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La « biologie totale » sous la loupe

Publié en ligne le 18 août 2007 - Médecines alternatives -

Alessandra Moonens est co-auteur (avec Carine Boven, Hervé Dagrada, Siham Hbat, Julien Vanderhulst, Nicolas Van Rompaey, Daphné Vens, ULB, année académique 2004-2005) d’un travail collectif d’épistémologie réalisé en 2004-2005 dans le cadre du cours d’Épistémologie des différentes formes de l’art de guérir donné par le professeur Jean-Louis Vanherweghem de l’Université Libre de Bruxelles.

Elle nous a très aimablement donné l’autorisation de publier de larges extraits de ce travail portant sur la Biologie Totale.

L’appellation « biologie totale » est la mieux connue pour nommer un ensemble de nouvelles hypothèses censées expliquer le processus de formation des maladies. On distingue principalement deux grands courants :

  • la Médecine nouvelle, que l’on doit à Ryke Geerd Hamer, un médecin allemand qui l’a développée dans les années 1980 (et qui a récemment rebaptisé officiellement son approche Médecine nouvelle germanique pour la distinguer des diverses sous-écoles apparues ces dernières années) ;
  • la biologie totale des êtres vivants décrite sous forme d’histoires naturelles comparant les trois règnes : végétal, animal et humain (oui, c’est le nom officiel), créée par un ancien élève de Hamer, Claude Sabbah. Ce médecin français dit avoir mené plus loin le concept de la Médecine nouvelle.

Le Concept selon les auteurs

Si un individu est en surtress, c’est-à-dire s’il subit un conflit psychologique trop difficile à gérer, il se développe alors dans le cerveau une zone qui met en route un programme de « survie » en ciblant un organe particulier et cela se manifeste par l’apparition d’une maladie ! La biologie totale comprend une théorie qui tente d’expliquer le processus de formation des maladies. Elle comporte cinq « lois biologiques » énoncées par Hamer. Pour comprendre son concept, si tant est qu’il faille le comprendre, il faut considérer, selon Hamer, l’individu comme une fusée à trois niveaux en synchronisation parfaite :

  • le psychisme, propre à l’être humain, il évalue ;
  • le cerveau, qui gère toutes les fonctions conscientes et inconscientes, il donne les ordres ;
  • le corps (l’organe), exécute les ordres du cerveau.
    [Rappelons qu’il s’agit du concept selon les initiateurs de la biologie totale].

La « jeune » Biologie Totale est beaucoup moins répandue et moins connue du monde médical et du grand public que les autres médecines alternatives comme l’acupuncture, l’aromathérapie, l’ostéopathie ou encore l’homéopathie.

On constate également que l’intérêt pour la Biologie Totale s’accroît grâce à des théories, élaborées par deux médecins, théories qui paraissent précises, séduisantes, et qui sont prétendument fondées sur des bases scientifiques. Les thérapeutes de la Biologie Totale, entre autres des médecins et paramédicaux, affirment pouvoir comprendre et expliquer la cause de toutes les maladies par un choc psychologique ingérable. À l’heure où le psychologisme occupe une place de plus en plus importante dans notre société, la Biologie Totale apparaît comme une réponse au pourquoi de la maladie.

L’application de ces « découvertes » permettrait, selon les auteurs, de guérir toutes les maladies même celles à mauvais pronostic ou jugées « incurables » par la médecine classique (cancers à un stade avancé, sclérose en plaques, etc.) grâce à la prise en charge et à la résolution de ce choc. Pire, ces pratiques, s’attaquant à des pathologies lourdes, préconisent souvent de ne pas traiter ou d’arrêter toute manœuvre thérapeutique classique mettant donc le patient en grand danger.

Enfin, des personnes ont tout de même été victimes de cette « médecine nouvelle », autre appellation de la Biologie Totale.

Voilà pourquoi il nous a semblé important de nous pencher un peu plus sur ce sujet.

