Accueil / Communiqués / Non, Madame Teissier, l’astrologie et la cancérologie ne font pas bon ménage !

Non, Madame Teissier, l’astrologie et la cancérologie ne font pas bon ménage !

Publié en ligne le 14 septembre 2007 - Astrologie -
Communiqué du 12 septembre 2007
Résumé  : L’astrologue française Elizabeth Teissier a prétendu, dans un entretien avec un quotidien de sa ville d’adoption (Genève), que « dans un thème astral, on peut voir si on a des prédispositions pour le cancer, et la nature du cancer en question ». Elle a ajouté que « l’astrologie n’a jamais tué personne, contrairement à la médecine ».

L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) s’indigne de la vacuité et de la dangerosité sociale des propos tenus par l’astrologue ; elle s’oppose à la demande réalisée par une association de « devins » d’une réglementation de leur profession en vue de la moraliser ; elle demande enfin le rétablissement de l’interdiction de l’exercice professionnel de la « divination » (astrologie, voyance, numérologie, etc.), interdiction qui figurait dans les articles R 34-7 et R 36-2 de l’ancien Code Pénal et qui a disparu avec l’entrée en vigueur du nouveau Code Pénal en 1994 ; une telle interdiction laisse intacte la liberté de pratiquer, dans les seules limites de l’ordre public et du préjudice causé à autrui, mais vise à éradiquer tout exercice professionnel, c’est-à-dire moyennant finance, de ces activités.

* * *

« Dans un thème astral, on peut voir si on a des prédispositions pour le cancer, et la nature du cancer en question. »

Non contente d’avoir tenu ces propos fin août à Zürich, Elizabeth Teissier, l’astrologue française de nationalité mais suisse de résidence, les a renouvelés début septembre à Genève dans un entretien accordé au quotidien Le Matin. Elle a même cru devoir ajouter, en réponse aux témoignages de stupéfaction des cancérologues devant sa première prestation, que « l’astrologie n’a jamais tué personne, contrairement à la médecine »

Ces propos laissent pantois. Au-delà de l’ineptie et de l’arrogance du discours, c’est la dangerosité du message que nous entendons relever. Les clients potentiels sont ainsi invités à interroger leur astrologue préféré sur l’existence éventuelle de prédispositions astrales à développer tel ou tel cancer qui les inquiète. La réponse de l’astrologue est alors susceptible d’éloigner un malade qui s’ignore de l’attention qu’il aurait fallu porter à tel ou tel symptôme, faisant courir le risque d’une détection (trop) tardive et d’un retard dans la mise en oeuvre des traitements d’un cancer qui, pour ne pas être inscrit dans le thème astral, aurait néanmoins commencé à se développer…

La question posée n’est pas celle du droit de dire des balivernes, la question soulevée est celle d’en faire un métier, de faire « métier de deviner et pronostiquer » (article R34-7 de l’ancien Code Pénal), voire même de frôler l’exercice illégal de la médecine (article L4161-1 du Code de la Santé Publique) lorsqu’on se vante qu’« en analysant le ciel natal de quelqu’un, on peut tirer des conclusions sur ses prédispositions pathologiques. »

De son côté, dans un communiqué de presse du 5 septembre 2007, Youcef Sissaoui, au nom de l’association dénommée « Institut National des Arts Divinatoires » (INAD) interpelle les pouvoirs publics : « Journellement, ce sont des milliers de clients potentiels qui consultent un voyant ou un astrologue dont un pourcentage non négligeable est victime d’une escroquerie, d’un abus de vulnérabilité ou d’un abus de confiance... Mais comment ces consommateurs de voyance peuvent-ils obtenir la garantie de ne pas être abusés ou escroqués ? ». Cette organisation professionnelle de praticiens des métiers de la divination a ainsi saisi le président de la République d’une demande de mise en place de réglementation de la profession de « devin ».

Nous ne savons pas si Elizabeth Teissier est adhérente de l’INAD ou doit se sentir visée par cette déclaration, elle qui se défend d’être une « Madame Irma » en mettant en avant « un bac+14 », la thèse de sociologie très controversée qu’elle a présentée sous la direction de Michel Maffesoli, ainsi que la confiance qui lui était accordée par François Mitterrand et le roi d’Espagne. Mais le fait de se poser la question, quelle qu’en soit la réponse que l’INAD y apporterait, met en lumière l’impasse dans laquelle se trouveraient les pouvoirs publics s’ils prêtaient une oreille favorable à la demande formulée.

