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Vaccins : effets secondaires réels et imaginaires

Publié en ligne le 16 mai 2021 - Vaccination -

Une part non négligeable de la population française considère les vaccins avec méfiance – voire défiance – et l’exprime, notamment sur les réseaux sociaux. L’opposition à la vaccination est régulièrement étayée en brandissant le spectre des effets secondaires. Dans cette dynamique, toutes sortes de maux sont attribués à la vaccination. Une part importante du travail de réponse à la désinformation passe donc par une analyse méthodique des dangers attribués, à raison ou à tort, aux vaccins.

Soulignons d’abord que les vaccins sont des médicaments et qu’à ce titre, leur action sur l’organisme est susceptible de provoquer des effets secondaires plus ou moins graves. La plupart d’entre eux, et surtout les plus fréquents, sont usuellement bénins [1]. Parmi ceux-ci, les plus répandus consistent en une rougeur accompagnée ou non de chaleur, de gonflement au niveau du point d’injection. D’autres effets secondaires fréquents incluent une fatigue, une légère fièvre et, de façon plus générale, des symptômes peu spécifiques signalant juste la mise en place d’une réponse du système immunitaire provoquée par le vaccin.

Il existe de façon marginale des effets secondaires plus graves. Par exemple, de rares cas de réactions allergiques sont décrits. Celles-ci sont néanmoins exceptionnelles et peuvent reposer sur des allergies à des constituants spécifiques des vaccins, comme des protéines de l’œuf [2].

Ces allergies peuvent conduire à préférer la vaccination dans un cadre hospitalier permettant une prise en charge rapide le cas échéant.

D’autres graves problèmes de santé peuvent apparaître dans les jours suivant la vaccination. Ces cas étant rares, les relier à la vaccination est toujours délicat, de même qu’invalider de façon formelle un lien éventuel. Pour autant, en comparaison avec les risques que font courir les maladies contre lesquelles luttent les vaccins, ces événements restent exceptionnels et, aussi dramatiques soient-ils, ils ne remettent pas en cause les avantages considérables de la vaccination. Néanmoins, ces effets secondaires ne peuvent être occultés. D’un point de vue humain, ce sont des personnes et des familles qui souffrent. Il importe donc de les investiguer, d’autant plus que, d’un point de vue de santé publique, l’ensemble du système repose sur une recherche permanente d’amélioration des vaccins et de réduction des risques.

Dans le présent article, nous nous attacherons à revenir sur des accusations d’effets secondaires marquants qui ont émaillé l’histoire de l’opposition à la vaccination.

Développer la maladie ?

De nombreux effets secondaires sont attribués aux vaccins. Au sujet de ceux-ci, nous entendons régulièrement que « c’est le vaccin qui [m’]a donné la maladie » (très fréquemment à propos du vaccin contre la grippe), alors qu’il s’agit de contaminations ayant eu lieu avant l’injection du vaccin, ou par des souches du virus de la grippe différentes de celles contenues dans le vaccin. Mais cet effet est aussi souvent affirmé à propos des vaccins à virus vivant atténué, qui contiennent une version rendue moins dangereuse du pathogène. Cette inactivation peut consister en des mutations qui réduisent la virulence du virus ou encore sa capacité à se multiplier. Ces virus atténués peuvent à ce titre parfois conduire à une version atténuée de la maladie. Ainsi, il a été décrit que, chez environ 5 % des vaccinés contre la rougeole, des symptômes similaires mais de moindre intensité pouvaient être observés [3]. On parle alors de « rougeolette ». Contrairement à la vraie rougeole, cette version atténuée de la maladie est systématiquement bénigne.

De façon moins anodine, si l’on estime que le vaccin contre la poliomyélite a permis d’éviter à plusieurs millions de personnes de contracter la maladie, la version orale de ce vaccin comporte un virus atténué qui, dans de très rares cas, a été capable de muter dans l’intestin, retrouvant ainsi sa virulence avant d’être excrété par le vacciné. Du fait du manque d’accès à de l’eau propre, plusieurs centaines de personnes au total ont ainsi été contaminées par cette version dérivée du virus vaccinal atténué. Ces cas sont restés rares (risque de 1 cas pour 2,4 millions de doses injectées) et le risque d’épidémie a pu être jugulé grâce à la vaccination, puisqu’il ne restait plus de personnes sans anticorps contre le virus [4]. En outre, le remplacement progressif du vaccin oral par un vaccin injecté conduit à totalement supprimer ces risques, tout en illustrant le fait que les vaccins font l’objet d’une pharmacovigilance permanente.