Les cinq lois

La première loi, nommée la « loi d’Airain du Cancer » comprend trois critères :

1er critère : « Tout cancer ou maladie équivalente du cancer est un programme biologique spécial bien-fondé (SBS) et débute par un Dirk Hamer Syndrom (DHS), c ’est-à-dire un choc conflictuel biologique extrêmement brutal, dramatique, vécu dans l’isolement. Il se situe aux 3 niveaux : psychique – cérébral – organique. » 1

En d’autres termes, puisque selon Hamer « tout ce qui n’est pas cancer est équivalent du cancer » 2, toutes les maladies sans exception seraient causées par un conflit psychologique traumatisant, inattendu, impossible à gérer (un surstress), auquel le sujet n’est pas préparé émotionnellement. En fonction du ressenti de ce conflit, le cerveau « matérialiserait » celui-ci en une zone précise au point d’y laisser une empreinte physiologique qui serait visible au scanner (zone du cerveau baptisé « foyer de Hamer ») 3. Le « foyer de Hamer » toucherait simultanément l’organe relié à cette zone. Tant qu’un conflit est psychologique, il n’y aurait pas de malade car tout reste alors dans le domaine de la pensée. Selon les auteurs, on ne deviendrait donc malade que lorsque le conflit devient biologique et trouve sa transcription entre l’esprit et le corps. Cela se produirait en cas de surstress aigu ou suraigu permanent ingérable. Ce conflit, qui envahirait tout le champ de la pensée de l’individu et tendrait à l’empêcher de fonctionner, éventuellement jusqu’à la mort, trouverait une soupape de sûreté en faisant porter le poids de cet événement au corps car l’organisme cherche à survivre.

2e critère : « À l’instant du DHS, c’est le thème du conflit biologique qui détermine aussi bien la localisation du “foyer de Hamer” dans le cerveau, que la localisation du cancer ou équivalent (SBS) dans l’organe. » 4

« Le conflit biologique est synchrone aux trois niveaux, à la seconde près : on peut le constater, le voir, le mesurer » déclare Hamer qui prétend que le médecin « ne peut pas ne pas voir » le DHS sur le scanner (conformation en cible 5). Des directives anarchiques seraient données aux cellules de l’organe dépendant de cette zone. L’organe serait affecté par une multiplication cellulaire dans le cas de cancers ou par une perte cellulaire, qui conduit à un ulcère ou une nécrose dans d’autres cas.

3e critère : « Le déroulement du SBS (= donc la maladie) sur les 3 niveaux (psychique, cérébral et organique) à partir du DHS et jusqu ’à la solution du conflit (s’il y a solution) et la crise épileptique ou épileptoïde, sont tout à fait synchronisés. »

Cela signifie qu’à partir du DHS, il existerait une corrélation entre l’évolution du conflit, la modification du « foyer de Hamer » dans le cerveau et la modification de la tumeur cancéreuse.

Si le conflit se complique de nouveaux conflits secondaires (ex : l’angoisse d’apprendre qu’on a un cancer), une nouvelle zone du cerveau pourrait-être atteinte et une nouvelle tumeur pourrait naître à un organe correspondant (ce qu’on appelle métastases dans la médecine classique).

Dès que le conflit cesse, la zone du cerveau perturbée arrêterait alors de donner des ordres anarchiques et les cellules s’arrêteraient de proliférer. La zone perturbée du cerveau, pour guérir, s’entourerait d’un œdème qui serait visible au scanner 6. À l’arrêt du conflit, le cerveau commanderait également la régénération de l’organe malade.

La deuxième loi reprend les deux phases de toute maladie si une solution est trouvée au conflit. Cette loi introduit la notion de réversibilité de la maladie : dès que le conflit est résolu, la zone du cerveau qui était touchée va se réparer et cette reprise d’activité cérébrale normale va entraîner la restauration de l’organe malade.

La troisième loi ou « Système Ontogénétique des Tumeurs »
Par cette loi, Hamer « explique » la formation des tumeurs et cancers qui diffère en fonction de l’origine embryonnaire des tissus. Selon lui, quand un DHS provoque un « foyer de Hamer », les sphères organiques correspondant à ce foyer présentent une réaction spécifique, en fonction de la couche embryonnaire 7 dont elles sont dérivées. La phase de guérison suivant la résolution du conflit diffère également considérablement.

