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Homéopathie, acupuncture, ostéopathie : quel statut scientifique et médical ?

Publié en ligne le 10 février 2014 - Médecines alternatives -

Homéopathie, acupuncture et ostéopathie sont les principales (mais pas les seules) pratiques ciblées par le rapport du Centre d’Analyse Stratégique et examinées par l’Académie de médecine. Leur statut scientifique et médical est bien établi, et aucune découverte récente ne vient contredire une évaluation maintenant bien établie. Ce qui se confirme, en revanche, est un engouement croissant d’une partie du public pour ces pratiques.

L’homéopathie

L’homéopathie est une doctrine élaborée par le médecin autrichien Samuel Hahnemann et exposée en 1810 dans son ouvrage Organon de l’art de guérir.

Les principes de base

« Principe de similitude », « dilutions extrêmes » et « dynamisation » forment la base de cette pratique. Le « principe de similitude » (homéo en grec signifie semblable) stipule que « les semblables sont guéris par les semblables » (Similia similibus curantur) : une substance qui provoque des symptômes analogues aux symptômes d’une pathologie donnée est supposé guérir ladite pathologie. Les « dilutions extrêmes » sont venues en complément. Voulant essayer sur des malades (et sur lui-même) des substances connues comme toxiques (l’arsenic ou le sel de mercure), Hahnemann eut l’idée de les diluer. La technique de fabrication des médicaments homéopathiques était née. Devant les dilutions utilisées et donc l’absence probable de matière active, Hahnemann a proposé d’imprimer à chaque étape de la dilution de fortes secousses au mélange du produit et de l’excipient retenu (les succussions). Il a postulé que cette dynamisation permettrait, malgré les dilutions successives, d’avoir un produit de plus en plus efficace. Aux trois principes de base, la pratique homéopathique va ajouter la loi d’individualisation du patient : « il n’y a pas de maladies, il n’y a que des malades ». Chaque patient est unique, et un traitement homéopathique correspondra plus aux « constitutions » des individus (carboniques, phosphoriques, fluoriques...) qu’aux symptômes de sa maladie.

Une efficacité jamais démontrée

Un éditorial de la revue médicale The Lancet, publié en août 2005, s’étonne que le débat se poursuive « après 150 ans de résultats défavorables » et constate que « plus se diluent les preuves en faveur de l’homéopathie, plus grande semble sa popularité ». La conclusion d’une méta-analyse publiée dans le même numéro (110 essais homéopathiques étaient comparés à 110 études de médecine conventionnelle associées) est sans appel : « Des biais sont présents dans les essais contre placebo, à la fois pour les traitements homéopathiques et pour ceux de la médecine conventionnelle. Lorsque l’étude prend en compte ces biais, il ne reste que peu de signes d’un effet spécifique des remèdes homéopathiques. Ce résultat est cohérent avec l’idée que les effets cliniques de l’homéopathie sont ceux d’un placebo ».

Une réalité en contradiction avec la chimie moderne

Un des paradoxes, et non des moindres, est que la presque totalité des préparations homéopathiques sont à des niveaux de dilutions telles qu’il ne reste plus une seule molécule de la « teinture mère ». En d’autres termes, les pilules ne contiennent strictement rien d’autre que des excipients.

Ainsi, par exemple, à la trentième dilution (30 CH, une goutte pour 5x1055 – 5 suivi de 55 zéros – litres...), la goutte initiale se trouverait diluée dans une sphère de liquide dont le rayon serait plus grand que la distance du Soleil à la Terre 1... Or, ce qui n’était que l’« hypothèse atomique » du temps d’Hahnemann (conjecture énoncée en 1811 par Avogadro) est devenu une réalité à la base de la chimie moderne : la matière n’est pas infiniment divisible. Ainsi, la probabilité de trouver encore une molécule du produit initial dans les dilutions successives décroît rapidement. Passé un certain seuil de dilution, il y aura obligatoirement des « doses vides », sans plus aucune molécule autre que celles de l’excipient. À partir de 9 CH, il devient bien problématique d’espérer avoir, dans « sa dose », la moindre molécule initiale.

Une procédure de mise sur le marché dérogatoire

Le Code de la santé stipule que les médicaments homéopathiques ne sont pas soumis à l’autorisation de mise sur le marché sous réserve de satisfaire quelques conditions, dont en particulier « un degré de dilution garantissant l’innocuité du médicament ». Ainsi, paradoxalement, l’absence de procédure d’évaluation des médicaments homéopathiques est justifiée par des dilutions telles... qu’il n’y a plus aucun effet.

