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Sexe et genre : quelles conséquences dans les débats de société ?

Publié en ligne le 11 avril 2024 - Masculin et féminin -

Comme on l’a vu dans l’article « Sexe et genre : de quoi parle-t-on ? », les questions de définitions des mots sont importantes pour clarifier les termes du débat. Considérons maintenant quelques questions souvent âprement discutées dans le débat public et examinons l’éclairage que peuvent apporter les connaissances scientifiques.

Le sexe est-il « assigné à la naissance » ?

L’expression, souvent utilisée dans les débats, peut laisser entendre qu’il y aurait là une décision arbitraire et subjective. Pour la plupart des personnes, le sexe est observé à la naissance et l’officier d’état civil l’inscrit sur le registre. Cependant, d’un certain point de vue, il est aussi en partie assigné. Cela découle exactement de ce qui a été discuté dans la définition du mot « sexe ». Si le sexe anatomique ou phénotypique est observable à l’œil nu, ce n’est pas le cas du sexe gonadique (il faut au moins une imagerie médicale pour le voir), du sexe génétique (il faut un test génétique pour le voir) ou du sexe-rôle reproductif (qui est une abstraction).

Papyrus d’Hounefer, auteur anonyme, v.1275 av. notre ère
Dans la tradition égyptienne antique, l’esprit et le corps sont séparés à la mort. Cette idée est illustrée par l’un des grands mythes funéraires qui consiste en une pesée du cœur du défunt sur une grande balance, sous le regard du dieu Osiris qui trône à droite. Le cœur étant considéré comme le siège de l’esprit, cette action permet de mesurer la moralité du défunt pour l’accueillir dans l’au-delà.

À la naissance, ce qui est constaté, c’est le sexe anatomique (observation des organes génitaux externes), et de là, on ne peut qu’inférer le sexe-rôle reproductif. Ainsi, si le sexe anatomique est de forme femelle, on supposera que la personne est femelle et ceci sera inscrit dans son état civil. Toutefois, cette inférence se fait sous l’hypothèse d’une concordance entre sexe anatomique, sexe gonadique et sexe génétique, moyennant quoi le sexe-rôle reproductif est parfaitement déterminé.

Comme on l’a vu, c’est une hypothèse qui est valable pour 99 % des naissances. Mais elle s’avère inadéquate pour à peu près 1 % des cas. Tout d’abord, il peut y avoir des erreurs en observant le sexe anatomique et en l’identifiant masculin quand il est féminin, ou vice-versa, parce qu’il peut exister des formes intermédiaires ou ambiguës. Si les sages-femmes et les médecins peuvent parfois constater l’ambiguïté à la naissance, l’état civil n’autorise pas à enregistrer autre chose que « M » ou « F ». Dans ces cas, on peut y voir une forme d’assignation.

Le terme « sexe assigné à la naissance » n’est cependant pas très heureux car il sous-entend que, de manière générale, le sexe serait une catégorie arbitraire imposée aux individus. Mais non, pour 99 % des nouveau-nés, il n’y a pas d’ambiguïté, l’inférence est correcte. Il n’y a vraiment assignation que pour environ 1 % des individus. Un terme plus neutre tel que « sexe enregistré à la naissance » serait préférable : il est en effet incontestable que le sexe est enregistré par l’officier d’état civil, à tort ou à raison.

La naissance d’enfants intersexes

Historiquement, la naissance d’un bébé avec un sexe anatomique ambigu mettait dans l’embarras les médecins et les parents, mais aussi, de manière générale, la société. Personne n’était à l’aise avec l’idée d’élever un enfant qui n’était ni garçon ni fille, mais quelque chose entre les deux. Il fallait donc « normaliser » la situation, conformer le nouveau-né à un sexe ou à un autre [1]. De façon pratique, le sexe féminin était souvent préféré : en effet, la naissance d’un enfant intersexué conduisait très souvent à une intervention chirurgicale et il est plus aisé de couper que de créer un pénis. La recommandation faite aux parents était alors d’élever leur enfant comme une fille, avec l’hypothèse que cela suffirait à ce qu’il devienne une fille. Mais bien qu’élevée comme une fille, la personne pourra finir par se sentir garçon. Cela confirme au passage que l’identité de genre ne dépend pas uniquement de la manière dont on a été socialisé et des normes sociales de genre qu’on essaie d’imposer. C’est bien quelque chose d’intrinsèque à la personne et qui a une certaine autonomie par rapport aux normes sociales.

Aujourd’hui, la normalisation chirurgicale précoce est très largement contestée, même si elle a encore cours (voir par exemple [2]). Cette évolution renvoie d’abord au principe médical de base qui est de « ne pas nuire » (primum non nocere). La nécessité médicale ne semble pas établie, d’autant plus que pratiquer une chirurgie lourde sur les organes génitaux d’un enfant présente des risques significatifs. Par ailleurs, il est impossible de savoir à l’avance si le résultat conviendra à l’enfant devenu adolescent. De plus, certaines personnes intersexes considèrent qu’elles n’ont pas à se définir entre mâles et femelles ; elles veulent rester telles qu’elles sont physiquement et construire leur identité ainsi. Nombreuses parmi celles sur lesquelles des opérations ont été pratiquées le regrettent et des campagnes sont menées pour que ces pratiques soient proscrites [3].