La quatrième loi ou « Système Ontogénétique des microbes »

Cette loi fait la corrélation entre le feuillet embryonnaire de l’organe, le relais cérébral et les microorganismes.

Selon ce système, [et pour ne prendre qu’un seul exemple], les mycobactéries 8 se diviseraient en phase active du conflit et devraient détruire les tumeurs dès le début de la phase de guérison. [D’après Hamer notre organisme « en parfaite entente avec son alliée la mycobactérie (BAAR) ne produira que des bacilles acido-résistants nécessaires (…) à l’évacuation de la tumeur. Quant aux bactéries et aux virus c’est différent. Afin de ne pas alourdir le propos, citons simplement Hamer :

« …nous avons aveuglément essayé de détruire ces alliés [les microorganismes] par le biais d’antibiotiques ou de sulfamides. […] Ce ne sont pas les microbes qui nous tuent, mais plutôt l’énorme œdème qui se forme au cerveau si le conflit dure trop longtemps. » 9

En gros, [si l’en croit cette « théorie »] les microorganismes nous aideraient à éliminer les tumeurs en phase de guérison…

La cinquième loi, nommée, la « loi de la quintessence »

Selon Hamer, cette 5e loi biologique ou « Quintessence » est l’âme de toute la Médecine Nouvelle. Certains l’appellent la « Medicina sagrada » (médecine sacrée). Elle conclut tout ce qui a été dit précédemment. Elle stipule que les maladies font parties d’un programme biologique bien fondé prévu par la nature au cours des temps pour assurer notre survie face à des circonstances adverses. La maladie aurait donc toujours un sens, elle serait utile et même vitale pour la survie de l’individu, ce serait une réaction parfaite d’adaptation – la seule solution biologique possible pour le cerveau. Si l’on en croit Hamer et Sabbah, puisque tout est déjà programmé pour chaque créature dans son « patrimoine », la médecine est devenue « cosmique », vu qu’elle applique les mêmes lois aux êtres humains, aux animaux et aux plantes. Cela remet en question non seulement les traitements classiques, mais en plus les rend absurdes. Qui oserait encore intervenir après cette découverte dans les cycles merveilleux de la nature, dans ce programme spécial au sens biologique de la nature ?

Les invariants biologiques

Le Dr Hamer a donc établi une association entre chaque maladie et l’émotion spécifique à son origine ; c’est ce qu’il a appelé les « invariants biologiques » (voir encadré).

Nous ne pouvons nous empêcher de retranscrire un autre exemple que Sabbah a exposé à sa conférence (en date du 9 mars 2005, à Namur expo), excellent témoin de l’irrationalité de toutes ces théories. « Supposons un homme dans le désert, il est soumis à un surstress psychologique : isolement, fatigue, soif, faim, chaleur. En trois jours, celui-ci meurt car son cerveau n’aura pas développé le programme biologique adéquat lui permettant de survivre à ce choc. La preuve en est : si l’on fait une autopsie, on ne retrouvera pas d’atteinte organique, pas de maladie !  ».

Le décès ne serait donc pas dû à la déshydratation et au choc hypovolémique 10 mais bien au conflit psychologique ingérable ! De là, il extrapole en affirmant que la mort n’est pas causée par la maladie mais par le surstress !

Terminons par l’origine des métastases. Selon Hamer, elles n’existent pas. Les métastases sont un nouveau cancer dû au traitement du primitif. Démonstration : « Une femme ayant un cancer du sein va subir une mastectomie couplée à une chimio et radiothérapie. Par la suite, en se regardant dans le miroir, elle se sentira dévalorisée de par sa nouvelle image. Elle fera un conflit de dévalorisation et fera un cancer des os. » CQFD !

Les invariants biologiques
Voici des exemples de ressentis perçus comme impossibles à gérer ayant été à l’origine de quelques maladies, ainsi que des événements qui pourraient avoir déclenché ces ressentis.

