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Des insectes génétiquement modifiés pour prévenir la transmission de maladies

Publié en ligne le 3 février 2015 - Santé et médicament -

Les premiers animaux transgéniques, des souris, ont été obtenus en 1980 et les premiers insectes transgéniques, des drosophiles (les mouches à vinaigre), en 1982. Ont suivi des lapins, des moutons et des porcs en 1985, puis des poissons en 1986 etc. La transgénèse est actuellement pratiquée chez une vingtaine d’espèces animales. On entend peu parler des insectes transgéniques contrairement aux mammifères et aux plantes. La mouche qualifiée avec mépris de « chétif insecte excrément de la terre » par Jean de la Fontaine traduit bien le sentiment de beaucoup d’humains à l’égard des insectes. Ils sont effectivement souvent nuisibles quand ils s’attaquent à nos cultures, nos meubles en bois ou nos vêtements en laine ; de plus ils piquent et surtout certains sont porteurs d’organismes pathogènes pour les plantes et les animaux mais aussi pour l’homme.Tout cela les rend bien peu populaires, exception faite des abeilles (dont aucune n’est transgénique) qui butinent et font du miel, des vers à soie qui sécrètent des fibres très appréciées, des drosophiles qui constituent des modèles de première importance pour des études fondamentales concernant surtout le développement et des papillons qui nous font rêver. Les humains cherchent essentiellement à se débarrasser des insectes jugés nuisibles et ils développent pour cela des trésors d’imagination.

Une des méthodes qui a fait ses preuves pour exterminer localement les insectes est l’usage de pesticides. Cette pratique se doit d’être utilisée avec discernement, mais elle a été injustement bannie dans le cas du DDT dont une utilisation raisonnée s’avère efficace et sans risque.Le badigeonnage des murs des maisons est en effet suffisant pour faire fuir les insectes en particulier les moustiques du genre anophèle vecteurs de la malaria [1]. Une des raisons invoquées et plus ou moins convaincante de ce bannissement est que des insectes sont devenus résistants au DDT [2]. Quoi qu’il en soit, il est apparu nécessaire de mettre en œuvre d’autres stratégies pouvant se substituer à l’usage des pesticides.

Une méthode couramment utilisée consiste à stériliser en masse des anophèles porteurs des agents responsables de la malaria et d’autres maladies. La stérilisation de ces moustiques est effectuée sur des larves par des irradiations avec le césium-137 et le cobalt-60 utilisés pour des radiothérapies et qui provoquent des mutations les rendant inaptes à se reproduire. Ces larves mutées sont ensuite disséminées pour qu’une fois adultes les mâles stérilisés s’accouplent avec les femelles sauvages et entrent en compétition avec leurs homologues non stérilisés faisant de ce fait baisser le taux de reproduction. Cette méthode est opérationnelle mais limitée par le fait que les mâles stérilisés de cette manière ont perdu, selon les cas, une bonne partie de leur capacité à s’accoupler. L’autre limite est que les mâles stérilisés ne peuvent par définition pas se reproduire, ce qui exclut toute dissémination incontrôlée des insectes dans l’environnent, mais oblige à préparer à répétition des lots de larves stérilisées « à usage unique ». Un des défis auxquels se heurtent les méthodes basées sur la stérilisation des mâles est donc celui de pouvoir en faire l’élevage afin de disposer d’un grand nombre de moustiques féconds au laboratoire mais incapables de se reproduire dans la nature.

Les contributions de la transgénèse

La stérilisation des insectes est réalisée par irradiation d’une population de moustiques mâles et femelles et ne fait pas de différence entre les sexes. Ce procédé entraine des mutations génétiques aléatoires suite à des modifications de l’ADN qui est le support des gènes. Pour tenter de ne garder et disséminer que les mâles, des gènes codant pour des protéines fluorescentes ont été construits de manière à n’être fonctionnels que dans les gonades (organes sexuels) mâles. Les larves transgéniques fluorescentes peuvent ainsi être triées en masse avec des systèmes mécanisés, stérilisées puis disséminées. Cette utilisation de la transgénèse est essentiellement un prolongement de la méthode classique. Elle permet toutefois également d’évaluer plus précisément l’efficacité de la stérilisation sur le terrain car les protéines fluorescentes sont transmises aux femelles lors de l’accouplement ce qui les rend identifiables dans les zones d’expérimentation.

