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L’étonnant éclairage public préconisé par la ministre des cultes…

Publié en ligne le 12 juillet 2007 -

Alors que, sous la pression des parlementaires catholiques, le Conseil de l’Europe vient de refuser d’examiner un rapport préconisant de maintenir les thèses créationnistes en dehors des programmes scientifiques des établissements scolaires européens, alors que le Président de la République s’était engagé à ne pas modifier la loi de 1905, la Ministre de l’Intérieur chargée des cultes affirme que les religions ont plus que jamais vocation à « éclairer la société, qu’elle soit civile ou politique », et évoque un toilettage de la loi de 1905. L’AFIS réaffirme avec vigueur l’importance de la séparation entre les religions et l’État pour l’exercice des professions scientifiques et de santé, à l’abri de la pression des théologiens et idéologues, notamment dans la recherche et l’enseignement, et en appelle au Président de la République pour respecter ses engagements de campagne relatifs à la loi de 1905.

Madame Alliot-Marie, ministre en charge des cultes, participait le 4 juillet 2007 à l’inauguration des nouveaux locaux que se sont donnés les évêques de l’Église catholique romaine dans le quartier parisien des ministères. Devant un parterre d’hommes d’églises, et faisant référence au« toilettage de la loi de 1905 » préconisé par le rapport Machelon, la ministre déclarait : « Je souhaite donner prochainement une suite à cette réflexion avec des solutions pragmatiques, partagées et équilibrées aux questions soulevées en matière d’exercice du culte. Je ferai très prochainement des propositions en ce sens au premier Ministre et au Président de la République ». Enfin, dans sa conclusion, la ministre ajoutait : « Dans un monde qui a vu s’effondrer la plupart des repères idéologiques et moraux, les religions ont plus que jamais vocation à éclairer la société, qu’elle soit civile ou politique. Je remercie l’Église catholique de la contribution déterminante qu’elle apporte à ce débat. »

Le Président de la République, alors candidat, s’était engagé sur les mêmes questions il y a trois mois jour pour jour, le 4 avril 2007, devant les journalistes du quotidien catholique La Croix :

La Croix : Si vous êtes élu, quelles suites donnerez-vous au rapport Machelon qui proposait de donner la possibilité aux communes de financer les lieux de culte ?

Nicolas Sarkozy :
Je n’avancerai pas sur ce sujet tant qu’il n’y aura pas de consensus en la matière.

La Croix : Vous renoncez donc à modifier la loi de 1905 ?
Nicolas Sarkozy : Oui.

Les paroles de la ministre en charge des cultes suscitent donc à plus d’un titre un légitime étonnement.

Dans notre République, nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité publique qui n’en émane expressément ; ainsi, autant il importe effectivement que la République « garantisse à chacun le droit de vivre, d’exprimer, et de transmettre à ses enfants  » ses convictions philosophiques ou religieuses, autant il apparaît difficilement justifiable que les plus hautes autorités de l’Etat croient pouvoir faire appel, pour « éclairer » l’élaboration de la politique publique, aux « lumières » de corps constitués étrangers par nature aux institutions républicaines et dont la clairvoyance, notamment en matière scientifique, n’est de toute évidence pas la principale qualité.

Nous trouvons ainsi ces propos ministériels d’autant plus malencontreux que les parlementaires français de la Commission de la culture, de la science et de l’éducation au Conseil de l’Europe, toutes tendances politiques confondues, font face en ce moment même à une pression pas franchement lumineuse mais combien éclairante des députés européens catholiques romains : ces derniers ont en effet réussi à faire retirer de l’ordre du jour de l’assemblée parlementaire l’examen du rapport préparé par Guy Lengagne préconisant de maintenir les thèses créationnistes ou assimilées en dehors des programmes scientifiques des établissements scolaires européens.

L’Association Française pour l’Information Scientifique

Rappelle que la séparation entre les religions et l’Etat constitue la garantie, pour les chercheurs et enseignants des sciences, tout comme pour les professions scientifiques et de santé, de pouvoir exercer leur activité à l’abri des pressions des théologiens et des idéologues.

S’inquiète d’entendre les autorités responsables de notre pays rechercher un « éclairage » pour la prise des décisions politiques auprès de ministres du culte dont l’autorité n’a pas à s’exercer en dehors du cercle de leurs adeptes.

Dénonce au contraire les prétentions récurrentes des églises à régenter, contre la volonté générale des citoyens qui s’exprime par la représentation nationale, les conditions d’exercice de la recherche, et en tout premier lieu en matière de biologie, de médecine et de biotechnologies (humaines, animales, végétales)

Dénonce pareillement les pressions récurrentes, exercées par les lobbies religieux, qui s’exercent sur le corps enseignant à propos du contenu des programmes (sciences naturelles, histoire, etc.),

Dénonce enfin la floraison de commissions ou comités, en particulier en charge de « laïcité » ou « d’éthique », faisant la part belle aux « représentants » autoproclamés des différentes sensibilités philosophiques ou religieuses et se substituant à la légitime représentation nationale élue par l’ensemble des concitoyens,

Rappelle que ces lobbies idéologiques et religieux tendent à profiter de toutes les failles des dispositifs de la laïcité républicaine et quelquefois y parviennent.

Met en garde les autorités responsables du pays contre la prise en compte, pour élaborer les politiques publiques, de données pseudo-scientifiques, fausses ou inappropriées,

Exprime une nouvelle fois en conséquence son attachement à la république laïque et à la loi du 9 décembre 1905,

Demande que, conformément aux engagements publics pris par Nicolas Sarkozy durant la campagne électorale, il ne soit pas procédé à de nouveaux aménagements de la loi de 1905

Demande au contraire que le principe suivant lequel « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » soit restauré sur l’ensemble du territoire de la République

Paris, le 10 juillet 2007

Mots-clés : Laïcité


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