Maladie Exemples de ressentis « ingérables »
(invariants)
Exemples d’événements déclencheurs
Cancer de l’utérus Dévalorisation de ne pas
pouvoir porter un enfant
Mort prématurée de son propre
enfant
Sclérose en plaques Dévalorisation consécutive à
une chute verticale
Perte d’emploi à la suite d’une
chute au travail
Infarctus du myocarde Perte du territoire Congédiement

Extraits du livre de Jean-Jacques Crèvecoeur, Le langage de la guérison, Éd. Jouvence.
Ces invariants s’appliquent également au monde animal comme nous le « démontre » Caude Sabbah en racontant la petite histoire suivante : « Un chien a attrapé un lièvre. Il essaye d’avaler une énorme patte goulûment car d’autres chiens vont essayer de la lui prendre. Du coup, il se retrouve avec une énorme boule de chair, de poils, de griffes et d’os dans l’estomac. C’est un morceau très difficile à digérer, qu’il ne peut plus vomir, ni faire passer tel quel dans l’intestin. Il se retrouve en situation aiguë de survie urgente. La solution à ce con flit biologique ? Le cancer de la muqueuse digestive de l’estomac ! C’est en effet ce cancer qui va donner une réel chance au chien de s’en sortir, et cela par la puissance de ses enzymes digestifs sécrétées par les cellules cancéreuses qui va sur-digérer la patte. Après la solution pratique de son con flit par cette sur-digestion produite, le chien éliminera naturellement son cancer dont il n’a plus besoin et reprendra une vie tout à fait normale…. » ! !

La psychogénéalogie

Claude Sabbah s’est intéressé à la psychogénéalogie et l’a intégrée dans la biologie totale.

La psychogénéalogie est une technique d’aide à la thérapie qui permet, grâce à une redécouverte de son passé familial, de se repositionner dans le présent et de résoudre des symptômes psychologiques liés à des non-dits, des secrets de famille en réécrivant son « roman familial ». Le problème est lié au fait que cette technique, utilisée dans les psychothérapies, est sortie de son contexte et de son utilisation première. Elle devient pour ces thérapeutes une vérité inéluctable : le passé s’inscrit dans le corps sous forme de maladie.

Il ne s’agit plus d’une transmission de schémas inconscients mais de perturbations du champ « idéo-morpho-énergétique », « holographique ». Selon Claude Sabbah, le traumatisme non résolu s’inscrit dans le « cycle biologique cellulaire », il s’inscrit dans la mémoire « cellulaire », « holographique » et se transmet de génération en génération.

Sabbah illustre cette technique par un exemple toujours issu de sa conférence. Des hypoglycémies apparaissent, selon lui, lorsque la personne ressent de la répugnance. Il nous explique l’histoire d’une jeune femme faisant souvent des hypoglycémies. En écoutant l’histoire de ses aïeuls, Sabbah arrive à pointer le conflit : « L’arrière grand-père trouva son père assassiné et mutilé. Cette découverte l’aura sans nul doute profondément choqué et dégoûté. Ce choc psychologique s’est transmis de génération en génération et atteint donc aujourd’hui la jeune femme. »

La thérapeutique

Si la maladie est un programme biologique de survie ayant pour origine un choc psychologique, pour faire disparaître la pathologie, il suffirait alors de résoudre le problème psychique en cause. La guérison ne dépendrait plus de la maladie mais bien de la capacité du malade à accéder à ses capacités personnelles de guérison. Il n’y aurait donc plus de maladies incurables.

Dans la thérapeutique du cancer, Hamer distingue trois niveaux :

Trouver le conflit et la manière dont le patient a ressenti ce conflit en faisant une anamnèse 11 détaillée du vécu de la personne, son enfance, son adolescence, ses peurs, ses angoisses, la perte d’un emploi, la vie affective, les antécédents familiaux, etc.

Résoudre le problème psychique, par l’analyse du conflit et entrer ainsi dans la phase de guérison qui se manifeste par un œdème du « foyer de Hamer ». Hamer signale quand même que les œdèmes cérébraux qui en découlent peuvent occasionner de sérieuses complications pour lesquelles il faut faire un scanner cérébral et donner de la cortisone.