La Lithotomie (détail),
Jérôme Bosch (1450-1516)
Cette opération consistant à extraire une « pierre de folie » fantaisiste est un thème souvent repris aux XVe et XVIe siècles par des artistes flamands pour mettre en scène des patients victimes de charlatans ou d’ignorants.

Notons toutefois que ces problèmes, s’ils sont rares et régulièrement corrigés dans le cas des vaccins à virus vivant atténué, sont tout à fait impossibles pour les vaccins reposant sur des parties de pathogènes. Dans ces vaccins, seul un morceau de l’emballage du virus est présent. Or c’est son contenu qui le rend dangereux. C’est comme si l’on présentait un morceau de carrosserie à un garagiste pour qu’il l’identifie : on peut reconnaître le modèle de la voiture, mais sans le moteur derrière ni roues pour avancer, elle ne peut pas rouler et donc pas provoquer d’accident.

Vaccin contre la rougeole et autisme

En 1998, coup de tonnerre ! Le Lancet, une des plus prestigieuses revues scientifiques, publie une étude portant sur douze enfants autistes, suggérant que l’autisme de ces enfants était causé par la vaccination à l’aide du vaccin ROR (ciblant la rougeole, les oreillons et la rubéole). Aidée pour cela par le principal auteur de l’étude, le chirurgien Andrew Wakefield, la presse d’abord britannique puis mondiale s’empare du sujet. La conséquence immédiate a été une baisse rapide de la couverture vaccinale contre la rougeole qui a fait un retour remarqué, encore visible aujourd’hui. Pourtant, cette étude pouvait interroger par son manque de rigueur, concernant par exemple les tests statistiques ou encore le fait que certains des enfants supposément devenus autistes à la suite de la vaccination avaient déjà reçu un diagnostic d’autisme… avant celle-ci. Des vérifications ont permis de mettre en évidence que l’étude se fondait sur des données frauduleuses [5], rendant d’autant plus inutiles les procédures médicales invasives et douloureuses réalisées sur ces enfants, telles que des ponctions lombaires et des coloscopies – le tout réalisé sans l’approbation du moindre comité d’éthique. Ceci a conduit le Lancet à rétracter l’étude en 2010.

The Cow-Pock,
gravure satirique de James Gillray (1756-1815) parue en 1802.
Le caricaturiste s’amuse d’une rumeur selon laquelle le vaccin antivariolique de Jenner, créé à partir de la variole de la vache (ou « vaccine »), mènerait certains patients à développer des caractéristiques bovines.

À défaut d’avoir consulté un comité d’éthique, A. Wakefield n’avait pas oublié de déposer un brevet de test de détection pour sa mystérieuse « entérocolite autistique », supposément la caractéristique post-ROR de la mise en place des troubles autistiques. Pas plus qu’il n’avait oublié de recevoir de l’argent de la part d’un cabinet d’avocats ayant prévu, avant même la parution de l’étude, de proposer des poursuites lucratives à grande échelle en se basant sur la détresse de parents d’enfants atteints de trouble du spectre autistique [6].

Par la suite, de nombreuses études rigoureuses ont permis de mettre en évidence que les enfants vaccinés contre la rougeole ne sont pas plus touchés par les troubles du spectre autistique que les autres [7]. Néanmoins, dans divers pays, l’étude frauduleuse a conduit à un recul de la vaccination et par voie de conséquence à la mort de dizaines d’enfants. Bien que radié de l’ordre des médecins, A. Wakefield est devenu une des égéries du mouvement anti-vaccination, vendant sans trop de difficultés conférences, livres et films.

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques

À la fin des années 1990, après plus de dix ans d’utilisation du vaccin contre l’hépatite B, plusieurs cas de sclérose en plaque (SEP) apparus après l’injection du vaccin remontent aux autorités de santé française. Par précaution, le ministère de la Santé suspend alors le programme de vaccination auprès des adolescents. Pour beaucoup, c’est la preuve indéniable que la SEP est un effet secondaire de ce vaccin [8]. Des études à grande échelle ont été menées [9]. Si les diagnostics de SEP ont augmenté après les vaccinations, l’analyse de centaines de milliers de dossiers médicaux montre que la population vaccinée n’a pas davantage de risque de développer une sclérose en plaques. En d’autres termes, rien ne permet de relier SEP et vaccination contre l’hépatite B. Et tout porte à croire que l’augmentation importante des diagnostics de SEP est liée à la mise en œuvre à grande échelle des IRM permettant la détection de la maladie.

