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Le scientifique et le bédéiste

Publié en ligne le 1er novembre 2005 -
par Robert Laplante - ASP

La science peut-elle être la véritable héroïne d’albums de bande dessinée ? Peut-elle être davantage qu’un prétexte à des intrigues aux frontières du thriller et de science-fiction ? C’est le pari d’Emile Bravo 1 qui, depuis 1999, réalise les aventures de Jules, une bédé où la science joue le rôle central et non plus celui du faire-valoir.

« Pour moi, la science est un terrain merveilleux à explorer. Il n’y a presque plus d’endroits mystérieux sur la Terre. Mais en science, tout est à défricher et chaque nouvelle découverte me fascine et alimente mon imagination ».

« L’aventure et l’humour me permettent de présenter des notions scientifiques sans la lourdeur didactique habituellement associée à la science. Les professeurs qui m’ont le plus marqué à l’école étaient ceux qui savaient me faire rêver, ceux qui racontaient une histoire. Et c’est cette méthode que j’ai décidé d’employer. Mais je dois avouer que le plus difficile est de trouver le bon dosage entre l’humour, l’aventure et les notions scientifiques » précise le dessinateur.

Avant ces profs, c’est le frère d’un copain qui l’a initié aux mystères de la science. « C’est lui qui m’a expliqué la théorie de la relativité. C’était l’histoire la plus incroyable que j’avais entendu et j’ai eu envie à mon tour, quand je suis devenu dessinateur, de la raconter. »

Bravo nous entraîne donc sur les traces de Jules, un adolescent tout ce qu’il y a de banal, dans des intrigues qui lui permettent de s’initier à diverses notions, de la relativité à l’ADN en passant par l’astronomie, les causes du vieillissement et la génétique. Et la science du dessinateur français d’origine espagnole est ancrée dans le quotidien. À travers la maniaco-dépression de son père ou la maladie de son cobaye, l’admirateur d’Hubert Reeves aborde le clonage, les maladies mentales, le cancer, la mort et l’impossible dialogue entre l’esprit scientifique et la religion.

Qu’en disent les vulgarisateurs ? « Non seulement je n’ai jamais reçu de commentaires négatifs mais en plus, je les fais rigoler ». Jules est vite devenu un des personnages les plus populaires de la bande dessinée pré-adolescente comme en font foi les 40 000 exemplaires écoulés de chacun des quatre albums parus chez Dargaud (selon le site français des journalistes et critiques de B.D., les ventes moyennes d’une B.D. tournent autour de 10 000 exemplaires) et les nombreux témoignages d’appréciation des lecteurs de la revue Okapi, où Jules vit ses aventures. « Ce sont de bonnes ventes et ça me permet de vivre de mes bandes dessinées, ce qui n’était pas possible avec la naissance de Jules. Mais surtout, c’est la preuve que j’ai fait le bon choix, que mon message passe et que j’ai réussi à leur donner le goût de la science, exactement comme le frère de mon copain l’avait fait pour moi. »

Jules pourrait-il devenir une inspiration pour de futures carrières scientifiques ? « J’aimerais bien ça ! Si mes histoires peuvent encourager les jeunes à s’intéresser aux sciences, ça me rendrait heureux. » Et il serait plus heureux encore si ses histoires avaient pour effet, dans le milieu littéraire, de faire disparaître les préjugés qui collent encore à la B.D. Mais cette lutte-là est peut-être plus ardue que l’autre...


1 Rappelons qu’en France, Jean-Pierre Petit a été un talentueux bédéiste bien avant Emile Bravo. Il a commencé en 1985 et a publié 17 volumes des aventures de Anselme Lanturlu, petit personnage craquant, où la science n’est pas un prétexte mais est le moteur de l’histoire.


Mots-clés : Science


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