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Sciences et Avenir : revue scientifique ou guide des médecines douces ? (suite)

Publié en ligne le 6 août 2007 - Médecines alternatives -
Version étendue par rapport au texte publié dans Science et pseudo-sciences n°277 (mai 2007).

Nous analysions dans notre précédent numéro le dossier de Sciences et Avenir du mois de février 2007 vantant « la réussite des médecines alternatives ». À l’appui de ses propos, le magazine annonçait « en exclusivité » la liste des hôpitaux qui proposeraient des spécialités « que la médecine officielle refusait jusque là ». Nous nous interrogions sur la manière dont cette liste avait été dressée. Quelles sources avaient été utilisées ? Sciences et Avenir mentionnait juste que « les établissements […] ont précisé par téléphone les spécialités qu’ils accueillaient dans leurs services ». Qui dans les établissements a répondu au téléphone ? Le directeur ? Le responsable du service ? Le médecin pratiquant ?

Science et pseudo-sciences
a adressé un courrier à chacun des hôpitaux mentionnés pour leur demander la réalité des affirmations de Sciences et Avenir, et pour celles qu’ils confirmeraient, de préciser pour quelles indications ces « spécialités » sont proposées et sur quelle base scientifique elles sont mises en œuvre.

Sept établissements nous ont répondu. Le texte complet de chacune des réponses est reproduit ci-dessous. Si l’utilisation de l’hypnose ou de l’acupuncture est confirmée dans le cadre de certaines consultations (douleur, sevrage tabagique), ce qui ne constitue pas un « scoop » ni une surprise, voici quelques réponses qui jettent un nouveau doute sur le sérieux de l’étude de Sciences et Avenir.

L’hôpital Ambroise Paré (Boulogne) précise, par la voix de sa directrice, à propos de sa prétendue consultation d’homéopathie : « aucun médecin n’est rémunéré par l’hôpital sur une consultation d’homéopathie, ni en pédiatrie ni ailleurs. Le Docteur Dumalain, qui est cité, était ancien chef de clinique chez nous de 1974 à 1978, puis attaché avec une vacation hebdomadaire de 1978 à 1989. » Par ailleurs, le même établissement confirme l’utilisation de l’ostéopathie par l’un des médecins du service d’orthopédie.

Le Directeur Général du CHRU de Lille, également cité par Science et Avenir, déclare « [ne pas avoir] eu connaissance de l’article [de Sciences et Avenir] et de la mention du CHRU sur les activités d’acupuncture ».

La Direction Presse et Communication de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille nous précise par mail : « nous avons en effet été contactés fin octobre 2006 par la rédaction de Sciences et Avenir, à qui nous avons dit qu ’il n’existait aucune consultation de médecine alternative dans les établissements de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille. Néanmoins, certaines infirmières des services de chirurgie infantile de l’hôpital Nord utilisent la sophrologie pour accompagner les jeunes patients qui vont subir une intervention lourde. »


Réponses des hôpitaux

Hôpital Ambroise Paré (Boulogne

Boulogne, le 23 février 2007,
Monsieur,
J’ai bien reçu votre courrier du 13 février 2007 et vous en remercie.

Concernant les deux rubriques citées :
• homéopathie, aucun médecin n’est rémunéré par l’hôpital sur une consultation d’homéopathie ni en pédiatrie ni ailleurs. Le Docteur Domalain, qui est cité, était ancien chef de clinique chez nous de 1974 à 1978 puis attaché avec 1 vacation hebdomadaire de 1978 à 1989.
• ostéopathie, le Docteur Le Goux est en effet praticien attaché avec 3 vacations hebdomadaires. Il est médecin rhumatologue, habilité à cette spécialité par un diplôme d’ostéopathie. Il consulte dans le service d’orthopédie.

Je vous joins la petite plaquette de l’hôpital.

Croyez, je vous prie. Cher Monsieur, à l’assurance de mes sincères salutations.
Marie-Laure Loffredo, Directrice.

Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille

Lille, le 23 janvier 2007.
Monsieur,
Vous m’avez sollicité au regard d’un article paru dans le magazine Sciences et Avenir sur la réussite des médecines alternatives. N’ayant pas eu connaissance de cet article et de la mention du CHRU sur les activités d’acupuncture, je vous saurai gré de bien vouloir m’en transmettre une copie afin que je puisse répondre au mieux à votre sollicitation.
La Délégation à la Communication du CHRU se tient à votre disposition pour toute information complémentaire.
Dans l’attente, je vous prie de croire, Monsieur, en mes salutations les meilleures.
Didier Delmonte
Directeur Général

Assistance Publique, hôpitaux de Marseille

Par email.
Monsieur,
Nous avons en effet été contactés fin octobre 2006 par la rédaction de Sciences et Avenir, à qui nous avons dit qu’il n’existait aucune consultation de médecine alternative dans les établissements de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille.
Néanmoins, certaines infirmières des services de chirurgie infantile de l’hôpital Nord utilisent la sophrologie pour accompagner les jeunes patients qui vont subir une intervention lourde.
Espérant avoir répondu à vos interrogations, je vous prie de croire à mes sentiments les meilleurs.
Perrine SEGHIER, Attachée de communication

CHU de Rouen

Le 23 février 2007,
Monsieur,
Dans votre courrier du 13 février, vous demandez des précisions sur la consultation de tabacologie et la consultation douleur du CHU-Hôpitaux de Rouen, citées dans le numéro de février 2007 du magazine Sciences et Avenir.