La simple existence d’une organisation professionnelle de devins, qui communique sur son souci de protection des consommateurs contre des charlatans, escrocs et autres personnes peu recommandables qui encombreraient la profession, signe l’affirmation simultanée qu’il pourrait y avoir un quelconque fondement aux « arts divinatoires » (suivant la liste de l’institut : médiumnité, voyance avec ou sans support, astrologie, chiromancie, cartomancie, parapsychologie médiumnique, recherche radiesthésique, numérologie, marc de café, tâches d’encre…).

Certes, il n’est ni nécessaire ni suffisant d’être « malhonnête » pour prétendre posséder des dons de voyance ou de divination : il suffit d’être crédule. Effectivement, le praticien qui serait incrédule au regard de sa discipline serait moralement condamnable et nous imaginons bien que les croyants de la discipline en question trouvent particulièrement odieux que de tels praticiens cyniques salissent, en quelque sorte, l’image qu’ils entendent donner à leur profession ; beaucoup de praticiens d’autres disciplines pseudo-scientifiques, dont certaines remboursées par la sécurité sociale, dispensent conseils et prescriptions avec la meilleure bonne foi du monde. Il n’empêche que ces disciplines prospèrent sur la crédulité publique en même temps qu’elles l’entretiennent.

C’est bien ce que reconnaissait l’article R.34-7° de l’ancien code pénal qui punissait d’une contravention de troisième classe « les gens qui font métier de deviner et pronostiquer, ou d’expliquer les songes ». Cet article permettait ainsi de sanctionner tous ceux qui faisaient un usage professionnel des « arts divinatoires », sans priver pour autant le juge de l’utilisation éventuelle additionnelle du délit d’escroquerie lorsque ce délit était avéré. Fort malheureusement, cet article R.34-7° a été abrogé en 1994…

***


N’en déplaise à Madame Teissier qui réclame « qu’on laisse l’astrologie aux astrologues », n’en déplaise à Monsieur le président de l’INAD, l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS)

S’indigne des propos tenus par Elizabeth Teissier de sa résidence d’adoption en Suisse ;

Dénonce les prétentions de Madame Teissier de « tirer des conclusions sur ses prédispositions pathologiques » par l’analyse de ce qu’elle appelle « le ciel natal » d’un individu ;

Fait sienne la protestation légitime des professions médicales et de santé devant les propos tenus ;

Met en garde celles et ceux qui pourraient être tentés d’avoir recours à des thérapies prétendument alternatives à la médecine scientifique : les « médecines parallèles », et notamment en matière de cancer, ont en commun de ne pas avoir fait la preuve de leur efficacité ; certaines sont même dangereuses ;

Récuse les demandes de l’INAD d’une réglementation de l’activité tarifée des « devins » ;

Alerte les pouvoirs publics contre une banalisation qui serait d’autant plus dangereuse que l’escroc avéré peut, lui, être poursuivi devant les tribunaux, et que sa victime peut en être indemnisée…

Dénonce de la façon la plus claire l’inanité des croyances véhiculées par les astrologues et autres devins, et cela même s’ils les véhiculent de bonne foi ;

Appelle les médias à faire preuve de responsabilité en cessant de servir de caisses de résonance, même moyennant finance, aux promoteurs des pseudo-sciences et aux marchands d’illusions ;

Utilise et utilisera tous les moyens appropriés, en particulier ses médias (revue Science et pseudo-sciences, site afis.org etc.), pour informer et éclairer le public sur la vacuité voire la dangerosité des différentes pratiques divinatoires (astrologie, voyance, numérologie, etc.) ou thérapies pseudo-scientifiques ;

Invite les pouvoirs publics à rétablir l’interdiction de l’exercice professionnel de la « divination ».

Paris, le 12 septembre 2007

Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS)
14 rue de l’école polytechnique, 75005 Paris
Michel Naud (président)


Références

Entretien d’Elizabeth Teissier recueilli par Fabiano Citroni
http://www.lematin.ch/pages/home/actu/suisse/actu_suisse__1 ?contenu=293664 (indisponible—10 mars 2020)
Communiqué de presse de Youcef Sissaoui pour l’INAD (disponible sur archive.org—10 mars 2020)
Analyse de la thèse de Madame Élizabeth Teissier
Le recours aux « médecines parallèles » dans le traitement du cancer (disponible sur archive.org—10 mars 2020)
Définition de « divination » : Art de deviner, de découvrir ce qui est ignoré ou caché en sortant des voies ordinaires de la connaissance par le recours à des procédés occultes, à des pratiques magiques ; en particulier, art de prédire les événements futurs.
Définition de « inanité » : Caractère de ce qui est vide, sans réalité, sans intérêt.
Définition de « vacuité » : Absence de contenu, de consistance.