L’ostéopathie

Le statut de l’ostéopathie illustre la confusion existant sur l’emploi d’un terme, et sur le fait que l’efficacité d’une technique spécifique ne valide pas une approche thérapeutique dans son ensemble.

Les principes de base

L’ostéopathie a été élaborée par Andrew Taylor Still en 1874 à la suite d’une expérience personnelle où il se réveille soulagé de maux de têtes après une nuit passée avec la nuque reposant sur un coussin posé sur une corde tendue entre deux arbres. Il émet l’idée que pour qu’une articulation ou un viscère puisse fonctionner normalement, aucune contrainte mécanique ne doit s’exercer sur lui.

Il annonce l’axiome fondamental de l’ostéopathie : « La structure gouverne la fonction ».

L’ostéopathie, partant du fait que l’être humain est un tout, affirme que toute perturbation se produisant dans une région déterminée du corps pourra se manifester dans n’importe quelle autre région. Le principe d’« autoguérison » postule que le corps possède par lui-même les moyens de surmonter la maladie. Le praticien applique alors « les principes de la mécanique articulaire, plus spécialement vertébrale, et utilise les ressources inhérentes à l’organisme pour surmonter la maladie et restaurer la santé, [permettant] ainsi à l’organisme humain d’exciter ses réactions de défense et d’accélérer la formation d’anticorps et d’antitoxines pour obtenir la guérison » [1].

Une pratique sans base scientifique démontrée

Tant en France qu’en Belgique, les autorités sanitaires confirment l’absence d’efficacité démontrée. Ainsi, la presse belge rappelle-t-elle, en janvier 2013, que les doyens des facultés de médecine des universités belges « qu’il ne peut être question pour leurs facultés d’enseigner des pratiques dont l’efficacité n’est pas scientifiquement démontrée » [2]. Même son de cloche en France où l’Académie de médecine s’interroge : « Comment envisager un enseignement n’ayant pas de base scientifique ou même une preuve anatomique ? » [3].

Absence d’efficacité sauf quelques techniques particulières

Des deux côtés du Quiévrain, les mêmes autorités soulignent l’absence de toute démonstration d’efficacité thérapeutique en général, tout en soulignant cependant des exceptions dans « quelques domaines particuliers du traitement des maux de dos pour l’ostéopathie » (Doyens des facultés en Belgique). Avis partagé en France par l’Académie de médecine qui relève que « des résultats favorables ont été constatés de façon empirique sur certaines douleurs rachidiennes par diverses techniques manuelles et en particulier par les manipulations » ajoutant que ce fait « était connu longtemps avant l’ostéopathie » avec différentes appellations selon les pays (rebouteux en France, Heilpraktiker en Allemagne).

Intégrer ce qui marche : la confusion terminologique

Il était logique que des techniques spécifiques, ayant prouvé leur effet dans des cas particuliers, soient intégrées à la médecine, et soient mises en œuvre par des personnels qualifiés et compétents. C’est bien ce qu’ont cherché à faire les différentes autorités sanitaires. Et ce n’est donc pas l’ostéopathie qui a été reconnue, mais bien des manipulations particulières pour des indications précises. L’enseignement de ces manipulations se devait d’être inséré dans la formation médicale, dépouillé de toute référence idéologique ou pseudo-scientifique. Ajoutons que ces techniques peuvent être dangereuses si pratiquées de façon non adaptée et qu’un strict encadrement est d’autant plus indispensable.

Mais il est regrettable que, tant en Belgique qu’en France, le terme « ostéopathie » ait été conservé. Le Professeur Louis Auquier, qui avait présidé le groupe de travail de l’Académie de médecine sur l’ostéopathie et la chiropractie, soulignait ainsi [4] : « Nous avions proposé en 1987 au Conseil de l’ordre des médecins de supprimer [le terme "ostéopathie"] lorsqu’on nous a demandé notre avis sur les manipulations vertébrales et les conditions de leur exercice. On a préféré le mettre entre guillemets, mais les guillemets ont disparu... ». Pour lui, il aurait été préférable de créer une vraie spécialité de médecine manuelle pour les médecins et les kinésithérapeutes et de laisser définitivement l’ostéopathie dans la mouvance des pseudo-médecines.

Le statut de l’ostéopathie

Tant en France qu’en Belgique, des formations et des diplômes universitaires intègrent l’apprentissage des manipulations vertébrales. Malheureusement, le terme « ostéopathie » ayant été conservé, on parle alors de « médecins ostéopathes » ou d’« ostéopathes », laissant entendre que c’est l’ensemble de l’ostéopathie qui est reconnu. Et de fait, le risque est grand de voir des praticiens, pour répondre à une demande du public, ou de leur propre initiative, étendre à toute l’ostéopathie traditionnelle la portée du champ thérapeutique couvert par le titre d’« ostéopathie ». Sans parler de la reconnaissance toujours revendiquée de divers praticiens sans formation médicale sérieuse, qui semblent trouver une oreille attentive auprès des pouvoirs publics (voir nos articles dans ce dossier de SPS). Et ce, d’autant plus qu’en France, la formation peut être délivrée par des « instituts agréés » qui peuvent ne pas être les facultés de médecine.