La loi bioéthique de 2021 s’est intéressée au sujet et un arrêté d’application a été publié le 15 novembre 2022, fixant les règles de bonnes pratiques de prise en charge des enfants présentant des « variations du développement génital » (terme préféré à celui d’intersexe) [4]. Il y est stipulé que la décision ne doit se prendre que pour des raisons médicales justifiées et que « la seule finalité de conformation des organes génitaux atypiques de l’enfant aux représentations du féminin et du masculin ne constitue pas une nécessité médicale ». Il convient alors d’attendre que le mineur soit apte à participer à la décision.

Il s’agit certainement d’avancées pour les droits des personnes intersexes et pour leur intégrité physique. Mais cela suppose une meilleure reconnaissance de leur existence, ce qui n’est pas toujours le cas dans la société aujourd’hui.

Être « né dans le mauvais corps » ?

Portrait d’un jeune garçon, Pierre-Alexandre Wille (1748-1837)

Les personnes transgenres (personnes dont le sexe biologique n’est pas aligné avec l’identité de genre, qui ne sont pas intersexes) disent souvent qu’elles ont l’impression d’être « nées dans le mauvais corps ». Peut-on naître « fille dans un corps de garçon » ou « garçon dans un corps de fille » ? Il faut prendre au sérieux le ressenti de ces personnes. Mais la véritable nature du phénomène ne peut pas être celle-là.

Affirmer la possibilité d’être « né dans le mauvais corps » suppose une vision dualiste du monde reposant sur l’existence d’une âme qui serait indépendante du corps. En science, cette vision a été abandonnée il y a très longtemps au profit d’une approche matérialiste dans laquelle l’esprit humain et ses manifestations, comme la pensée et les ressentis, sont le produit de notre cerveau. Il n’y a pas de séparation entre l’esprit humain et le cerveau. Le cerveau, connecté au corps, produit des ressentis à partir des informations qui lui sont transmises par tous les récepteurs de notre corps. C’est notre cerveau qui nous dit si l’on a mal, si l’on est bien, si l’on est déprimé, si l’on se sent homme ou si l’on se sent femme.

Notre expérience nous apprend que nos sensations, produites par le cerveau, peuvent parfois être en décalage avec la réalité : nous ne percevons pas toujours le monde tel qu’il est. Ce décalage s’observe dans nombre de troubles psychiatriques, comme la schizophrénie ou la dépression. Mais il se produit également chez tous les individus : nous sommes tous sujets à des illusions et victimes de biais cognitifs. C’est assez banal en psychologie.

La transidentité peut ainsi être comprise comme un cas de décalage perceptif ou interprétatif entre l’identité de genre ressentie et celle concordant avec le sexe. L’expression « être né dans le mauvais corps » est donc plutôt à prendre comme une métaphore.

Le sexe légal à l’état civil

Uniquement deux sexes possibles
En France, le code civil stipule que l’acte de naissance doit énoncer « le jour, l’heure et le lieu de la naissance, le sexe de l’enfant et les prénoms qui lui seront donnés » [5]. La loi d’août 2021 relative à la bioéthique a ajouté un alinéa qui prévoit que le procureur de la République peut autoriser l’officier d’état civil à ne pas faire figurer immédiatement le sexe sur l’acte de naissance « en cas d’impossibilité médicalement constatée de déterminer le sexe de l’enfant au jour de l’établissement de l’acte ». Il devra l’être dans un délai de trois mois maximum.

Si le code civil précise que « le sexe de l’enfant » doit être indiqué, il n’énumère pas les différents choix possibles. Toutefois, un avis de 2017 de la Cour de cassation [6] confirmé par la Cour européenne des droits de l’Homme [7] précise que « la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin » et a ainsi rejeté une requête d’une personne souhaitant voir apparaître « sexe neutre » ou, à défaut, « intersexe ». Dans ses motivations, la Cour estime en outre qu’une telle modification « aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législatives de coordination ».

D’autres solutions ?
Le débat n’est pas clos. Conserver la binarité implique l’exclusion des personnes intersexes qui souhaitent être reconnues comme telles. Une quinzaine de pays dans le monde ont déjà créé une troisième catégorie. Mais créer une nouvelle catégorie n’est pas nécessairement une solution pour tout le monde. Par exemple, les personnes transgenres pourraient ne pas s’y reconnaître. Ce qu’elles revendiquent, c’est la « case opposée » (femme ou homme) et non un statut de sexe intermédiaire ou indéfini (leur sexe biologique est bien défini). En France, la « loi de modernisation de la justice du XXIe siècle » de 2016 [8] leur ouvre cette possibilité : « Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification. » Toutefois, il importe de souligner que, d’une certaine manière, on fait mentir l’état civil en lui faisant enregistrer une identité de genre comme un sexe, alors que ce n’est pas du tout la même chose.

Certains proposent la suppression pure et simple de toute mention de sexe à l’état civil. Là aussi, ce ne serait pas sans poser de problème. Comme le faisait remarquer la Cour de cassation citée plus haut, de nombreuses dispositions légales ou réglementaires s’appuient sur la distinction entre sexes. Il conviendrait alors de les modifier. Historiquement, la mention du sexe dans l’état civil répondait à différentes motivations. En particulier, certaines lois ne s’appliquaient qu’aux hommes ou qu’aux femmes. Citons par exemple le service militaire (qui s’appliquait uniquement aux hommes avant sa suppression en 1997), le droit de vote (réservé aux hommes jusqu’en 1944). Et c’est encore le cas aujourd’hui pour certaines d’entre elles comme les congés maternité. Dans ce dernier cas, la simple reformulation de la loi en indiquant « les personnes enceintes » règlerait le problème. Mais chacune des lois devrait être réexaminée au cas par cas pour voir si une reformulation est possible sans que nulle part n’apparaisse la mention « homme » ou « femme ». Ajoutons qu’une autre fonction du sexe légal était d’empêcher les mariages entre personnes de même sexe, ce qui n’est plus un problème depuis le vote du mariage pour tous en 2013.