D’autres méthodes mettant en œuvre la transgénèse sont à l’étude depuis plus d’une décennie. Pour pouvoir comprendre de quoi il s’agit il est important de savoir qu’un gène est composé de deux parties. L’une contient l’information génétique codée qui est traduite en protéine (les protéines ont pour fonction d’effectuer l’essentiel des réactions biochimiques du vivant). L’autre partie qui précède l’information génétique est un commutateur de gènes appelé promoteur qui permet à la protéine de n’être synthétisée que quand il le faut et là où il faut. Des opérations de génie génétique classique permettent d’associer n’importe quel gène à n’importe quel promoteur. Un des transgènes décrit plus haut est ainsi composé d’un gène de méduse de l’Océan Pacifique codant pour une protéine fluorescente et du promoteur d’un gène actif seulement dans les gonades mâles des larves d’anophèle. Avec un tel gène la fluorescence n’est visible que dans cet organe.

Il faut aussi savoir que certaines constructions génétiques ne peuvent activer ou désactiver leur gène qu’en présence d’un régulateur exogène qui doit être fourni à l’organisme. En pratique, le régulateur exogène est souvent la tétracycline. Il s’agit d’un antibiotique d’origine bactérienne qui n’a rien à voir de particulier avec les insectes. Cet outil est largement utilisé à des fins expérimentales dans des cellules et divers animaux transgéniques pour activer ou désactiver des gènes à la demande. Les promoteurs des gènes contiennent alors deux régulateurs, l’un choisi parce qu’il ne fonctionne que dans certains organes et pendant des périodes déterminées, l’autre parce qu’il est dépendant de la présence ou de l’absence de la tétracycline. De tels gènes ne s’expriment donc que lorsque les deux régulateurs sont sollicités simultanément dans l’organe cible.

Le mécanisme de transmission de la malaria par des insectes (des anophèles et en particulier Aedes aegypti) est connu. Pour permettre à ses 50-200 embryons de se développer, l’anophèle doit absorber du sang. C’est pour cette raison que la femelle pique mais pas le mâle. Cette ponction s’accompagne d’une transmission à la victime du parasite Plasmodium falciparum qui est l’agent responsable de la malaria. En retour, cette opération peut s’accompagner d’une contamination de l’insecte par les agents pathogènes qui se trouvent éventuellement dans le sang absorbé et qui sont ainsi colportés d’un individu à l’autre [3]. Tout ceci suppose que les agents pathogènes apportés par le sang migrent vers les glandes salivaires de l’insecte qui les transmet lors de la piqure. Il est donc possible en théorie de mettre en œuvre des transgènes qui s’attaquent à l’insecte ou plutôt au parasite. Dans tous les cas les insectes transgéniques doivent permettre de limiter efficacement la diffusion de la maladie chez l’homme sans se disséminer de manières incontrôlées.

La stérilisation via la transgénèse

Des gènes ayant des effets létaux pour les cellules où ils s’expriment ont été placés par des opérations de génie génétique sous la dépendance d’un promoteur actif seulement dans les gonades fœtales mâles des insectes. Les larves des insectes transgéniques portant ces gènes se développent normalement. Une fois adultes les mâles sont stériles mais s’accouplent normalement, entrant en compétition avec les mâles féconds de l’environnement