Pour autant, les craintes demeurent, s’appuyant à la fois sur la première décision des pouvoirs publics, mais également sur des décisions de justice ultérieures. Or ces décisions de justice ne s’appuyaient pas sur le consensus scientifique, mais sur la prise en compte de corrélations et sur une perception du tribunal [10] qui, selon les juges, doit bénéficier dans ces circonstances à la partie plaignante. Ces décisions judiciaires étant facilement interprétées comme des preuves scientifiques, on oublie du même coup qu’on ne demande pas à un juge de donner une expertise scientifique.

Vaccins et mort subite du nourrisson

En 2017, deux sommités, les professeurs Luc Montagnier – Prix Nobel de médecine pour la découverte du VIH – et Henri Joyeux, cancérologue et chirurgien, laissèrent entendre que les vaccins pouvaient provoquer des morts subites du nourrisson (MSN), en affirmant, tout au moins dans le cadre de leur opposition aux onze vaccins obligatoires, qu’« un grand nombre de ces morts intervient après vaccination » [11]. Là encore, le Web et les réseaux sociaux opposés à la vaccination s’enflamment.

Pourtant, de nombreuses études scientifiques menées avant et après ces déclarations choc – qui ne faisaient que reprendre des croyances datant de plusieurs décennies – ont pu montrer que la vaccination n’était pas associée à une augmentation des risques de MSN, mais au contraire à une diminution [12]. Le lien entre vaccination et MSN repose en réalité sur la coïncidence temporelle : les enfants sont vaccinés à la période durant laquelle ils sont susceptibles de mourir subitement. Aussi, si le décès intervient peu de temps après une vaccination, il est aisé pour des parents endeuillés de croire que la mort de leur enfant est la conséquence de la vaccination. On sera tout de même plus surpris que d’aussi éminents scientifiques que les professeurs Joyeux et Montagnier n’aient pas pris la peine de consulter les études avant de s’improviser lanceurs d’alerte.

Vaccins et myofasciite à macrophages

Depuis plusieurs années, le professeur Romain Gherardi et, avec lui, une association, l’E3M, tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, les vaccins ayant dans leur composition un adjuvant à base d’hydroxyde d’aluminium seraient responsables d’une accumulation de cellules immunitaires, les macrophages, au niveau du site d’injection des vaccins (usuellement le deltoïde, un muscle de l’épaule). Cette accumulation de macrophages serait associée à un ensemble de symptômes passablement mal définis désignés sous le terme de myofasciite à macrophages. Ceux-ci incluraient une fatigue chronique, des douleurs diffuses ou encore des troubles neurologiques divers et peu spécifiques [13].

La Mère au chevet de son enfant,
Christian Krohg (1852-1925)

Mais si la réalité des symptômes dont témoignent les patients ne saurait être contestée, à l’heure actuelle, la myofasciite à macrophages n’existerait qu’en France, principalement diagnostiquée par une seule équipe, celle de R. Gherardi et ce, sans qu’aucune autorité médicale, à l’échelle nationale comme internationale, n’ait pu valider l’affirmation en question. De façon plus gênante encore, la littérature scientifique elle-même ne permet pas à l’heure actuelle de considérer que cette maladie soit autre chose qu’une explication fourre-tout pour les souffrances diverses de patients [14]. À défaut de fournir une explication rigoureuse aux symptômes observés, la myofasciite à macrophages imputée aux vaccins apparaît plus comme une dénomination de circonstance avec un coupable désigné pour ne pas admettre une incapacité à fournir un diagnostic au cas par cas.

Des suspects récurrents ?

Si les craintes peuvent parfois être spécifiques à tel ou tel vaccin, elles ciblent régulièrement des constituants communs à plusieurs vaccins. Pour une partie d’entre eux, ce sont les parties virales qui suscitent des inquiétudes. Mais souvent, ce sont les adjuvants qui concentrent les craintes, à commencer par les adjuvants à base de sels d’aluminium. Ces adjuvants servent à améliorer la réaction immunitaire lors de l’utilisation de virus inactivés, ceux-ci ayant une moindre propension à déclencher cette réaction.