On pourrait également envisager que deux mentions distinctes soient portées à l’état civil (sous une forme à déterminer) : le sexe (à la naissance) et l’identité de genre (par la suite), puisque les deux concepts sont distincts. Ce serait plus logique que de faire un amalgame entre les deux.

Les documents d’identité

Le Mariage, Gari Melchers (1860-1932)

Le sexe enregistré à l’état civil est également reporté sur les documents d’identité. Mais pour identifier une personne, cette mention n’a pas vraiment d’utilité : aucun policier ne va demander à un individu de se déshabiller pour vérifier. La photo d’identité est beaucoup plus pertinente. De plus, avec les passeports biométriques, les techniques d’identification se sont beaucoup perfectionnées.

Une solution pourrait être de dissocier les informations présentes dans l’état civil de celles inscrites sur une pièce d’identité. Avec le développement des documents numériques, on pourrait imaginer un système qui enregistre toutes les informations mais ne rend disponibles que celles pertinentes en fonction de l’interlocuteur (policier, médecin, administration, etc.) [9, 10]. L’avantage (en supposant les problèmes de sécurité informatique et de protection des données personnelles résolus) serait de ne révéler que l’identité de genre dans la plupart des contextes sociaux, et le sexe uniquement lorsque c’est pertinent.

En conclusion, plutôt que de « faire mentir l’état civil », ne vaudrait-il pas mieux ajouter des informations et ne les rendre visibles que dans les contextes précis et aux personnes pour qui elles sont utiles et légitimes ?

Distinguer sexe et genre

Il existe une tendance courante à remplacer le mot sexe par celui de genre, voire à rendre interchangeables les deux termes en estimant que « la barrière entre les deux concepts ne tient plus » face à « la démonstration du caractère profondément social de ce sexe présumé naturel » (préface de l’ouvrage Le Genre des sciences [11, 12]). Les deux concepts sont différents, mais lequel régit la vie en société ?

La plupart de nos interactions sociales sont fondées sur l’apparence des gens, donc a priori sur l’expression de genre, et non sur le sexe. Les plombiers qui viennent chez nous ou les boulangers qui nous servent ont une apparence plus ou moins masculine, plus ou moins féminine. C’est sur cela que l’on se base pour interagir avec eux, le sexe réel restant difficile à vérifier. Mais la question est plus complexe.

Certes, l’expression de genre est ce qui est en général perceptible. Mais nous pouvons faire l’hypothèse qu’en réalité, ce qui nous intéresse, c’est de connaître le sexe des autres. L’expression de genre n’est qu’un indice pour déterminer le sexe. En effet, si l’on adopte un point de vue évolutionnaire, pour les organismes sexués que nous sommes, il est important d’identifier immédiatement qui sont les mâles et qui sont les femelles 1. Il est nécessaire de savoir qui sont les partenaires sexuels potentiels, qui sont les compétiteurs sexuels potentiels, et également quels sont les agresseurs sexuels potentiels (pour les femmes essentiellement). D’un seul coup d’œil, dans une assemblée, nous cherchons à catégoriser les participants en hommes ou en femmes ou, plus précisément, en mâles ou en femelles. Le fait que notre cerveau soit capable de le faire est un caractère adaptatif qui contribue d’une certaine manière à augmenter notre descendance. Dit autrement, nos ancêtres qui avaient cette capacité à très rapidement catégoriser les mâles et les femelles autour d’eux auront peut-être laissé derrière eux plus de descendants – que nous sommes – que ceux qui n’avaient pas cette capacité.

Pour illustrer ceci sous un autre angle, imaginons que, dans un transport en commun, nous soyons assis en face d’une personne qui a une expression de genre ambiguë. Il est probable que l’on cherchera à l’examiner de façon plus précise pour pouvoir déterminer son sexe. Cela témoigne du fait que le sexe des personnes nous importe, au-delà de leur expression de genre.

Enfin, mentionnons un autre domaine où la distinction entre sexe et genre compte : celui des statistiques publiques. Dans un certain nombre de cas, les résultats ne seront pas les mêmes selon qu’on les comptabilise selon le sexe ou sous l’identité de genre. Par exemple, si l’on s’intéresse aux violences faites aux femmes, si l’on confond femmes trans et femmes cis, sous prétexte que ce seraient « toutes des femmes », il serait impossible d’établir que les premières sont davantage victimes que les secondes [13].

Homme ou femme dans la société

Les mots « homme » et « femme » sont polysémiques, et peuvent renvoyer soit au sexe biologique (rôle reproductif), soit à l’expression de genre, soit à l’identité de genre. Mais tout le monde n’est pas d’accord sur le sens qui devrait prévaloir, et il y a débat en particulier sur l’usage du mot femme, que les femmes transgenres revendiquent de pouvoir utiliser pour désigner leur identité de genre, plutôt que le sexe biologique. Autrement dit : serait une femme toute personne qui s’identifie à une femme (définition qui n’est pas sans poser un problème de circularité). Et bien sûr, ce nouvel usage linguistique devrait s’imposer à tous, afin que les personnes transgenres se sentent incluses dans la société sous leur identité de genre préférée.

Cette demande semble aisée à satisfaire. Appeler « Madame » et utiliser le genre féminin pour désigner une femme transgenre, quelles que soient ses caractéristiques sexuées, est une habitude facile à adopter. Si cela permet aux personnes transgenres de se sentir mieux acceptées dans la société, pourquoi leur refuser cette forme de politesse élémentaire ?