Au niveau organique, la thérapeutique des complications traite seulement les séquelles produites par des cancers désactivés, c’est à dire inoffensifs, pouvant occasionner des gênes mécaniques (chirurgie légère), ou bien remédie à des complications apparues durant la phase de guérison. Quant à la guérison du cancer, il est parfaitement inutile de se mettre à couper ou éliminer des organes !

Le Dr Sabbah a poursuivi les travaux de Hamer afin d’aider les malades à « déprogrammer » leurs maladies. C’est la fameuse « Déprogrammation Biologique ». Cependant Claude Sabbah et les praticiens de la biologie totale, [contrairement à ce qu’avait fait Hamer 12] , s’opposent, en tout cas officiellement, à l’arrêt des traitements.

Critique épistémologique

Validité ?

Les adeptes de la biologie totale disent fonder leur doctrine sur des bases « scientifiquement prouvées » résultant de recherches de longue haleine portant sur plusieurs milliers de cas étudiés. En effet, selon le Dr Hamer, sa loi d’Airain est une loi biologique, empirique, fondée sur l’expérience et l’observation. Elle aurait été vérifiée sans exception dans dix mille à quinze mille cas (le nombre varie selon les sources) examinés par ses soins de 1978 à 1981. Immédiatement une question se pose : comment aurait-il pu, à lui seul, analyser autant de patients en un si court laps de temps ? Par ailleurs, les uniques cas présentés sont des cas purement anecdotiques dont le Dr Hamer fait des généralisations grossières. Il s’appuie sur des preuves testimoniales pour le moins lacunaires. La preuve par le cas est la technique utilisée par les thérapeutes de médecines alternatives pour prouver l’efficacité de la méthode. Ces praticiens ne font jamais référence à la littérature scientifique.

D’autre part, il est permis de douter des méthodes d’échantillonnage, d’analyse et de recherche de cas, qu’on suppose très orientées, parce que menées par les « Hameristes » exclusivement.

Hamer prétend pouvoir guérir plus de 95 % des patients (toutes pathologies confondues), appuyant ainsi ses théories par la preuve du succès. Cependant, le magazine Spiegel fait état d’une enquête menée par les autorités en Allemagne, établissant que sur cinquante patients passés entre les mains de Hamer, seuls sept ont survécu. Aux cas reportés dans les livres de Hamer, souvent décrits avec beaucoup d’emphase, manquent les données complémentaires nécessaires pour un avis médical, et les traitements présentés doivent donc être sujets à caution.

Aucune publication personnelle n’a pu être trouvée sur Medline, seul un article 13 pour le moins obscur aborde le sujet de manière distante. Devant ce manque évident de crédibilité scientifique, les disciples de Hamer prétendent, au cours de leurs nombreuses conférences, détenir des documents qui sont sur le point d’obtenir une validation scientifique et qui vérifieront les hypothèses et l’efficacité de la Médecine Nouvelle. Toujours dans ce « souci », différents certificats sont avancés, dont le dernier a été délivré par l’université de Trnava en Slovaquie suite à un travail de recherche sur sept patients recouvrant plus de vingt maladies (!), prétendant confirmer les lois de la Médecine Nouvelle. Or, aucune donnée essentielle pour vérifier la démarche n’est disponible, seuls sont retrouvés les témoignages paraphés des médecins locaux. Un autre document du même type a été rédigé en Autriche à Burgau. Il s’agit de praticiens de médecine générale en majorité, certains à tendance homéopathique et quelques chirurgiens. Le témoignage de l’un d’entre eux nous apprend qu’après avoir écouté Hamer, le protocole fut erronément présenté comme étant un appui à une demande de vérification scientifique et non comme un document servant de caution publique à la théorie du Dr Hamer.

Au cours des conférences, les résultats de Hamer sont présentés sous la forme d’un long monologue ne laissant place à aucun débat scientifique, pas la moindre question ne peut être posée, ce qui ne plaide pas non plus en faveur d’une théorie réfutable ou vérifiable.

