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La sourcellerie, une petite entreprise rentable

Publié en ligne le 3 mai 2006 - Paranormal -

Le Monde de dimanche 30 avril à mardi 2 mai 2006 nous fait l’apologie, sur une pleine page, de la sourcellerie, de ses succès et de son dynamisme d’entreprise. L’article, pour mieux convaincre, reprend la stratégie de tous les charlatans du paranormal : description admirative du héros, comprenez par là la couleur de ses yeux, la carrure de son visage, son regard bleu profond... déjà le lecteur doit sentir que le personnage est imposant, digne de foi. Puis description par le détail des préoccupations d’un maraîcher, ou des mésaventures d’un paysan. Vous savez, ces petites choses quotidiennes qui rapprochent les gens...Vous aurez droit à cinq colonnes pour suivre la démarche pénétrée de quelques sourciers sûrs de leur fait, qui sur un stade, qui dans un jardin, qui dans une ferme.

La baguette est l’engin qui indique la présence d’eau (« il fait trois pas, elle pique du nez [...] les rives du courant souterrain sont désormais tracées au sol. ») laissant supposer une action physique réelle... mais que dire alors du comportement du sourcier quand il explique qu’il « descend dans sa tête » et que cela lui permet d’évaluer la profondeur et la quantité d’eau ? L’action physique prend alors une allure franchement mystique, ce qui, visiblement, n’inspire aucun commentaire critique à l’auteur de l’article. Pourtant, si le phénomène pouvait être reconnu physiquement, quel besoin alors de l’habiller de conduites empreintes de religiosité et d’introspection, ou de postures de gourous telle que « le sourcier reprend son pendule, le visage baissé, concentré ».

Plusieurs sourciers ont ainsi fondé leur entreprise et s’en portent bien. Ils garantissent leurs résultats. Que garantissent-ils en fait ? La présence d’eau, mais les extrapolations sur la quantité et la profondeur ne semblent pas faire l’objet de garantie particulière. Pas si fous, les sourciers ! Alors le risque d’erreur apparaît minime, quand on sait qu’il coule toujours un peu d’eau un peu partout.

La nouvelle sourcellerie, de pratique marginale, ou du moins ne concernant que la France profonde, est devenue objet économique à part entière. Prétendant s’appuyer sur une connaissance profonde de la nature, elle exploite la mode de la proximité avec les éléments naturels ; elle exploite aussi l’angoisse de la pénurie d’eau, et continue d’exploiter, aussi et toujours, la crédulité et la méconnaissance humaines. On eût aimé que quelques lignes critiques contrebalancent cette page complète sur une activité présentée comme banale.


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L' auteur

Agnès Lenoire

Agnès Lenoire est enseignante. Elle a été membre du comité de rédaction de Science et pseudo-sciences. Elle (...)

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