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La médecine postmoderne prend le pouvoir

Publié en ligne le 16 mars 2014
La médecine postmoderne prend le pouvoir

Jean Brissonnet
Books on Demand, 2013, 162 pages, 14,90 €

Jean Brissonnet, ancien vice-président de l’AFIS et auteur de plusieurs articles dans notre revue, nous livre dans cet ouvrage une sorte de bilan de ses réflexions sur la médecine.

Sa grande connaissance du sujet et ses livres précédents 1, nous avaient habitués à une lutte sans faille contre tous les charlatans de la santé. Mais il va ici plus loin et se montre sans concession sur l’évolution récente de la médecine elle-même, qui apparaît très affaiblie par des manœuvres de toutes sortes : J. Brissonnet analyse de nombreux textes, profondément révélateurs de ces évolutions, comme la note d’analyse du Centre d’Analyse Stratégique faite pour le premier ministre 2 ou des témoignages de professionnels devant des commissions parlementaires, etc. L’Académie de Médecine elle-même, jusque-là rempart de la médecine basée sur les preuves, semble céder devant les sirènes du postmodernisme 3 ou devant le langage lénifiant des marchands de bien-être, comme le montre le Rapport sur les thérapies complémentaires du 5 mars 2013 4, que Jean Brissonnet, dont l’amertume est palpable, analyse sans illusions.

Il est aussi parfaitement clair que l’auteur reste profondément attaché à la médecine et aux « nombreux médecins qui pratiquent leur métier avec rigueur, modestie, respect et compassion », comme l’indique son exergue. Mais on pourrait dire en substance que « qui aime bien châtie bien », et que Brissonnet sait aussi pointer là où ça fait mal 5
, là où les médecins, par exemple à travers certaines positions syndicales, partagent une part de responsabilité dans le développement des médecines alternatives.

Il expose clairement comment on en est arrivé là, mais propose aussi des pistes pour l’avenir (comme un « bon usage » de l’Internet qui pourrait profiter au patient et au praticien) et offre en fin d’ouvrage de riches annexes, sur l’effet contextuel 6 et sur l’acupuncture. D’une manière générale, son livre est particulièrement clair, concis et synthétique ; également très accessible, il va droit à l’essentiel et s’adresse à tous.

1 Les pseudo-médecines, un serment d’hypocrite et Les médecines non conventionnelles ou les raisons d’une croyance, tous deux édités chez Book-e-book.

3 L’auteur prend quelques pages pour nous en donner sa définition (p. 57 et suivantes) ; sur le plan de la médecine, il en donne ce résumé : rejet plus ou moins explicite de la tradition rationaliste des Lumières, élaborations théoriques indépendantes de tout test empirique, et relativisme cognitif et culturel qui traite les sciences comme une « narration parmi d’autres ».

5 Entre autres exemples, l’auteur évoque la rémunération des médecins, ou la liberté d’installation.

6 Rappelons que c’est ainsi que Jean Brissonnet préconise d’appeler désormais l’effet « placebo ». Son article étant très convaincant, j’adopte sa terminologie.