Utilisé de cette manière la méthode ne permet pas de disposer d’un nombre élevé de mâles stériles puisqu’ils sont à usage unique comme dans le cas de la stérilisation par irradiation. Il faut donc avoir recours à des méthodes permettant un élevage des insectes transgéniques, ce qui implique qu’ils soient féconds pendant une période de leur vie mais destinés à devenir stériles sur commande. Pour rendre compatibles ces deux exigences opposées il est possible de placer les gènes stérilisants sous la double dépendance d’un promoteur spécifique de la gonade mâle et de la tétracycline. La configuration du système a été choisie de manière à ce que la tétracycline s’oppose à l’expression du transgène stérilisant. Un élevage est possible en maintenant les larves dans des lieux confinés en présence de tétracycline. Il est alors possible d’induire la stérilisation des larves mâles en retirant la tétracycline [4,5].

Ce schéma est généralisable car en choisissant des promoteurs appropriés il est possible de diriger l’expression des gènes tueurs dans des organes spécifiques mais aussi dans tous les organes et à des stades plus ou moins précoces du développement. On peut donc ainsi stériliser spécifiquement les femelles et non seulement les mâles.

Une forme de stérilisation des femelles consiste à placer un gène tueur de cellules sous la dépendance du promoteur d’un gène qui contrôle la formation d’un muscle essentiel pour le vol nuptial des femelles. Les cellules du muscle en question étant absentes, les femelles transgéniques ne peuvent pas envoyer de signaux aux mâles et elles ne sont de ce fait pas fécondées. De telles lignées d’insectes transgéniques peuvent être élevées en mettant en œuvre le système tétracycline décrit plus haut pour mettre les transgènes tueurs en sommeil.

Une fois dans la nature, sans tétracycline, le rôle des insectes stérilisés se limitera donc à faire diminuer la population de moustiques porteurs d’agents pathogènes sans qu’ils puissent se disséminer de façon incontrôlée.

La létalité embryonnaire, post-embryonnaire et générationnelle

D’autres façons de limiter la multiplication des insectes indésirables ont été imaginées. Plusieurs protocoles ont été mis en œuvre pour provoquer la mort des insectes à différents stades précis de leur développement.

Une méthode consiste à placer des gènes tueurs sous le contrôle du promoteur spécifique d’un gène qui ne fonctionne que pendant une courte période du développement embryonnaire. Si les gènes tueurs s’expriment les fécondations ne sont pas suivies d’un développement des embryons. Pour être exploitables les gènes tueurs en question doivent être contrôlés aussi par le système tétracycline qui permet de disposer d’un nombre suffisants d’insectes transgéniques. L’addition de tétracycline pendant la phase embryonnaire empêche les gènes tueurs d’agir. Ce régulateur n’a pas besoin d’être présent par la suite puisque le promoteur spécifique utilisé ne fonctionne plus de toute façon. Passée cette phase précoce de leur croissance les larves se développent normalement et elles peuvent être disséminées sur le terrain. Les adultes peuvent s’accoupler normalement mais leurs descendants sont éliminés dès la phase embryonnaire par les gènes tueurs non réprimés en absence de tétracycline.

Il est également possible d’utiliser un gène tueur dont les effets sont lents car dus à une accumulation auto-amplifiée de la protéine codée par le transgène. Le système est en effet conçu pour que la protéine codée par le transgène stimule de manière exponentielle sa propre production. Les cellules finissent par être engorgées par cet excès de protéine ce qui provoque leur mort. Le gène est pour cela placé sous la dépendance d’un promoteur actif dans toutes les cellules et du système tétracycline. La tétracycline peut être retirée plus tardivement que dans les systèmes précédents ce qui déclenche l’accumulation progressive de la protéine tueuse. La mort des larves est elle-même de ce fait plus tardive. Lorsque ces larves transgéniques sont disséminées elles entrent jusqu’à leur mort en compétition nutritionnelle avec leurs homologues sauvages. Les larves aquatiques d’insectes comme les anophèles se nourrissent en effet de détritus végétaux et animaux qui peuvent se trouver en quantité limitée dans les eaux stagnantes où elles se développent. Cette stratégie est particulièrement efficace et donc séduisante

