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Dérives polytechniciennes

Publié en ligne le 25 octobre 2008 - Pseudo-sciences -

Malgré leur formation réputée, bien des polytechniciens ont soutenu des points de vue pseudoscientifiques. On observe ainsi que le niveau de la sélection et de l’enseignement, surtout quand celui-ci est coupé de la recherche en train de se faire, ne protège pas des croyances au paranormal ou aux approches irrationnelles.

Un Nobel qui s’égare

Maurice Allais (X1931) 1, prix Nobel d’économie, a également tenté d’entreprendre des travaux de physique. En se basant sur diverses expériences, menées par lui ou extraites de la littérature, il a prétendu remettre en cause la théorie de la relativité et même la mécanique newtonienne 2. Malheureusement ces expériences sont pleines de biais et n’ont jamais été reproduites ; leurs résultats contredisent un ensemble scientifique solidement étayé, notamment par des mesures précises et parfaitement compatibles avec lesdites théories 3. Cela n’a pas empêché le Président de la République, sans doute mal conseillé, d’évoquer (en 2005), lors d’une remise de décoration à l’intéressé, ses travaux en physique, et de laisser entendre qu’il aurait été nobélisable dans cette discipline 4 aussi. Un petit groupe de polytechniciens, dont Bouyssonnie (X1939), apportait à Maurice Allais un soutien actif, y compris dans la revue des anciens élèves, sans s’émouvoir du rejet complet par tous les scientifiques qui se sont penchés sur ses prétentions 5.

Un créationniste

Guy Berthault (X1945) est l’auteur de diverses publications remettant cause la géologie telle qu’on la comprend de nos jours, en se plaçant dans une optique créationniste 6, et même dans une lecture fondamentaliste de la Bible. Il est critiqué dans un site ami 7. On ne s’étonnera pas de retrouver, dans cette mouvance, une référence à Maurice Allais 8.

Chez les thomistes

Yves Nourrissat (X1961), dans un site qui se dit « thomiste » 9, attaque lui aussi la Relativité, en se référant à Maurice Allais, mais ne s’en tient pas là : il réfute aussi l’existence des atomes en affirmant : « l’atomisme moderne va de pair avec un athéisme au moins épistémologique » et se réjouit des « célèbres » expériences de Benveniste sur la mémoire de l’eau, effectivement incompatibles avec la réalité des atomes ! Au surplus, il défend, dans le même site, le géocentrisme, qui a certes l’avantage d’« expliquer » l’échec apparent de l’expérience de Michelson qui essayait de montrer le mouvement de la Terre.

Un parapsychologue

Jean-Philippe Basuyaux (X1989) est un fervent défenseur de la parapsychologie. Il ne manque jamais de mettre en avant son titre de polytechnicien pour rendre plus crédibles les calculs statistiques douteux dont certains parapsychologues sont friands 10.

Encore l’Atlantide

Retrouver le site de l’Atlantide est un des rêves de ceux qui veulent
réfléchir en circuit fermé à des hypothèses pseudohistoriques aussi séduisantes qu’invérifiables. Jean Deruelle (X1934) a publié un livre où il s’efforce de prouver que l’Atlantide correspond à la civilisation des mégalithes 11. De nombreux sites 12 s’enthousiasment pour cette idée, parmi bien d’autres destinés à faire plaisir à bon compte aux amateurs de mystères.

Un étrange philosophe

Georges Soulès (X1927) dit Raymond Abellio 13 s’est fait connaître, au cours d’une vie chaotique et peu conformiste, comme philosophe « gnostique ». Un tel engagement semble loin de la pseudoscience et n’a pas à être discuté ici. Mais quand, dans un colloque 14 consacré à sa mémoire, on trouve une communication intitulée : « Raymond Abellio et l’astrologie comme laboratoire d’une connaissance future », on peut s’inquiéter.

Il a du reste préfacé un livre d’Élisabeth Teissier 15 consacré, bien sûr, à l’astrologie ; celle-ci lui rend, dans sa « thèse de sociologie » un hommage appuyé. On lit ailleurs 16 : « Abellio pratiquait l’astrologie. Il en a déduit que le communisme était régi par un cycle de 36 ans : 1917 Révolution russe, 1953 mort de Staline, 1989 ? »

Les avions renifleurs

La célèbre affaire dite des « avions renifleurs » 17 était une escroquerie, datant des années 1970. Ses auteurs avaient réussi, par des démonstrations fraudées, à convaincre la société pétrolière nationale ELF de la possibilité d’une télédétection aérienne de gisements de pétrole. La méthode proposée ne reposait sur aucune base physique crédible, et déboucha sur un échec coûteux. Parmi les responsables qui avaient accepté cette proposition on trouve le Président de la République Valéry Giscard d’Estaing 18 (X1944) et le Président d’ELF Pierre Guillaumat (X1928).

Le PDG et la psychokinèse

Ambroise Roux (X1940) fut PDG de la puissante Compagnie générale d’électricité (CGE). Croyant à la réalité de certains phénomènes « psy », tels la psychokinèse, il créa au sein de son entreprise un laboratoire 19 destiné à en prouver la réalité. La nationalisation, en 1981, de la CGE mit fin à cette tentative.

Le métallurgiste et le tordeur de clés

Charles Crussard (X1935), métallurgiste et directeur scientifique à Péchiney, voulut tester le célèbre tordeur de clés, Uri Geller 20. Il réussit à se convaincre que son sujet tordait des objets que personne d’autre ne pouvait tordre, et que l’examen métallographique ultérieur révélait une « modification de la texture d’échantillons métalliques qui n ’aurait pu être obtenue par aucun des moyens dont disposent les métallurgistes ». Uri Geller était un habile prestidigitateur, et on peut comprendre qu’un scientifique habitué à l’étude de phénomènes naturels soit mal armé devant un sujet de ce genre.

Et les faux ?

On rencontre aussi des personnages qui s’attribuent (ou à qui on attribue) faussement un titre de polytechnicien pour donner plus de poids à leurs dérives pseudoscientifiques. . Maurice Le Gall 21 défend la radiesthésie. Le célèbre vulgarisateur Albert Ducrocq, qui aurait été convaincu par le tordeur de clés J.-P. Girard (émule d’Uri Geller), est donné comme polytechnicien 22. Aucun des deux ne figure dans l’annuaire des anciens élèves.

La famille de Maurice Le Gall nous informe que Maurice Le Gall était bien un ancien élève de l’École Polytechnique. Il fait partie d’une promotion très ancienne qui n’est plus accessible dans l’annuaire des anciens élèves, ce qui explique notre erreur.
Avec toutes nos excuses.
Le 27 avril 2014

1 Selon l’usage, le nom des polytechniciens cités est suivi de l’année de leur promotion, précédé de la lettre X, symbole de l’École.

18 Lequel a soutenu, par ailleurs, dans une émission de la chaîne « Histoire » du 15 septembre 2001, la réalité de l’influence des signes astrologiques sur le caractère des individus.