Je vous confirme que le CHU-Hôpitaux de Rouen propose une consultation douleur, dirigée par le Dr Gérard Ducable, qui utilise l’hypnose pour certains de ses patients.

Dans le cadre de l’aide au sevrage tabagique, le CHU-Hôpitaux de Rouen a mis en place plusieurs consultations, encadrées par des médecins tabacologues, des psychologues et des diététiciens. Parmi les différentes aides au sevrage proposées, l’une d’elles, pratiquée par le Dr Patrick Tailleux, utilise l’acupuncture.

Je vous invite à prendre contact avec M. Heym, délégué à la communication du CHU pour organiser un rendez-vous avec M. le Dr Ducable et M. le Dr Tailleux, si vous souhaitez apporter plus de précisions aux lecteurs du journal Science et pseudo-sciences.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Le Directeur Général.

Groupe Hospitalier Cochin, Saint-Vincent de Paul, La Roche Guyon

Monsieur,
Pour faire suite à votre courrier en date du 13 février, à la suite d’un dossier paru dans le magazine Sciences et Avenir dressant la liste des établissements hospitaliers « proposant des prises en charge par les médecines alternatives », nous souhaitons apporter les précisions suivantes.

Depuis 1988, le Centre Pluridisciplinaire d’Evaluation et de Traitement de la Douleur du Groupe Hospitalier Cochin – Saint-Vincent de Paul dont le responsable est le Docteur Jean BRUXELLE (Département d’anesthésiologie – Chef de service : Professeur Yves OZIER) a pour collaboratrice le Docteur Anita BUI, médecin anesthésiste-acupuncteur. Celle-ci exerce l’acupuncture dans le cadre de soins dispensés à des patients souffrant de certains types de douleurs chroniques, pour lesquels cette pratique thérapeutique a fait preuve de son efficacité.

Pour votre information, le Docteur BUI a créé depuis 3 ans, avec quelques confrères, au sein de la Faculté de Médecine Paris – Descartes (Paris V) un symposium universitaire annuel de Médecine Traditionnelle Chinoise et publié un ouvrage consacré à ce même sujet.

Sachez aussi qu’entre le 1er et le 3 février dernier, le ministre français de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Monsieur Gilles de ROBIEN s’est rendu en Chine et a annoncé la création d’un diplôme national d’acupuncture français qui devrait voir le jour lors de la prochaine rentrée universitaire – la capacité de médecine en acupuncture – et dont la maquette sera prochainement présentée au CNESER.

Ce diplôme sera accessible aux docteurs en médecine après deux ans d’études spécialisées effectuées dans les universités qui seront habilitées à le délivrer. Il remplacera le diplôme interuniversitaire (DIU) déjà en place depuis près de 20 ans.

Pour conclure, je reprendrai les termes du courrier du Docteur BRUXELLE, que je vous joins en copie, « tout dépend de la manière dont une pratique médicale est présentée dans une revue grand public... »
Restant à votre entière disposition, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma respectueuse considération.
France BOVET (Service Communication e relations publiques)
p.j : courrier du Docteur Jean BRUXELLE

Lettre du Docteur Jean Bruxelle adressée à son Directeur d’hôpital (Groupe Hospitalier Cochin, Saint-Vincent de Paul, La Roche Guyon) pour compléter la réponse de ce dernier.

Paris, le 1 mars 2007.
Monsieur le Directeur,

Suite au courrier qui vous a été adressé le 13 Février 2007 par Monsieur Jean Paul KRIVINE, Rédacteur en Chef de Sciences et Pseudo-Sciences, relatif à la pratique d’acupuncture au sein de notre établissement, je tenais à vous confirmer que depuis 1988 le Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur a comme collaboratrice le Docteur Anita BUI qui a une pratique de médecin acupuncteur au sein de notre équipe.

Même si l’acupuncture n’est pas une spécialité – mais une compétence qualifiant certaine médecine alternative – ce type de pratique thérapeutique est reconnue dans la communauté médicale et scientifique comme ayant fait preuve d’efficacité vis à vis de certains types de douleurs, et que c’est dans le cadre de soins dispensés à des patients douloureux chroniques que le Docteur A. BUI exerce cette médecine.

Reste ensuite à savoir comment une pratique médicale est présentée dans une revue grand public et à l’heure actuelle aucune pratique médicale n’a fait preuve de son omnipotence même si certains traitements sont plus efficaces que d’autres. Mais tout dépend du journaliste « médical » dans sa manière de pondérer les faits ou les pratiques qu’il relate.

Voilà les éléments que je souhaite mettre à votre disposition pour votre réponse à laquelle vous pouvez, si vous le désirez, joindre mon courrier.
Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de ma haute considération.
Docteur Jean BRUXELLE

CHU de Brest

Par email.
Monsieur,
Le CHU de Brest utilise en effet la sophrologie en consultation de tabacologie hospitalière (02.98.22.30.38 pour plus d’informations) ainsi qu’à l’unité de sommeil (explorations fonctionnelles neurologiques : Dr Esnault-Lavandier : 02.98.22.33.46).
Cordialement
Isabelle GOURMELEN, Chargée de Communication

Publié dans le n° 277 de la revue


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L' auteur

Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (...)

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Médecines alternatives

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Voir aussi les thèmes : homéopathie, acupuncture, effet placebo.