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Homéopathie : attention danger !

Publié en ligne le 12 décembre 2014 - Homéopathie -

Le 20 mars 2014, la UFDA (US Food and Drug Administration) [1] a lancé une alerte de sécurité annonçant que la société Terra-Medica [2] venait de rappeler 56 lots de produits homéopathiques divers, granules, suppositoires, pommades..., parce qu’ils contiendraient de vrais médicaments ! L’ironie du sort, c’est que, par définition, les produits homéopathiques ne contiennent aucune substance active, ce qui permet de les déclarer sans effets secondaires et inoffensifs, tant qu’ils ne poussent pas certains malades à éviter les vrais médicaments qui, eux, sont testés et validés. Quant à l’efficacité de l’homéopathie, les études états-uniennes, britanniques ou australiennes [3] montrent que, quand elle existe, elle n’est pas supérieure à l’effet placebo.

Les produits rappelés par Terra-Medica contiendraient de la pénicilline et des dérivés de pénicilline en quantité suffisante pour provoquer, chez des personnes sensibles, des réactions allergiques allant d’éruptions cutanées légères à des réactions anaphylactiques graves et potentiellement mortelles. C’est d’autant plus gênant que Terra-Medica précise bien que ses produits ne contiennent pas d’antibiotique. La gamme Pleo Sanum, par exemple, « peut soigner des inflammations et des infections aigües et chroniques sans utilisation d’antibiotiques traditionnels » [4]. Les antibiotiques ont pu être produits au cours du processus de fermentation. La question est de savoir si Terra-Medica savait avant l’alerte de la FDA que ses produits contenaient de la pénicilline. On lit sur le site du Ministère de la santé et des services sociaux des États-Unis — NCCAM (National Center for Complementary and Alternative Medicine) : « Les remèdes homéopathiques sont réglementés

par la US Food and Drug Administration (FDA). Toutefois, la FDA n’évalue pas les remèdes sur le plan de leur sécurité ou de leur efficacité » [5]. Les produits homéopathiques états-uniens n’exigent donc pas d’essais ni de processus d’approbation de la FDA, ils sont pré-approuvés par la loi justement parce qu’ils sont censés ne pas contenir plus de produits actifs que de l’eau et du sucre. Cependant, la FDA vérifie qu’ils ne contiennent pas d’impuretés ni d’autres ingrédients que ceux qui sont listés. Le NCCAM précise que : « Si un remède homéopathique prétend traiter une maladie grave comme le cancer, il doit être vendu sur ordonnance. Seuls les produits pour les problèmes de santé mineurs, comme des maux de tête ou des rhumes, qui vont disparaître d’eux-mêmes, peuvent être vendus sans ordonnance ». Conclusion : l’homéopathie ne « soigne » que ce qui n’a pas besoin de l’être. Pas besoin d’ordonnance pour un peu d’eau sucrée. Mais alors pourquoi faut-il une ordonnance dans le cas du cancer ? Sans doute pour empêcher l’automédication pour les maladies graves et inciter les médecins et les malades à prendre leurs responsabilités.

Rappelons que l’homéopathie repose sur quatre principes : la similitude, la dilution, la dynamisation et la personnalisation. Je n’évoquerai ici que le principe des hautes dilutions pour en rappeler la dimension pseudoscientifique, qui caractérise aussi les autres.

Selon le principe des hautes dilutions, moins le produit homéopathique contient de substance active et plus, paradoxalement, il serait efficace. Le solvant garderait une trace, une « mémoire » du principe actif même quand il n’y en a plus, ce qui ressemble à la « pensée magique de contagion par similitude ». La croyance que les choses agissent à distance les unes sur les autres par une sorte de sympathie secrète a été mise en évidence par James George Frazer, anthropologue britannique, dans Le Rameau d’Or (1890) : « Les choses qui ont été en contact mais qui ont cessé de l’être continuent à agir les unes sur les autres, comme si le contact persistait ».