La validité du diagnostic est également à remettre en cause. Le diagnostic d’un prétendu cancer du poumon permettra au thérapeute d’annoncer une totale guérison après de longs mois de « décodage biologique ». On arrive donc à des excès, consistant à « pathologiser » tout le monde et à provoquer ainsi une sorte de paranoïa, telle qu’un rhume ou un furoncle sont diagnostiqués comme des départs de cancer ou d’autres maladies graves. Avec de tels diagnostics, il est certain que les « Hameristes » pourront produire quantités de témoignages de guérisons de cancers ou d’autres maladies graves.

Théories scientifiques ?

Les fondateurs de la biologie totale ont énoncé des lois et des principes en y intégrant de nombreux termes propres à la médecine classique, par exemples : syndrome, mésoderme, crise épileptoïde, vagotonie, ostéoclastes, etc. Ces termes se retrouvent intriqués dans des phrases compliquées, et leur confèrent une allure recherchée et « scientifique ». Ce mélange entraîne chez le malade une confusion entre ce qu’il a déjà entendu et une explication nouvelle. Troublé, il se laisse aveugler par la promesse d’une guérison simple. Hamer utilise des termes ésotériques (exemple : loi d’Airain) ou son propre nom, comme les grands savants, pour baptiser ses lois, ceci amène un côté à la fois mystique et sérieux à sa théorie.

Les fondateurs de la biologie totale utilisent à leur guise des techniques de médecine classique (exemple : scanner), ainsi que certaines lésions objectivables par celles-ci (exemple : œdème cérébral sur un scanner), comme support matériel pour valider leur théorie. Ils remettent en question des principes scientifiquement prouvés et démontrés en médecine classique en les présentant comme illogiques et en prônant le contraire, par exemple :
Pour le médecin : la néovascularisation d’une tumeur est un phénomène induit par la tumeur au sein du tissu qu’elle envahit pour permettre sa survie. Le réseau vasculaire ainsi formé est désorganisé et peu différencié.
Pour le praticien de la biologie totale : la néovascularisation est bien organisée, elle est un programme commandé par le cerveau en même temps que la tumeur pour permettre à celle-ci de proliférer.

Ils simplifient à outrance des phénomènes souvent difficiles à concevoir et à accepter pour les malades, ils donnent pour ceux-ci des explications qui paraissent plus logiques, et correspondent beaucoup mieux aux attentes du malade. Ceci peut être illustré par l’exemple d’un patient atteint d’un cancer, qui en guérit suite à un lourd traitement, et qui quelques mois plus tard développe une métastase osseuse. Il a alors un sentiment d’injustice et de fatalité. Le praticien de la biologie totale va renverser ces sentiments en affirmant que cette métastase ne provient pas de cette même tumeur, mais constitue un nouveau programme de survie en réponse à tout le stress et la perte d’estime de soi causés par les traitements de la première tumeur ; il suffira de combattre ce stress pour guérir de sa métastase. Cette présentation du phénomène de dissémination d’une néoplasie 14 est effectivement très séduisante pour la personne envahie par l’espoir d’une guérison, de plus la résolution du conflit fait miroiter la garantie d’une résolution définitive contrairement aux traitements classiques.

Les « thérapeutes » de la biologie totale s’appuient sur la longueur de leurs prétendues recherches scientifiques pour augmenter la crédibilité de leurs découvertes et citent comme références des personnes « reconnues » du monde scientifique. Hamer utilise également son expérience personnelle du drame, du conflit, de la maladie, et surtout de la guérison pour légitimer sa motivation, ses recherches et ses théories ; le patient peut s’identifier à lui 15. Sabbah tente d’augmenter la puissance de ses théories en les présentant comme universelles, codifiant les règnes autant animal que végétal ; on peut donc imaginer que les jolies fleurs de nos bouquets fanent suite à un conflit de perte insurmontable en l’absence de cerveau !

Conclusion

On pourrait assimiler la thérapeutique de cette médecine alternative à la psychothérapie. La médecine soigne le corps et la psychothérapie le psychisme mais dans le cas qui nous intéresse, le corps est dépossédé de son essence, de toute consistance, il n’est plus qu’un objet, un miroir de nos angoisses dans les mains du thérapeute. Il s’agit là d’une dérive pernicieuse de la médecine « psychosomatique ». Nos investigations sur la biologie totale et la Médecine Nouvelle nous ont amené à penser qu’il est de notre devoir de dénoncer les pratiques en relation avec ces pseudo-théories représentant un danger mortel potentiel pour tout patient qui y aurait recours.