En raison des interrogations soulevées par la toxicité de l’aluminium [15] (pour une exposition essentiellement liée à l’alimentation [16]), les sels d’aluminium sont par extension une cible de choix pour les opposants à la vaccination. En dépit des nombreuses allégations les concernant, 90 ans de recul et de vaccination à très grande échelle (des milliards de personnes vaccinées) permettent à l’heure actuelle de considérer les sels d’aluminium comme des adjuvants vaccinaux à la fois très efficaces et peu risqués.

Ce ne sont bien entendu pas les seuls constituants des vaccins qui concentrent les inquiétudes. De façon intéressante, ce sont parfois des produits retirés des vaccins qui sont accusés de causer de nombreux effets secondaires. Ainsi, le thiomersal, un agent de conservation, se retrouve régulièrement cité comme responsable d’effets secondaires et ce, même si ce produit a été retiré depuis plus de dix ans pour répondre aux inquiétudes de certains parents (inquiétudes qui se sont avérées infondées).

À travers ce dernier exemple et les précédents effets secondaires attribués aux vaccins, il apparaît avant tout un défaut d’information, en particulier en direction des jeunes parents. Faute d’information efficace, ce sont bien souvent des groupes d’opposants à la vaccination, assumés ou non, qui se font fort de répondre aux interrogations. Mais ce n’est en général que pour mieux les amplifier et les transformer en peur et ce, au détriment de toute rigueur scientifique. Nous avons coutume de dire que les vaccins ont comme principaux effets secondaires une augmentation de l’espérance de vie, une diminution de la mortalité infantile et, par dérision et extension, une augmentation des risques de mourir de vieillesse. À l’échelle de la société, un effet secondaire majeur de la défiance vaccinale ne saurait être ni ignoré, ni minimisé : celui de révéler le manque d’information scientifique et médicale dispensée aux citoyens.

Références


1 | OMS, « Fiches d’information de l’OMS sur les fréquences des réactions post vaccinales », mise à jour du 10 juillet 2018. Sur who.int
2 | Bidat E, « Allergie à l’œuf – Vaccination », [disponible sur archive.org — 3 avril 2021].
3 | OMS, « Fiche d’information – Fréquence observée des réactions postvaccinales – Vaccins antirougeoleux, antiourliens et antirubuéoleux », mai 2014. Sur who.int
4 | OMS, « Qu’entend-on par poliovirus dérivé d’une souche vaccinale ? », Questions-réponses, 18 avril 2017. Sur who.int
5 | Maisonneuve H, « L’affaire Wakefield – Le rôle des lobbies anti-vaccin et les conséquences d’une fraude médicale », SPS n° 302, octobre 2012.
6 | Cunningham D, « L’affaire du docteur Andrew Wakefield : les faits », SPS n° 317, juillet 2016.
7 | “Vaccines and autism – Robust, powerful science says they are unrelated”, site du Skeptical Raptor, 2 février 2020.
8 | Le Houézec D, “Evolution of multiple sclerosis in France since the beginning of hepatitis B vaccination”, Immunol Res, 2014, 60 :219-25.
9 | Launay O, Floret D, « Vaccination contre l’hépatite B », Med Sci, 2015, 31 :551-8.
10 | « La justice peut-elle dire la vérité scientifique ? », SPS n° 324, avril 2018
11 | Favereau E, « Du mauvais théâtre contre les vaccins », Libération, 7 novembre 2017.
12 | Vennemann MMT et al., “Do immunisations reduce the risk for SIDS ? A meta-analysis”, Vaccine, 2007, 25 :4875-9.
13 | Crépeaux G et al., “Non-linear dose-response of aluminium hydroxide adjuvant particles : Selective low dose neurotoxicity”, Toxicology, 2017, 375 :48-57.
14 | “Aluminium toxicity in vaccines – Here we go again with bad science”, site du Skeptical Raptor, 16 janvier 2018.
15 | « Des métaux toxiques dans les vaccins, un dangereux mélange des genres », Réseau environnement santé avec un collectif d’associations, 13 décembre 2012.
16 | Anses, « Exposition à l’aluminium par l’alimentation », Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, 20 septembre 2016. Sur anses.fr