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ADN-ARN une paternité imprécise

Publié en ligne le 18 avril 2012 - Information scientifique -
Trypanosoma brucei dans le sang d’un patient atteint de la maladie du sommeil

La transmission fidèle de l’information génétique de l’ADN aux ARN messagers (ARNm) 1 est considérée comme parfaite et immuable. Il existe une exception que l’on nomme l’édition des ARN. Ce mécanisme modifie certaines bases des ARN messagers, ce qui se traduit par une modification de la séquence et par un changement de structure et d’activité des protéines correspondantes. Ce phénomène est très intense chez des organismes comme le trypanosome 2 et beaucoup plus rare chez les vertébrés. Un exemple type d’édition concerne l’ARNm de la protéine APO 48 (une des protéines impliquées dans le transport des acides gras notamment de l’intestin au sang et au foie). L’ARNm natif subit la mutation d’une base qui engendre un codon stop 3. La protéine correspondante est écourtée pour ne représenter que 48 % de sa longueur totale, d’où son nom. Ce n’est que sous cette forme tronquée que la protéine peut exercer son rôle de transporteur d’acides gras de l’intestin vers le sang.

Une étude systématique a révélé que dans les lymphocytes B humains, 28 000 différences ponctuelles de séquence entre l’ADN et des ARNm ont été identifiées. Ces mutations portaient sur 10 000 régions exoniques (les parties des gènes qui contiennent les messages génétiques) de 4741 gènes. Certaines de ces mutations post transcriptionnelles se retrouvent régulièrement dans différents typescellulaires. Elles sont donc régulées. Ces mutations ont pour conséquence de donner naissance à plusieurs versions d’un nombre important de protéines dans les mêmes cellules. Les mécanismes impliqués ne sont pas connus. Les rôles de cette biodiversité insoupçonnée ne le sont pas davantage [1, 2].

[1] Grauer L. Lost in translation (disponible sur archive.org—4 mai 2020)
[2] Li M ; Wang IX ; Li Y, Bruzel A ; Richards AL ; Toung JM, Cheung VG. 2011, "Widespread RNA and DNA sequence differences in the human transcriptome". Science. 333, 53-8.

1 Copie transitoire d’une portion de l’ADN correspondant à un ou plusieurs gènes. L’ARNm est utilisé comme intermédiaire par les cellules pour la synthèse des protéines. Le concept d’ARN messager a été émis puis démontré par Jacques Monod, François Jacob et leurs collaborateurs en 1960. Source : Wikipédia.

2 Organismes unicellulaires parasites des mammifères qui se transmettent par l’intermédiaire d’insectes et responsables, p. ex., de la maladie du sommeil.

3 L’information génétique contenue dans l’ADN est décodée pour donner naissance à des protéines à chaque fois que les organismes vivants en ont besoin. Le code génétique définit la correspondance entre la suite des nucléotides (ou bases) de l’ADN et donc des ARNm et la suite des acides aminés des protéines. Trois bases successives des ARNm, appelées alors codon, correspondent à un acide aminé. Trois des codons possibles ne correspondent à aucun acide aminé. Ce sont les codons stop qui déterminent le point d’arrêt de la traduction de l’ARNm et donc l’extrémité terminale de la protéine.

Publié dans le n° 299 de la revue


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L' auteur

Louis-Marie Houdebine

Louis-Marie Houdebine (1942-2022) était directeur de recherche honoraire à l’INRA. Il a été membre de la (...)

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