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Un bilan des plantes génétiquement modifiées aux USA

Publié en ligne le 8 avril 2014 - OGM et biotechnologies -
Nous publions ici, à titre d’information, un résumé du rapport du Service des études économiques (Economic Research Service) du ministère américain de l’agriculture (United States Department of Agriculture). Résumé rédigé par Louis-Marie Houdebine.

La culture des plantes génétiquement modifiées (PGM) a commencé aux USA en 1996. Et ce pays compte aujourd’hui, à lui seul, la moitié des PGM cultivées dans le monde. Un bilan économique de cette nouvelle technique de sélection génétique a été publié en février 2014. Il nous a semblé intéressant de porter à la connaissance ce document, afin d’aider nos lecteurs à se faire leur propre opinion sur un sujet controversé. En effet, si les OGM sont interdits à la culture en France (et dans plusieurs pays de l’Union Européenne), ils sont largement utilisés outre-Atlantique, et depuis près de deux décennies, ce qui permet une analyse a posteriori.

Référence : “Genetically Engineered Crops in the United States”, Jorge Fernandez-Cornejo, Seth James Wechsler, Michael Livingston, and Lorraine Mitchell, Economic Research Report No. (ERR-162) 60 pp, February 2014.

À eux seuls, le maïs, le soja et le coton génétiquement modifiés représentent environ la moitié des surfaces cultivées aux USA. Pour ces trois plantes, la proportion de PGM varie de 75 à 93%.

Les aspects techniques

L’évolution du nombre d’essais en champs est un bon indice de l’activité passée et de celle qui se prépare. Entre 1996 et septembre 2013, les autorisations de culture expérimentales de PGM en champs ont été d’environ 25 000, réparties de la manière suivante :
 la tolérance à des herbicides (TH) – 6772 essais ;
 la résistance à des insectes (RI) – 4809 essais ;
 l’amélioration des propriétés agronomiques des plantes (résistance à la sécheresse ou au sel, capacité à utiliser l’azote atmosphérique, augmentation des rendements, couleur du coton etc.) – 5190 essais ;
 l’amélioration des qualités nutritives (maîtrise de la maturation, amélioration du goût, supplémentation en protéines, en oligoéléments, en antioxydants, en vitamines, en acides gras, en amidon, en micronutriments, réduction de la teneur en gluten etc.) – 4896 essais ;
 la résistance à des virus, à des champignons, à des nématodes ou à des bactéries – 2616 essais.

Les institutions qui effectuent le plus d’essais en champs (rapportés au nombre de modifications génétiques) sont Monsanto (6782), Pioneer/DuPont (1405), Syngenta (565) et l’USDA – ministère de l’agriculture (370). En septembre 2013, l’Animal and Plant Health Inspection Service (APHIS) avait reçu 145 demandes d’agrément pour autoriser la culture et la consommation de PGM. 96 de ces demandes ont été approuvées : 30 pour des maïs, 15 pour des cotonniers, 11 pour des tomates, 12 pour des sojas, 8 pour des colza/canola, 5 pour des pommes de terre, 3 pour des betteraves sucrières, 2 pour des papayers, des riz, et des courges, 1 pour un alfalfa (luzerne), 1 prunier, 1 rosier, 1 tabac, 1 lin et 1 chicorée. 49 demandes n’ont pas été approuvées.

Les aspects économiques

Les PGM tolérantes à des herbicides (HT) sont plus cultivées que les PGM résistantes à des insectes (RI) car les herbes indésirables sont généralement plus envahissantes que les différentes pestes. Les PGM RI protégées par des toxines de type Bt (provenant de la bactérie Bacillus thurengiensis) (maïs et cotonniers) donnent en moyenne de meilleurs rendements et apportent plus de bénéfices aux agriculteurs que les plantes conventionnelles. Ce fait reste vrai malgré l’augmentation de 50% du prix des semences depuis 2001. L’efficacité des PGM RI est plus importante les années où les attaques par des insectes sont plus menaçantes. Les augmentations de rendement sont en partie dues à l’amélioration génétique classique des variétés qui sont à l’origine des PGM. Une bonne gestion des plantes refuges non génétiquement modifiées a permis de ne pas laisser émerger d’insectes résistants aux toxines des PGM. 

Les PGM RI permettent de diminuer très notablement les épandages de pesticides (ainsi, par exemple, pour le maïs, on a divisé par 10 les quantités utilisées par unité de surface cultivée). Aux USA en particulier, il apparaît que l’utilisation de PGM RI protège non seulement les champs directement concernés mais aussi dans une certaine mesure les champs voisins ne contenant pas de PGM. Cette observation est en accord avec la diminution de certains insectes nuisibles dans les régions où des PGM RI sont cultivées de manière intensive.