Les effets des transgènes sur les parasites et les virus

Plusieurs stratégies ont fait l’objet d’investigation pour faire baisser le pouvoir infectieux des insectes contaminés, en réduisant la quantité de plasmodium ou de virus qu’ils véhiculent dans leur intestin, ou en les empêchant d’en sortir. Les animaux invertébrés (insectes, gastéropodes, coquillages etc.) et les plantes n’ont pas un système immunitaire semblable à celui des vertébrés. Ils se défendent contre des pathogènes par d’autres mécanismes et en particulier par la synthèse de très petites protéines (des peptides) : les cécropines et les défensines. Ces molécules ont des actions puissantes sur un large spectre de pathogènes et elles sont sans effet néfaste sur les insectes qui eux-mêmes synthétisent ce genre de substances anti pathogènes. Il est donc en principe possible de réduire le taux de plasmodium dans les moustiques en leur apportant des cécropines ou des défensines. Il n’est pas possible de disposer de grandes quantités de ces peptides et il est inconcevable d’en répandre massivement dans la nature. Ce ne serait de toute façon très peu, voire pas du tout, efficace car il faudrait que les larves absorbent oralement les peptides en question. Une solution consiste à faire produire ces peptides tueurs de microorganismes directement par les insectes. La transgénèse le permet sans difficulté particulière.

Les gènes codant pour une cécropine et une défensine ont été placés sous la dépendance du promoteur d’un gène activé par le sang fraichement absorbé par l’anophèle. Ces gènes ont été transférés à des insectes par transgénèse classique (nous n’entrerons pas ici dans les détails du procédé). L’expression simultanée des deux transgènes entraîne une diminution très importante du taux de plasmodium dans l’intestin des insectes contaminés. Les insectes ont alors une vie normale. Ils piquent encore pour se procurer du sang mais ils ne contaminent pas leurs victimes.

Dans le même ordre d’idée, une construction génétique permet la synthèse d’anticorps monoclonaux dirigés contre le plasmodium dans l’intestin d’insectes transgéniques Ceci se traduit par une réduction très notable de la quantité de parasite dans l’intestin des insectes en question ainsi que de leur capacité à propager la malaria.

Une étude systématique a permis d’identifier des petits fragments de protéines (des peptides) qui s’opposent au transfert du plasmodium de l’intestin des anophèles à leurs glandes salivaires. Pour atteindre ce but un grand nombre de peptides ont été synthétisés chimiquement de manière aléatoire et en quantité suffisante pour être testés directement sur les insectes. Un de ces peptides composé de 12 acides aminés s’est avéré bloquer le transfert du plasmodium vers les glandes salivaires. Un gène obtenu par synthèse chimique et codant pour le peptide en question a été transféré dans le génome d’anophèles par transgénèse. Le transgène permet de diminuer très notablement la capacité de ces insectes à transmettre la malaria.

Une autre approche repose sur l’étude des relations entre les insectes et leurs parasites. Cette étude a conduit à l’identification d’un gène de l’insecte qui régule l’accumulation du plasmodium dans l’intestin. La surexpression de ce gène chez des insectes transgéniques s’oppose vigoureusement à l’accumulation du parasite dans l’insecte et elle contribue à diminuer son pouvoir infectieux.

Le virus de la dengue est porté essentiellement par Aedes aegypti. Ce virus est transmis à l’insecte par le sang humain. Ce virus pénètre dans les cellules de la muqueuse intestinale de l’insecte. Dans cette situation, le virus peut être inactivé par des ARN interférents (ARNi) de l’insecte. Les ARNi sont de petits ARN qui reconnaissent les ARN ayant une séquence complémentaire. Cette reconnaissance se traduit par une destruction de l’ARN ciblé. Ce mécanisme est un des moyens naturels de défense contre des infections virales. Des transgènes codant pour des ARNi dirigés contre l’ARN du virus diminuent la charge virale de l’insecte et la transmission du virus à l’homme.

