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Les académies des sciences mondiales sonnent l’alarme

Publié en ligne le 27 juin 2005 - Climat -

Le 7 juin 2005, en adresse aux dirigeants qui se réuniront au prochain sommet du G8 en Juillet, les présidents de onze académies nationales des sciences (Allemagne, Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis d’Amérique, France, Inde, Italie, Japon, Royaume Uni et Russie) ont réalisé une déclaration commune pour dire que désormais les changements climatiques sont indubitables, et qu’il devient plus qu’urgent que les dirigeants de la planète délivrent un message clair témoignant de leur reconnaissance de la réalité de ces changements, et de la mise en œuvre de plans d’action nationaux et internationaux s’appuyant sur les données et les moyens disponibles grâce à la science et aux technologies.

Depuis le sommet de la terre de Rio (juin 1992) la communauté scientifique internationale s’est exprimée de façon récurrente sur la nécessité de s’attaquer aux dimensions environnementales du développement :

• par l’appel d’Heidelberg (juin 1992), qui, au-delà, mettait en garde les dirigeants de la planète sur les risques de porter crédit aux idéologies irrationnelles et aux données pseudo-scientifiques qui gravitaient autour des préoccupations environnementales ; cet appel avait été signé par des milliers de scientifiques éminents et des dizaines de prix nobel.

• par le « World Scientist’s Warning to Humanity » (novembre 1992) à l’initiative de l’organisation états-unienne « Union of Concerned Scientists » (UCS), là aussi signé par des milliers de scientifiques éminents et la plupart des prix nobel, dont l’essentiel était déjà signataire de l’appel d’Heidelberg.

• par le « Call to Action » de 1997 de la même UCS

• par la campagne sur le rapport « restaurer l’intégrité scientifique dans l’élaboration des décisions politiques » lancée en février 2004 par la même UCS devant le comportement de l’administration républicaine du Président GW BUSH refusant de prendre en compte les informations scientifiques qui lui sont fournies : « La déformation des connaissances scientifiques à des fins politiques partisanes doit cesser (...) A sa naissance il y a deux siècles, cette république était gouvernée par des hommes qui avaient une compréhension de la science plus profonde que la plupart de leurs successeurs. Les Pères Fondateurs étaient des enfants des Lumières, de l’Age de la Raison. Aujourd’hui, nous sommes gouvernés par des gens qui ne croient pas à l’évolution. Ils ont peu de scrupules à tordre les connaissances scientifiques quand elles ne se conforment pas à leurs objectifs politiques. Ils parlent comme s’ils étaient autorisés à émettre non seulement leurs propres opinions, mais aussi leurs propres faits » Kurt Gottfried, président de l’Union of Concerned Scientists (UCS), présentant cette déclaration signée par plus de 6000 scientifiques états-uniens dont 48 prix Nobel, 63 médaillés des sciences, et 152 membres des académies nationales des Sciences (chaque état des Etats-unis a son académie nationale des sciences).

Cette déclaration des présidents des académies des sciences des pays du G8 auxquels s’ajoutent ceux de la Chine, de l’Inde et du Brésil est un événement sans précédent qui traduit le franchissement d’une nouvelle étape. Rendez-vous au mois de Juillet pour voir si le Président BUSH et son administration infléchiront leur position récurrente d’inaction sous prétexte de persistance d’incertitudes.

Ci après un résumé en français (sous ma responsabilité [MN]) de la déclaration des présidents des académies. Le texte intégral (en anglais) peut être trouvé à http://nationalacademies.org/onpi/06072005.pdf

Il y aura toujours des incertitudes dans la compréhension d’un système aussi complexe que le climat de la planète. Cependant la réalité d’un réchauffement global significatif ne fait désormais plus aucun doute. Cette évidence provient tant de mesures directes de température de l’atmosphère et de l’eau des océans que de la constatation de phénomènes aussi variés que l’élévation globale moyenne du niveau des océans, le recul des glaciers, et les changements constatés chez de nombreux systèmes physiques et biologiques. Il est probable que la plus grande partie du réchauffement des récentes décennies peut être imputé aux activités humaines. Ce réchauffement a déjà conduit à des changements dans le climat de la terre.

L’existence de gaz à effet de serre dans l’atmosphère est nécessaire pour la vie terrestre - en leur absence la température serait inférieure de 30 degrés centigrades à celle qu’elle est aujourd’hui. Mais les activités humaines génèrent désormais des concentrations de gaz à effet de serre bien supérieures à celles existant à l’aire préindustrielle.

La compréhension scientifique du changement climatique est désormais suffisamment claire pour justifier que les nations mettent en œuvre des actions rapides. Il est vital que toutes les nations identifient les étapes à la fois efficaces et acceptables sur le plan des coûts qu’elles peuvent prendre maintenant pour contribuer à une réduction substantielle et pérenne des émissions nettes globales de gaz à effet de serre.

La plupart des composantes du système climatique répondent lentement aux modifications des concentrations des gaz à effet de serre. Même si les émissions de gaz à éffet de serre étaient stabilisées immédiatement, le climat continuerait à évoluer en réponse à l’augmentation des émissions des dernières décennies. Des modifications climatiques sont en tout état de cause déjà inévitables et les Nations doivent s’y préparer.

Les changements climatiques projetés auront des effets à la fois favorables et défavorables à une échelle régionale, par exemple sur les ressources en eau, l’agriculture, les écosystèmes naturels et la santé humaine.

Plus les changements seront rapides et amples, plus il est probable que les effets nuisibles domineront.

Les présidents des académies nationales des sciences signataires invitent toutes les nations à prendre des mesures rapides pour réduire les causes des changements climatiques et s’adapter aux impacts de ces changements, et à s’assurer que ces conclusions soient parties prenantes de toutes les stratégies nationales et internationales appropriées. Rappelant la disponibilité des académies nationales des sciences en appui des gouvernements pour aider à développer et mettre en place les réponses nationales et internationales au défi que représentent ces changements climatiques, les présidents des académies nationales des sciences signataires demandent aux dirigeants qui seront présents au sommet du G8 de Juillet d’acter que les menaces sur le climat et ses impacts sont désormais claires et en augmentation, et d’engager un plan d’action mobilisant l’ensemble des ressources scientifiques et technologiques.