Les PGM TH ne permettent que des augmentations limitées des rendements et des revenus des agriculteurs. Le succès des PGM TH vient donc du fait qu’elles permettent de réduire la charge de travail des agriculteurs et de diminuer les effets toxiques de certains herbicides utilisés pour les plantes conventionnelles, le glyphosate étant particulièrement peu toxique, biodégradable et inactif dans le sol. Un usage trop intensif du principal herbicide utilisé pour les PGM TH, le glyphosate, a fait émerger jusqu’à 14 plantes indésirables résistantes à cet herbicide dans certaines régions des USA. Ces résistances auraient pu être évitées en respectant les règles de base de l’agriculture, comme la rotation des cultures. Certains agriculteurs sont donc revenus à la situation ante PGM TH. Cette mésaventure va contribuer à baisser les revenus de ces agriculteurs. Des parades sont progressivement adoptées : rotation des cultures, labourage, utilisation d’herbicides autres que le glyphosate, utilisation de PGM TH tolérantes à plusieurs herbicides totaux, notamment le glufosinate, le dicamba et le 2,4-D n’agissant pas via les mêmes mécanismes que le glyphosate.

L’agriculture sans labour ou avec des labours peu profonds permet de laisser sur le sol les sous-produits végétaux des récoltes formant des paillis, ce qui permet d’apporter de l’humus dans les sols et de limiter l’érosion due au ruissellement ou au vent. Il est possible de laisser les plantes sauvages pousser dans les champs après les récoltes et de les détruire à l’aide d’herbicides totaux comme le glyphosate, peu de temps avant les plantations ou en post levé. Il est de même possible de semer des graines de plantes sauvages après les récoltes pour augmenter l’apport au sol de matières organiques. Les PGM tolérantes au glyphosate sont bien adaptées à de telles pratiques.

Les tendances actuelles

Les PGM de première génération (TH et RI) n’ont pas pour but de modifier le métabolisme des plantes, mais seulement de leur conférer des propriétés agronomiques favorables. Des améliorations sont encore attendues dans ce domaine. Les PGM dans lesquelles plusieurs transgènes ont été empilés sont de plus en plus répandues. Il peut s’agir de PGM à la fois TH et RI obtenues par croisement de PGM TH et de PGM RI. Certaines PGM ont actuellement jusqu’à 8 transgènes et plus. Cette approche permet de cumuler plusieurs propriétés de PGM de première génération. Les PGM avec des transgènes empilés sont généralement bien rentables pour les agriculteurs. Il est également possible de croiser des PGM de première et deuxième génération pour cumuler les effets des transgènes.

Les PGM de deuxième génération destinées à améliorer les qualités nutritives des plantes sont en plein développement. Ce fait apparaît nettement lorsqu’on compare le nombre actuel des différents essais en champs.

L’acceptabilité des PGM est en moyenne plus élevée dans les pays pauvres que dans les pays riches qui ne souffrent pas de déficit alimentaire. Une partie des consommateurs des pays riches est prête à payer plus cher les produits issus de plantes non GM. Les PGM de première génération sont essentiellement destinées à l’alimentation animale. Les consommateurs, même aux USA, ont jusqu’à maintenant bénéficié essentiellement de produits dérivés de PGM. Cette situation va logiquement changer progressivement avec l’arrivée des PGM de deuxième génération. Il se pourrait alors que des consommateurs acceptent un surcout pour les PGM de deuxième génération qui sont favorables à leur santé. Une tendance aux USA est la cohabitation des différents modes de culture, propre à répondre aux exigences de l’ensemble des consommateurs.

L’émergence plus rapide que prévue de plantes sauvages tolérantes au glyphosate a révélé le fait que l’usage de PGM n’exonère pas les agriculteurs de se soumettre aux bonnes pratiques de l’agriculture. La mise sur le marché de PGM tolérantes à plusieurs herbicides agissant de manière différente est une réalité. Cette pratique devrait logiquement s’amplifier.

L’obtention d’agréments pour la culture et la consommation de PGM de première génération est soumise aux USA à des règlementations moins contraignantes que dans la plupart des autres pays. Les PGM de deuxième génération sont pour la plupart métaboliquement modifiées. Des tests de sécurité alimentaire plus contraignants devront être appliqués à ce type de PGM. 

Une troisième génération de PGM est déjà une réalité et elle devrait prendre progressivement de l’importance. Ces PGM ne sont pas destinées à l’alimentation. Elles sont et seront productrices de biocarburants, de molécules d’intérêt pharmaceutique, d’huiles industrielles, de fibres, de plastiques etc.


Thème : OGM et biotechnologies

Mots-clés : OGM