L’acupuncture

Cette pratique trouve ses origines dans l’antiquité en Inde, puis en Chine.

Les principes de base

Elle se fonde sur une conception vitaliste de l’être humain où la santé repose sur un équilibre entre le Yin et le Yang assuré par une bonne circulation du Qi (prononcer tchi, une « énergie » supposée imprégner chacune des parties de notre corps). Les « méridiens » sont les vecteurs de la circulation du Qi. La pratique
de l’acupuncture consiste à réguler un équilibre perturbé en agissant sur la circulation du Qi au moyen d’aiguilles plantées dans les « points d’acupuncture » répertoriés. Ces points peuvent permettre une action locale, régionale ou générale. Ainsi, les indications de l’acupuncture, selon la tradition chinoise, peuvent théoriquement porter sur tous les organes. Les aiguilles peuvent être chauffées, tournées sur elles-mêmes. Aujourd’hui, l’acupuncture identifie 24 méridiens et 361 points, mais ces nombres ont varié dans l’histoire.

Évaluation

Il n’existe aucun lien entre les méridiens de l’acupuncture, vecteurs invisibles du Qi, et une quelconque entité physiologique du corps humain (organes, nerfs, etc.). Ces méridiens n’ont jamais été mis en évidence, et le concept de Qi n’est ni un concept scientifique, ni une entité « testable ».

Reste donc l’évaluation des effets, au delà d’une « théorie » ésotérique. Les publications scientifiques portant sur des essais cliniques sont très nombreuses. La base de données Pubmed retrouve près de 20.000 références pour le mot-clé acupuncture. L’Académie de médecine [5] souligne que « leur qualité est, pour beaucoup d’entre elles, estimée médiocre par les analystes qui les évaluent au regard des critères de la "médecine fondée sur les preuves" (biais méthodologiques, absence ou imperfection du placebo, "aveugle" insatisfaisant, manque de puissance statistique des résultats, impossibilité d’une méta-analyse). » Une des raisons tient à la difficulté à réaliser un « placebo d’acupuncture ».

Cette étude de l’Académie de médecine identifie une éventuelle « utilité » de l’acupuncture sur le traitement de la douleur dans différentes pathologies (comme, par exemple, les lombalgies, les cervicalgies, l’arthrose des membres inférieurs, les céphalées, les douleurs de la grossesse et de l’accouchement). Mais les preuves sont faibles, les études souvent incertaines, et l’efficacité par rapport à une acupuncture simulée (les aiguilles sont plantées en dehors des points d’acupuncture) rarement démontrée. Un des mécanismes mis en avant pour rendre compte d’un effet sur la douleur est compatible avec la vision scientifique : des substances antalgiques ou anti-inflammatoires seraient, dans certaines conditions, libérées par l’organisme. Mais beaucoup d’études soulignent la difficulté à faire la part des choses entre un effet réel et l’effet placebo induit par l’ensemble du protocole.

Références

Sur l’ensemble des pseudo-médecines, on pourra se reporter au site pseudomedecines.org
Ostéopathie
1 | profession-osteopathe.com qui propose de nombreuses définitions historiques et similaires (archive.org — 22 mars 2021).
2 | lalibre.be
3 | Rapport de l’Académie de 2006 sur le Site de l’Académie.
4 | Le dossier Ostéopathie - Chiropraxie sur le site de Science et pseudosciences.
Acupuncture
5 | Rapport de l’Académie de médecine (2013) sur les « Thérapies complémentaires » destinationsante.com

1 Leçon à l’hôpital Beaujon du professeur A. Gubler, rapportée p. 43-44 par Michel Rouzé dans son ouvrage Mieux connaître l’homéopathie », éd. de la Découverte, 1989. En fait, ce calcul est erroné puisque le diamètre de la sphère atteint 48 années-lumière, soit beaucoup plus que la distance Terre-Soleil

Publié dans le n° 305 de la revue


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Médecines alternatives

Médecines douces, médecines alternatives, médecines parallèles… différents termes désignent ces pratiques de soins non conventionnels qui ne sont ni reconnues sur le plan scientifique ni enseignées au cours de la formation initiale des professionnels de santé.

Voir aussi les thèmes : homéopathie, acupuncture, effet placebo.