Dans un autre champ d’application les méthodes basées sur la transgénèse et qui permettent de limiter le nombre de certains insectes nuisibles peuvent en principe être appliquées à l’agriculture. Ils pourraient constituer une alternative ou un complément aux plantes génétiquement modifiées résistantes à des insectes par l’action de toxines Bt utilisées largement pour protéger entre autres le maïs.

Des expériences très convaincantes ont montré que, chez des plantes génétiquement modifiées, des ARNi codés par des transgènes et dirigés contre les larves d’insectes nuisibles ont des effets insecticides satisfaisants et spécifiques. Ceci est rendu possible par le fait que, en se nourrissant, les larves d’insectes ingèrent les ARNi qui sont transférés dans leurs cellules par un mécanisme mal connu qui n’existe semble-t-il que chez certains animaux invertébrés. Les ARNi ont été choisis pour inhiber l’expression de gènes vitaux des insectes, ce qui provoque leur mort. Il ne s’agit pas là au sens strict de transgénèse chez les insectes mais d’un transfert transitoire de l’information génétique des ARNi depuis la plante génétiquement modifiée [6].

La lente application de ces outils

La malaria à elle seule fait plus d’un million de morts par an ce qui justifie les investissements pour la mise au point de nouvelles méthodes d’éradication des maladies transmises par des insectes. Plusieurs des outils disponibles donnent chez divers insectes des résultats qui pourraient être exploitables sur le terrain. Il est important de noter que les connaissances acquises avec un type d’insecte sont largement transposables à d’autres. Toutefois il n’existe aucune application réelle de ces méthodes malgré une certaine urgence. Les raisons tiennent non pas à un manque d’efficacité des outils mais au fait très particulier que l’on a à faire à des organismes susceptibles de se disséminer de manière incontrôlée dans de vastes espaces. En effet, un pourcentage non négligeable de larves échappe à l’action des gènes tueurs même en absence de tétracycline. Ceci pourrait se traduire par une propagation non contrôlée des moustiques transgéniques avec des conséquences environnementales imprévisibles.

Plusieurs parades sont envisagées. Il faut savoir que la transgénèse pratiquée en masse produit une multitude d’insectes transgéniques tous différents. Ceci tient au fait que les transgènes se trouvent intégrés dans le génome des insectes à des positions qui permettent un fonctionnement plus ou moins fiable des transgènes en question. Pour y remédier on pourrait sélectionner et n’utiliser que les lignées d’insectes transgéniques dans lesquelles les transgènes s’expriment de manière satisfaisante. On pourrait également n’utiliser que des constructions de gènes dont l’expression est fiable et satisfaisante quel que soit le site d’insertion du transgène dans le génome de l’insecte. On pourrait aussi envisager d’utiliser simultanément deux gènes tueurs ou un gène tueur et un gène stérilisant. Des preuves de concept ont donc été établies. Il faut maintenant poursuivre les recherches pour rendre les différents systèmes totalement fiables. La connaissance des génomes des insectes et des pathogènes offrent la possibilité d’élaborer des stratégies nouvelles et sûres.

Un autre argument en défaveur de la mise en œuvre du système tétracycline est que cet antibiotique, qui est présent à l’état de trace dans l’environnement, pourrait perturber le contrôle des transgènes des insectes disséminés et favoriser ainsi leur pouvoir invasif. Cet argument est pertinent mais d’une portée limitée. Les larves d’insectes qui sont détritivores se développent souvent dans des eaux stagnantes où la tétracycline n’a que très peu de chance d’être présente. De plus, cet antibiotique ne saurait atteindre les moustiques pendant leur vie aérienne et donc favoriser la dissémination des insectes transgéniques.