Mais la demande ne se limite pas à élargir le sens des mots homme et femme pour prendre en compte l’identité de genre : il s’agit aussi de le restreindre à l’identité de genre, à l’exclusion des autres caractéristiques associées au sexe. En effet, l’utilisation des mots homme ou femme pour désigner des spécificités biologiques liées au sexe est perçue comme une exclusion par certaines personnes transgenres (qui ne les possèdent pas). D’où la tentative d’imposer des expressions comme « personnes qui menstruent » ou « personnes qui ont un vagin » en lieu et place de femme (voir par exemple [14]), dans les contextes où ce sont les caractéristiques visées (par exemple, lorsqu’il s’agit de protections périodiques).

Shakta Ardhanarishvara, anonyme du Pendjab occidental (début XVIIIes.)
Dans l’hindouisme, l’un des avatars du dieu Shiva prend le nom Ardhanarishvara lorsque son entité est mêlée à celle de sa compagne Parvati : cette nouvelle divinité devient dès lors mi-homme mi-femme. De manière similaire, selon une autre tradition hindouiste, c’est la déesse Shakta qui devient mi-femme mi-homme.

Beaucoup de femmes et certains mouvements féministes trouvent la pilule difficile à avaler : accepter de reconnaître le genre ressenti par les personnes transgenres pose peu de problèmes. Se faire exproprier du mot femme, au nom duquel tant de luttes ont été menées et tant de droits restent à conquérir, reste plus difficile à admettre. Ce n’est pas une question de tolérance envers des personnes mais un conflit d’usage sur un mot. Quelle que soit la manière dont on le tranche, cela ne satisfera pas tout le monde.

Ce débat sur la définition du mot femme se trouve exacerbé par le fait que les différentes parties le voient comme l’élément décisif d’autres conflits qui opposent les femmes cis et transgenres : la question de savoir qui a accès aux espaces réservés aux femmes (toilettes, vestiaires, prisons, compétitions sportives féminines). Mais l’usage des mots et l’usage des espaces sont des problèmes distincts (voir ci-dessous), et vouloir lier les deux est une erreur qui risque de compromettre la recherche de solutions optimales.

La transition de genre

Pour les personnes qui souffrent de dysphorie de genre, la transition de genre désigne les processus visant à modifier l’expression de genre (la manière d’apparaître et de se comporter) pour correspondre avec l’identité de genre (le sentiment d’être plus ou moins homme ou d’être plus ou moins femme). Ces processus peuvent être d’ordre social, administratif ou médical.

Portrait d’une jeune fille, Petrus Christus (1410-1475)

Nous n’aborderons ici qu’un cas particulier et controversé : celui de la transition précoce d’adolescents dans ses dimensions médicales. Entre rendre l’accès possible sans aucune restriction aux moyens médicaux et l’interdire complètement pour les mineurs, on retrouve tout un continuum de positions. Deux motivations s’expriment, chacune avec leur part de légitimité : le droit pour les personnes à pouvoir vivre comme elles le souhaitent et la volonté de la société de protéger les mineurs face à des traitements hormonaux ou chirurgicaux, dont certains sont irréversibles et qu’ils pourraient regretter par la suite.

La littérature scientifique est abondante et chaque partie en présence a souvent tendance à sélectionner les études qui viennent à l’appui de ses arguments.

Controverses autour de l’identification et de la prise en charge
Le service de santé britannique (NHS) a commandité à l’automne 2020 un rapport à un comité présidé par la pédiatre Hilary Cass afin que lui soient proposées des recommandations pour la prise en charge des jeunes souffrant de dysphorie de genre. Cette demande s’est faite dans un contexte de hausse significative de demandes de transition et « au moment où les prises en charge proposées sont passées d’un modèle psychosocial et psychothérapeutique à un modèle qui prescrit également des interventions médicales au moyen de traitements hormonaux » [15]. Elle intervenait également suite à une controverse autour de la Tavistock Clinic, le seul centre de soin du NHS agréé pour ces prises en charge, accusé de prescrire systématiquement des bloqueurs de puberté et des hormones masculinisantes ou féminisantes à des jeunes de moins de 16 ans peu susceptibles de donner un consentement éclairé [16]. L’évolution du sex ratio (de plus en plus de filles souhaitent transitionner, alors que le phénomène était majoritairement masculin) constatée dans le rapport et confirmée dans d’autres pays [17, 18, 19] signifie que la nature du phénomène est en train de changer et que la population en question n’est plus la même qu’il y a quinze ans. Ce qui veut aussi dire que les études scientifiques qui ont commencé dans les années 2000, par exemple aux Pays-Bas [20], et qui ont analysé le devenir des personnes qui ont fait une transition de genre, étaient basées sur l’ancienne population. Il est alors légitime de se demander si les conclusions sont toujours pertinentes.

Un autre constat est à souligner : dans cette nouvelle génération, un tiers des personnes qui consultent à la Tavistock Clinic ont un trouble du spectre de l’autisme ou un autre trouble neurodéveloppemental. Là non plus, ce n’était pas identifié avant.