Pour donner un exemple de la pensée magique de contagion à ses étudiants, Paul Rozin, professeur de psychologie à l’université de Pennsylvanie, leur propose un verre de jus de fruits dans lequel nage une mouche. Les étudiants le repoussent avec dégoût. Dans un deuxième temps, la mouche est stérilisée puis remise dans le verre. Même réaction de dégoût. Enfin, on propose le jus de fruits avec une mouche en plastique. Le dégoût persiste chez plus de la moitié des étudiants. Pour eux, que la mouche soit vivante, stérilisée ou fausse, elle contamine, « mouchise », ce qu’elle touche. Dans le même ordre d’idées, si l’on remue le jus de fruits avec une balayette de WC neuve, propre et même stérile, personne ou presque n’en boira ! Paul Rozin précise : « La pensée magique n’est pas l’exclusivité des « sauvages » ou des barbares. On peut mettre sa présence en évidence dans le fonctionnement mental de toutes les tribus, y compris les nôtres, en dépit ou à côté de la pensée « rationnelle » [6]. Et l’homéopathie en témoigne depuis plus de deux siècles, qui pose, selon le principe des hautes dilutions, que plus le produit homéopathique est dilué, plus il est fort ! En effet, si pour 1CH, (Centésimale Hahnemanienne), le principe actif représente 1 % du produit total (1 goutte dans 99 gouttes de solvant), pour 30 CH, il est dilué dans un milliard de milliard de milliard de milliard de fois toute l’eau de tous les océans de la planète [7]. Ce qui correspondrait à un litre d’eau dans la galaxie de la Voie lactée...

On risquerait donc de faire une overdose si on oubliait de prendre « son médicament » ! C’est ce que dit James Randi dans cette vidéo. A contrario, il raconte qu’avant une conférence devant des hommes politiques, il a avalé deux boites de somnifères homéopathiques à base d’une dilution de caféine, c’est-à- dire 64 cachets, et qu’il ne s’est ni endormi ni n’a fait d’overdose ! [8] De même, en 2011, Skepp (l’organisation sceptique belge flamande) a organisé un « suicide ludique » devant le Parlement européen à Bruxelles : « En avalant de façon massive des pilules homéopathiques devant le Parlement européen, nous démontrons ce que les gens bien informés savent depuis longtemps : il n’y a rien dedans ».

Même si le communiqué de presse de Terra-Medica se veut rassurant : « À ce jour, Terra-Medica n’a pas reçu de rapports d’événements indésirables liés à ce rappel, ni de rapports de tests de produits indiquant les teneurs en pénicilline dans les produits. », il reste que c’est une faute grave de ne pas vérifier avant de les vendre si les produits sont absolument exempts de toute substance active ! Parce qu’ils risquent de provoquer non seulement des réactions allergiques imprévisibles chez certains patients sensibles, mais, au pire, de guérir mieux certains maux que l’effet placebo !

Références

1 | www.fda.gov/Safety/MedWatch/SafetyI... ; www.fda.gov/Safety/Recalls/ucm389832.htm
2 | www.terra-medica.com/about-us
3 | www.theguardian.com/world/2014/apr/... et www.popsci.com/article/science/aust...
4 | www.terra-medica.com/education/pleo...
5 | http://nccam.nih.gov/health/homeopathy : « Homeopathic remedies are regulated as drugs under the Federal Food, Drug and Cosmetic Act (FDCA). However, under current Agency policy, FDA does not evaluate the remedies for safety or effectiveness. »
6 | Rozin, P., & Nemeroff, C.J. (1990). The laws of sympathetic magic : A psychological analysis of similarity and contagion. In J. Stigler, G. Herdt & R.A. Shweder (Eds.), Cultural Psychology : Essays on comparative human development (pp. 205-232). Cambridge, England : Cambridge
7 | « À ce niveau de dilution (30CH), une goutte initiale se retrouve étendue dans une sphère de liquide de rayon plus grand que la distance du Soleil à la Terre » ; La différence entre Hahnemann et Darwin
8 | http://scepticismescientifique.blog... et
www.amara.org/en/videos/Rn3XQzlXB1Br/fr/6002 (indisponible)

Publié dans le n° 309 de la revue


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L' auteur

Brigitte Axelrad

Professeur honoraire de philosophie et psychosociologie. Membre du comité de rédaction de Science et (...)

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