Références

1 | Jean-Jacques Crèvecoeur. Le langage de la guérison. Éd. Jouvence
2 | Interview de Claude Sabbah par Yves Rasir, magazine Bioinfo n° 41 du 1er décembre 2003.
3 | Last Walter, La médecine nouvelle du Dr Hamer, Nexus Magazine n° 29 de novembre/décembre 2003, traduit par Christèle Guinot.
4 | Swiss study group for Complementary and Alternative Method in Cancer (SCAC), Hamer’s « New Médecine », document N° 01/02, 2001, traduit en anglais et disponible sur le site de la Ligue suisse contre le cancer.
5 | Ventegodt S, Andersen NJ, Merrick J., Rationality and Irrationality in Ryke Geerd Hamer’s System for Holistic Treatment of Metastatic Cancer, Scientific World Journal, 28 janvier 2005.
6 | Vanherweghem J.-L, Épistémologie des différentes formes de l’art de guérir, PUB, 2003-2004.
7 | Levèque Alain, Épidémiologie clinique, PUB, Éd. 2003.

1 http://medecinenouvelle.com/comprendre/lois/ (disponible sur archive.org — 7 sept. 209).

2 ibid.

3 Selon Hamer, « le patient ne peut pas ne pas voir le DHS sur le scanner s’il sait de quoi il s’agit, et il en va de même pour le médecin… », ibid.

4 ibid.

5 Sur le même site, le mot est expliqué : « Cible : Configuration sur l’eau après avoir jeté une pierre. »

6 Par le praticien en Biologie Totale, s’entend.

7 À trois semaines, l’ovule fécondé devient officiellement un embryon : une 3e couche de cellules, le mésoderne, vient s’intercaler entre l’endoderme (couche intérieure) et l’ectoderme (extérieur). L’endoderme produira, entre autres, les poumons, le foie, les intestins ; le mésoderme donnera les reins, les organes reproducteurs, les os, les muscles, le système vasculaire ; l’ectoderme, l’épiderme, le système nerveux.

8 Bacilles ne se décolorant ni sous l’action des acides forts, ni sous l’action de l’alcool (= Bacille acido-alcoolo-résistant ou BAAR), tel le bacille tuberculeux (Koch).

9 îbid.

10 Hypovolémie : diminution générale du volume sanguin.

11 Ensemble des informations fournies par le malade sur sa maladie.

12 Voir « EXTRAIT des MINUTES du GREFFE du TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE de CHAMBERY » les minutes du procès http://www.prevensectes.com/stop2.htm (disponible sur archive.org 7 sept. 2019).

13 Søren Ventegodt, Niels Jørgen Andersen and Joav Merrick (2005). “Rationality and Irrationality in Ryke Geerd Hamer’s System for Holistic Treatment of Metastatic CancerThe Scientific World Journal, vol. 5, pp. 93-102, 2005.

14 Multiplication anormale de cellules entraînant la formation de nouveau tissu.

15 Un drame a été à l’origine de la réflexion qui a amené R.G. Hamer à élaborer les grands principes de sa Biologie Totale : la mort, par balle, de son fils. Peu après, Hamer développe un cancer des testicules et il en déduit que ce grand choc émotionnel, qui le touche en tant que géniteur, pourrait être la cause du cancer. L’histoire ne nous dit pas s’il a bénéficié d’une chimiothérapie…


Publié dans le n° 277 de la revue


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L' auteur

Alessandra Moonens

Alessandra Moonens est docteur en médecine.

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Médecines alternatives

Médecines douces, médecines alternatives, médecines parallèles… différents termes désignent ces pratiques de soins non conventionnels qui ne sont ni reconnues sur le plan scientifique ni enseignées au cours de la formation initiale des professionnels de santé.

Voir aussi les thèmes : homéopathie, acupuncture, effet placebo.