Les auteurs du Cass Review [15] préconisent donc une prise en charge qui tienne compte de la variété et de la complexité des profils. Ils suggèrent que soient examinés la maturité du projet du jeune qui consulte, mais aussi d’éventuels traumatismes subis (abus sexuels par exemple), que leurs préférences et orientations sexuelles soient interrogées, que la présence de troubles du spectre de l’autisme ou d’autres troubles neurodéveloppementaux soit intégrée dans l’analyse, etc. En fonction de ces nombreux paramètres, les réponses à apporter peuvent être très diverses : la dysphorie de genre peut se résoudre sans nécessité de réaliser une transition, elle peut disparaître avec le temps ou avec une sexualité stabilisée, une transition sociale peut être recommandée (le prénom, l’usage des pronoms, l’habillement) et, enfin, une intervention médicamenteuse ou chirurgicale peut être envisagée.

Prendre en compte cette complexité de situations est primordial. Ainsi, par exemple, à un certain âge, des jeunes peuvent découvrir leur orientation homosexuelle. Certains peuvent mal l’accepter et attribuer cette situation au fait qu’ils seraient « de l’autre sexe ». Ils peuvent alors penser que la transition vers le genre opposé leur permettrait de redevenir hétérosexuels.

Femme en pleurs, Edvard Munch (1863-1944)

Il faut aussi considérer que le mal-être de ces enfants peut avoir une origine autre que la transidentité. Des troubles neurodéveloppementaux peuvent engendrer des difficultés sociales ou comportementales et sont porteurs de nombreux questionnements sur l’identité en général. Ces enfants sont également souvent influençables et peuvent être amenés à voir la transidentité comme la solution à tous leurs problèmes. Si les troubles sont faussement interprétés comme étant dus à une dysphorie de genre, une transition ne règlera pas le problème. Enfin, évidemment, il y a les cas de transidentité véritable, pour qui une forme de transition est souvent la solution la plus pérenne.

Le devenir à long terme
Le psychiatre John Brancoft résume parfaitement la situation : « Si l’on était capable de prédire qu’un jeune de 12 ans ayant une identité transgenre allait persister en tant que transgenre, il y aurait des avantages à procéder très tôt à une réassignation avec la perspective d’une personnalité et d’un état émotionnel plus stables à l’âge adulte. Mais on ne peut pas en être sûr, et l’adolescence est une période de nombreux changements » [21].

À long terme, tous les cas se rencontrent [22, 23, 24, 25]. Parmi ceux qui ont fait la transition, certains vont regretter et se retrouver dans un corps du genre opposé qui ne leur convient plus, suite à des interventions hormonales ou chirurgicales irréversibles. Ils vivent des situations absolument dramatiques. D’autres, à l’inverse, seront satisfaits.

Parmi ceux qui n’ont pas entrepris de transition, là aussi, certains seront satisfaits car leur sentiment de dysphorie de genre était passager et s’est résolu autrement, quand d’autres regretteront de ne pas l’avoir entreprise plus tôt, d’autant plus qu’avec l’adolescence, un certain nombre de transformations du corps s’opèrent et vont l’éloigner du genre désiré.

On n’a pas, à ce jour, suffisamment de recul scientifique et de données pour comprendre le devenir de cette nouvelle génération de jeunes qui se questionnent sur leur genre, en fonction des suivis qu’on leur propose [26, 27, 28].

La situation en France


« Les soins de transition peuvent, contrairement à ce qu’on observe dans d’autres pays, être pris en charge par la Sécurité sociale, pour certains à 100 % en cas d’accès à l’ALD (affection de longue durée). Le nombre de bénéficiaires de l’ALD au titre d’un diagnostic de transidentité ou dysphorie de genre a fortement augmenté depuis dix ans, tout en restant relativement modeste : 9 000 personnes sont concernées en 2020 dont 3 300 admises dans l’année (soit dix fois plus d’admissions qu’en 2013 selon la Caisse nationale d’assurance maladie). 70 % des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans. En 2019, le nombre de demandes et d’avis favorables d’ALD concernant des hommes trans (FtM) a rejoint celui des femmes trans (MtF) 2. »

Source  : Picard H, Jutant S, « Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », ministère de la Santé et de la Prévention, 11 mars 2022. Sur sante.gouv.fr

Conflit d’usage sur les espaces

Certains espaces sont différentiés selon le sexe. Ce sont typiquement, aujourd’hui, les toilettes, les vestiaires, mais aussi les prisons. La possibilité que le critère d’identité de genre supplante celui de sexe suscite de nombreuses réactions. Une des plus médiatisées a été celles de J. K. Rowling, l’auteure de la série de romans Harry Potter : « Je souhaite donc que les femmes transgenres soient en sécurité. Dans le même temps, je ne souhaite pas que les filles et les femmes soient moins en sécurité. Lorsque vous ouvrez les portes des sanitaires et des vestiaires à tout homme croyant ou ayant le sentiment d’être une femme – sachant, comme je le note, que les certificats d’identité de genre sont désormais accordés sans qu’il soit nécessaire de recourir à la chirurgie ou aux hormones [en France, on parle de « modification de la mention du sexe à l’état civil », NdT] – alors vous ouvrez la porte à tous les hommes qui souhaitent entrer. C’est l’évidence même » [29].

Évidemment, cela pose des problèmes à beaucoup de femmes qui pourraient voir là une question de sécurité. Notons que cet argument vaut aussi pour les femmes trans, souvent victimes d’agressions (sexuelles ou non) de la part des hommes. Elles pourraient donc se sentir en danger dans les toilettes ou les vestiaires des hommes et pourraient avoir intérêt à aller dans celles des femmes. Les femmes cis, de leur côté, pourraient se sentir en danger avec des gens qui rentrent dans les toilettes ou les vestiaires des femmes et qui ont un pénis. Là non plus, il n’y a pas de solution qui satisfasse tout le monde, que ce soit une ségrégation selon le sexe, l’identité de genre, la création d’un troisième type d’espace ou encore la suppression de toute ségrégation. Sans compter le fait que certaines solutions peuvent être complexes à mettre en œuvre (coût, contrôle d’accès, etc.).