Les autorisations pour l’expérimentation dans des zones expérimentales non confinées sont de ce fait données avec parcimonie. Une telle expérience a eu lieu avec succès dans une des iles Caïman dans des conditions contrôlées mais controversées. Il s’agissait d’évaluer une des méthodes susceptibles de prévenir les épidémies de dengue [7,8]. La Food and Drug Administration (FDA) aux USA et la European Food SafetyAuthority(EFSA) dans l’UE ont défini des règles permettant de minimiser les risques de dissémination incontrôlée des insectes.

Il ne faut pas oublier non plus qu’il existe d’autres moyens pour éradiquer certains moustiques en particulier ceux impliqués dans la transmission de la malaria. Un de ces moyens repose sur des bactéries génétiquement modifiées pour sécréter des toxines anti Plasmodium falciparum. Ces bactéries colonisent naturellement l’intestin des anophèles. Celles qui sécrètent les toxines s’implantent spontanément dans l’intestin des anophèles où elles provoquent la disparition du parasite [9]. La dissémination volontaire à grande échelle de ces bactéries génétiquement modifiées ne manquerait toutefois pas de soulever des problèmes environnementaux difficiles à résoudre.

Un médicament à base d’artémisine extraite de l’armoise est connu pour enrayer très efficacement a malaria. Cette molécule qui est de plus en plus difficile obtenir va devenir plus disponible prochainement car un laboratoire pharmaceutique a réussi à la produire par synthèse chimique [10]. Ceci pourrait diminuer l’intérêt de la transgénèse pour prévenir la malaria mais le problème resterait entier pour d’autres maladies et en particulier pour la dengue qui atteint 50 millions de personnes par an.

Références

1 | Krivine JP. 2014. DDT et lutte contre le paludisme : la réécriture de l’histoire SPS n° 308,
2 | Riveron JM, Yunta C, Ibrahim SS, Djouaka R, Irving H, Menze BD, Ismail HM, Hemingway J, Ranson H, Albert A, Wondji CS. 2014. A single mutation in the GSTe2 gene allows tracking of metabolically-based insecticide resistance in a major malaria vector.Genome Biol. 15(2):R27.
3 | Lycett GJ, Kafatos FC. 2002. Anti-malarial mosquitoes ?Nature. 417(6887):387-388.8 Suppl 2:S7. doi : 10.1186/1475-2875-8-S2-S7.
4 | Catteruccia F, Crisanti A, Wimmer EA. 2009. Transgenic technologies to induce sterility. Malaria Journal.Malaria Journal. 8 Suppl 2:S7. doi : 10.1186/1475-2875-8-S2-S7.
5 | Scolari F, Siciliano P, Gabrieli P, Gomulski LM, Bonomi A, Gasperi G, Malacrida AR. 2011.Safe and fit genetically modified insects for pest control : from lab to field applications.Genetica. 139(1):41-52. doi : 10.1007/s10709-010-9483-7
6 | Gu L, Knipple DC. 2013. Recent advances in RNA interference research in insects : Implications for future insect pest management strategies. Crop Protection 45 (2013) 36e40
7 | Lee HL, Vasan S, Ahmad NW, Idris I, Hanum N, Selvi S, Alphey L, Murad S. 2013. Mating compatibility and competitiveness of transgenic and wild type Aedesaegypti (L.) under contained semi-field conditions.Transgenic Res. 22(1):47-57. doi : 0.1007/s11248-012-9625-z.
8 | Subbaraman N. 2011. Science snipes at Oxitec transgenic- in brief mosquito trial. NatureBiotechnology.29 : 9-11.
9 | Wang S. et al. 2012. Fighting malaria with engineered symbiotic bacteria from vector mosquitoes.ProcNatlAcadSci U S A. 109 : 12734-12739. doi : 10.1073/pnas.1204158109.
10 | Paludisme : Sanofi réalise la synthèse de l’artémisinine sur sante.lefigaro.fr


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L' auteur

Louis-Marie Houdebine

Louis-Marie Houdebine (1942-2022) était directeur de recherche honoraire à l’INRA. Il a été membre de la (...)

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