodice, qui se déguise en homme pour passer l’examen de médecin, avec une immense popularité auprès des patientes. Visitant la bibliothèque d’Alexandrie, ils rencontrent Euclide qui leur résume ses treize livres de mathématiques. Aristarque de Samos leur présente son modèle astronomique hélio-centré. Il n’en a parlé qu’à Archimède de peur d’être accusé d’impiété. L’âne écoute, avec des yeux très intéressés ! Archimède est fameux pour l’astuce des miroirs qui incendient les bateaux romains, la quadrature du cercle et bien sûr son Eurêka, sortant du bain !

Après un saut de plusieurs siècles, voici Ptolémée qui leur décrit la machine d’Anticythère. Quels efforts d’équilibriste pour ne pas choisir le système hélio-centré ! Ils rencontrent Galien de Pergame, médecin censé guérir l’allergie aux maths du compagnon candide. Galien a une approche scientifique, basée sur l’observation, et n’hésite pas, lui, à contredire Aristote.

Ce premier tome est fabuleusement riche et drôle, sans doute biaisé en faveur de la Grèce antique, laissant peu de place à l’Orient et aux astronomes chinois par exemple. Mais l’histoire des sciences est une science qui est remise en cause en permanence, et cette vision va sans doute changer ! //

Présentation de Françoise Combes


Mots clé associés à cet article

Cet article appartient au sujet : Vulgarisation scientifique

Autres mots clés associés : Histoire - Science

Publié dans le n° 346 de la revue


Partager cet article


Auteur de la note

Françoise Combes

Astrophysicienne à l’Observatoire de Paris. Titulaire de (…)

Plus d'informations