Comprendre le cas Semenya


Dans leur couverture du feuilleton qui oppose l’athlète Caster Semenya à diverses instances sportives et juridiques, les médias francophones ont visiblement du mal à fournir des informations complètes et fiables permettant de se faire un avis éclairé sur le sujet, décrivant la sportive comme une femme « présentant un excès naturel d’hormones sexuelles mâles » (par exemple [1]). Voici quelques éléments pour y voir plus clair.

C. Semenya est une personne intersexe. Plus spécifiquement, elle a des chromosomes sexuels XY et un gène SRY fonctionnel (gène qui déclenche la masculinisation de l’embryon). Elle est porteuse d’une anomalie rare du développement sexuel (due à une mutation du gène de la 5-alpha-réductase de type 2 [2]). Du fait de cette mutation, elle a des testicules internalisés et pas d’ovaires. Ses organes génitaux externes sont d’apparence féminine (ou intermédiaire, mais plus féminine que masculine, d’après les descriptions de cas similaires [3]). Du fait qu’elle possède des testicules fonctionnels, elle a des taux de testostérone circulante (mesurée dans le sang) au niveau normal pour un homme, et dix à quinze fois supérieurs à ceux normaux pour les femmes. Enfin, elle a été reconnue comme une fille à la naissance, et s’identifie comme femme. Son identité de genre est donc féminine.

Comment sait-on tout cela ? Par les tests génétiques et médicaux que C. Semenya a subis, et dont les résultats ont été partiellement révélés dans un rapport du Tribunal arbitral du sport en 2018 [4]. À noter, ces faits ne sont pas contestés par l’intéressée, qui y fait elle-même référence pour sa défense [4].

Beaucoup de discussions se focalisent sur les taux de testostérone mesurés dans le sang parce que c’est ce qu’il est facile de mesurer, et c’est ce sur quoi certaines instances sportives ont fixé des règles. Il y a de bonnes raisons de penser que ces taux de testostérone circulante ont un effet sur la musculature et sur les performances physiques [5, 6]. C’est d’ailleurs la substance dopante la plus connue (utilisée abondamment par les anciennes athlètes est-allemandes). Les traitements qui sont imposés par le Comité international olympique et certaines fédérations sportives aux femmes hyperandrogéniques pour faire baisser leur taux de testostérone diminuent leurs performances (ce qui peut expliquer qu’elles n’en veulent pas).

Mais le principal avantage de C. Semenya ne découle pas tant de son taux de testostérone actuel que de l’impact que la testostérone a eu sur son corps pendant son adolescence : impact sur la taille et les proportions de son squelette, sur sa densité osseuse, et probablement aussi des effets durables sur la musculature [5].

Est-il juste ou injuste de laisser C. Semenya concourir dans les compétitions féminines ? Cette question n’est pas d’ordre scientifique. C. Semenya trouve injuste d’être empêchée de concourir avec les femmes, alors qu’elle se considère comme une femme. On peut la comprendre.

Beaucoup de ses concurrentes trouvent injuste et inéquitable d’être obligées de concourir contre une personne qui a des testicules, sécrète de la testostérone à des taux plus de dix fois supérieurs à ceux des femmes ne possédant pas de testicules, et en tire clairement avantage physiquement et sportivement. On peut les comprendre aussi.

Les deux positions s’entendent, et elles sont mutuellement incompatibles. Il y a nécessité de trancher, et il y a différentes manières de le faire selon l’idée qu’on se fait du rôle des différentes catégories de compétitions sportives (sexe, âge, poids), de la nécessité de ces catégories pour préserver une certaine équité, et de la notion même d’équité dans le sport. À chacun de se faire un avis. Mais pour se faire un avis éclairé, il est important de connaître l’ensemble des faits pertinents sur C. Semenya concernant notamment ses chromosomes sexuels, ses gonades, et son taux de testostérone. L’expression d’une « femme ayant un excès naturel d’hormones sexuelles mâles » est un raccourci excessif qui ne permet pas de comprendre la situation.

Références
1 | « Athlétisme : Caster Semenya, athlète hyperandrogène, devant la Cour européenne des droits de l’Homme pour changer les codes », La Dépêche, 10 juillet 2023. Sur ladepeche.fr
2 | Nordenskjöld A, « Différence du développement sexuel 46,XY par déficit en 5-alpha-réductase de type 2 », Orphanet, juillet 2020.
3 | Fénichel P et al., “Molecular diagnosis of 5-reductase deficiency in 4 elite young female athletes through hormonal screening for hyperandrogenism”, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 2013, 98 :e1055-9.
4 | Tribunal arbitral du sport, “Arbitral award : CAS2018/O/5794 & 5798”, 30 avril 2019. Sur tas-cas.org
5 | Handelsman DJ et al., “Circulating testosterone as the hormonal basis of sex differences in athletic performance”, Endocrine Reviews, 2018, 39 :803-29.
6 | Hilton EN, Lundberg TR, “Transgender women in the female category of sport : perspectives on testosterone suppression and performance advantage”, Sports Med, 2021, 51 :199-214.

Les compétitions sportives

Deux exemples réels fortement médiatisés illustrent une partie du problème. Caster Semenya est une athlète sud-africaine deux fois championne olympique du 800 mètres (2012 et 2016) et triple championne du monde sur cette distance. En tant que personne intersexe, elle tombe entre les catégories traditionnelles des compétitions sportives. Elle n’est ni homme ni femme, s’identifie comme une femme et il y a des raisons de l’identifier comme telle. Mais en même temps, elle a des caractéristiques masculines qui lui procurent un avantage certain sur ses compétitrices qui se sentent logiquement flouées (voir encadré ci-dessus).

Le Sport, Guillermo Laborde (1886-1940)

Lia Thomas est un cas différent. Femme transgenre (née homme), elle a commencé sa transition hormonale en 2019 alors qu’elle avait vingt ans. Avant cette transition, elle avait déjà un très bon niveau universitaire en natation. Après la transition, en se conformant à toutes les réglementations en vigueur, elle est autorisée à concourir en tant que femme. Et elle gagne beaucoup plus de compétitions maintenant qu’elle concourt en tant que femme que quand elle était dans la catégorie homme. Là aussi, ses compétitrices estiment que l’équité n’est pas respectée.

Ces deux exemples illustrent à leur manière la difficulté à définir un « bon » règlement pour les compétitions sportives.

Faut-il réserver les compétitions féminines aux personnes de sexe femelle ? Ce serait satisfaisant pour 99 % des femmes, mais pas pour les 1 % de personnes intersexes, ni pour les femmes transgenres. Au-delà, la difficulté sera de définir des critères précis. Le taux de testostérone est parfois retenu, mais ce n’est pas réellement satisfaisant : ce taux peut varier chez un individu, et il est loin d’être le seul déterminant physique de la performance.

Faut-il ouvrir les compétitions féminines à toutes les personnes qui s’identifient au genre féminin ? La question de l’équité se poserait alors et les compétitions féminines risqueraient d’être gagnées par un nombre croissant de femmes transgenres qui disposent de qualités physiques héritées de leur sexe masculin (sans parler des hommes qui, par opportunisme, sans être transgenres, pourraient envahir les compétitions féminines).

Qu’est-ce que la transphobie ?


Le terme « transphobie » est souvent utilisé dans les controverses animées. Le dictionnaire Le Robert donne la définition suivante [1] : « attitude d’hostilité, de discrimination envers les personnes transsexuelles ou transgenres ». Mais le mot est également utilisé dans un sens plus faible ou légèrement différent, par exemple pour désigner le fait d’être en désaccord avec certaines revendications des personnes transgenres ou le simple fait de débattre des revendications des personnes transgenres. Pour certains, une attitude transphobe serait même caractérisée par des déclarations mal informées sur la transidentité, l’ignorance ou l’usage maladroit du genre de la personne, ou encore un usage jugé maladroit ou mal informé des mots sexe, genre, etc.

Là aussi, c’est un mot qui engendre beaucoup de polémiques parce que certaines personnes l’utilisent dans un sens « faible » à l’encontre d’autres personnes qui ne se sentent pas du tout transphobes parce qu’elles estiment ne pas avoir d’attitude hostile visà-vis des personnes transgenres. Une partie de ces disputes seraient probablement évitables en précisant le sens des mots.

Référence
1 | Dictionnaire Le Robert en ligne.

Faut-il alors conditionner l’ouverture à un traitement hormonal féminisant ? Au bout d’un certain temps, ce traitement abaisse le taux de testostérone et la masse musculaire décroît. Le problème est que la testostérone, et de manière générale les hormones sexuelles, ne sont pas le seul avantage qu’ont les hommes sur les femmes en matière sportive. D’autres avantages vont perdurer, osseux ou musculaires par exemple [30, 31].

Comme pour les espaces différentiés, on peut envisager la création d’une troisième catégorie de compétition qui serait réservée aux personnes trans ou intersexes qui ne sont pas autorisées à concourir avec les femmes ni avec les hommes. Si une telle catégorie était créée, elle ne concernerait qu’un nombre très limité de personnes et serait sans doute peu concurrentielle et donc peu intéressante. En outre, elle pourrait être perçue comme stigmatisante par les personnes concernées.

Une autre manière de voir les choses pourrait consister à dire qu’une compétition sportive, en fin de compte, est destinée à récompenser les meilleures capacités physiques et les meilleurs entraînements. Le patrimoine génétique intervient pour tous les sportifs, alors, pourquoi faire un cas particulier en ce qui concerne le sexe ? Il suffit donc de ne créer qu’une seule catégorie pour tout le monde. De manière évidente, les femmes disparaîtraient des palmarès de la plupart des sports. Dans le but de restaurer une forme d’équité, on pourrait également envisager de catégoriser en fonction de caractéristiques physiques pertinentes (âge, poids, etc.). C’est d’ailleurs ce qui est fait dans les sports de combat (malgré tout, les hommes et les femmes y restent séparés, car égaliser les poids ne suffit pas à égaliser les performances).

Là non plus, aucune décision ne pourra satisfaire tout le monde, quelle que soit l’option choisie.

Conclusion

Les questions soulevées par le sexe et le genre sont d’importants débats de société que cet article n’a qu’effleurés. Il ne prétend pas indiquer ce que devraient être les bonnes décisions, mais suggère que le spectre de solutions possibles est souvent bien plus large que ce qui est habituellement discuté. Un thème récurrent de cette analyse est de constater que dans un certain nombre de cas, les intérêts de différents groupes sont en conflit, et qu’aucune solution ne pourra pleinement satisfaire tout le monde.

Par conséquent, il est nécessaire de rechercher des compromis raisonnables qui maximisent la satisfaction et minimisent les insatisfactions.

Ces débats de société doivent avoir lieu et explorer l’ensemble des solutions possibles afin de rechercher un optimum sociétal, en évitant le piège de la polarisation induite par l’opposition des groupes militants.

Références


1 | Thibault L et al., « Prise en charge de l’intersexuation en France », La revue du praticien, 18 décembre 2020.
2 | Catto MX, « La loi de bioéthique et les intersexes : contraindre les médecins ou conférer un cadre à leurs pratiques ? », Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 2022, 206 :412-7.
3 | Association française par et pour les personnes intersexes, « Lancement de la campagne pour l’arrêt des mutilations intersexes », Collectif intersexe activiste OII France (consulté le 27 novembre 2023).
4 | Légifrance, « Arrêté du 15 novembre 2022 fixant les règles de bonnes pratiques de prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital en application de l’article L. 2131-6 du code de la santé publique », 17 novembre 2022.
5 | Code civil, article 57, 4 août 2021. Sur legifrance.gouv.fr
6 | Cour de cassation, « Sexe neutre et état civil », communiqué de presse, 4 mai 2017. Sur courdecassation.fr
7 | Berlaud C, « CEDH : toujours pas de reconnaissance du “sexe neutre” pour l’état civil », Lextenso, 2 février 2023. Sur actu-juridique.fr
8 | Légifrance, « Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (1) », 19 novembre 2016.
9 | “UK digital identity and attributes trust framework alpha v1 (0.1)”, Gouvernement du Royaume-Uni, 11 janvier 2023.Sur gov.uk
10 | “A radically simpler system than gender self-ID”, Sexmatters, 21 février 2022. Sur sex-matters.org
11 | Le Genre des sciences : approches épistémologiques et pluridisciplinaires, Le Bord de l’eau, juillet 2022.
12 | Krivine JP, Theisseire F, « Intrusions idéologiques en science : à propos de l’ouvrage Le Genre des sciences », SPS n° 344, avril 2023. Sur afis.org
13 | European Union Agency for Fundamental Rights, “A long way to go for LGBTI equality”, 14 mai 2020. Sur fra.europa.eu
14 | Bell J, « Parler des règles au-delà du genre : le langage que nous utilisons est important », Encyclopédie Clue, 27 avril 2017. Sur helloclue.com
15 | “Independent review of gender identity services for children and young people : terms of reference”, The Cass Review (consulté le 27 novembre 2023). Sur cass.independent-review.uk
16 | Barnes H, Cohen D, “Tavistock puberty blocker study published after nine years”, BBC News, 11 December 2020.
17 | de Graaf NM et al., “Sex ratio in children and adolescents referred to the gender identity development service in the UK (2009–2016)”, Archives of Sexual Behavior, 2018, 47 :1301-4.
18 | Steensma TD et al., “Evidence for a change in the sex ratio of children referred for gender dysphoria : data from the Center of Expertise on Gender Dysphoria in Amsterdam (1988–2016)”, Journal of Sex & Marital Therapy, 2018, 44 :713-5.
19 | Aitken M et al., “Evidence for an altered sex ratio in clinic referred adolescents with gender dysphoria”, The journal of sexual medicine, 2015, 12 :756-63.
20 | De Vries AL et al., “Puberty suppression in adolescents with gender identity disorder : a prospective follow up study”, The Journal of Sexual Medicine, 2011, 8 :2276-83.
21 | Brancoft JH, Human sexuality and its problems, Elsevier, 2009.
22 | De Vries AL et al., “Young adult psychological outcome after puberty suppression and gender reassignment”, Pediatrics, 2014, 134 :696-704.
23 | Cohen A et al., “Shifts in gender-related medical requests by transgender and gender-diverse adolescents”, Journal of Adolescent Health, 2023, 72 :428-36.
24 | Dhejne C et al., “Long-term follow-up of transsexual persons undergoing sex reassignment surgery : cohort study in Sweden”, PLOS One, 2011, 6 :e16885.
25 | Roberts CM et al., “Continuation of gender-affirming hormones among transgender adolescents and adults”, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 2022, 107 :e3937-43.
26 | Abbruzzese E et al., “The myth of ‘reliable research’ in pediatric gender medicine : a critical evaluation of the dutch studies and research that has followed”, Journal of Sex & Marital Therapy, 2023, 49 :673-99.
27 | Biggs M, “The dutch protocol for juvenile transsexuals : origins and evidence”, Journal of Sex & Marital Therapy, 2023, 49 :348-68.
28 | Ludvigsson JF et al., “A systematic review of hormone treatment for children with gender dysphoria and recommendations for research”, Acta Paediatr, 2023, 112 :2279-92.
29 | Rowling JK, « Les raisons de ma prise de position au sujet du genre et du sexe », site Tradfem, 19 avril 2021. Sur tradfem.wordpress.com
30 | Hilton EN, Lundberg TR, “Transgender women in the female category of sport : perspectives on testosterone suppression and performance advantage”, Sports Med, 2021, 51 :199-214.
31 | Harper JO et al., “How does hormone transition in transgender women change body composition, muscle strength and haemoglobin ? Systematic review with a focus on the implications for sport participation”, British Journal of Sports Medicine, 2021, 55 :865-72.

1 Bien entendu, ce n’est pas la seule information importante pour interagir avec les autres.

2 Female to Male (FtM) désigne une femme qui devient homme ; Male to Female (MtF), un homme qui devient femme.

Publié dans le n° 347 de la revue


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L' auteur

Franck Ramus

Directeur de recherche au CNRS et professeur attaché à l’École normale supérieure. Il dirige l’équipe « (…)

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