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Autisme : tout ne marche pas !

Publié en ligne le 21 février 2012 - Autisme -

Dans l’autisme, rien n’est validé, tout marche si on met le paquet, c’est l’intensité de la prise en charge qui compte - Professeur Bernard Golse (propos rapportés par Libération 1)

Bernard Golse est médecin, pédiatre, pédopsychiatre et psychanalyste membre de l’Association psychanalytique de France. Ses propos rapportés par le journal Libération sont surprenants (« Dans l’autisme, rien n’est validé, tout marche »). Ceci laisse entendre qu’aucune méthode de prise en charge de l’autisme n’aurait fait l’objet d’une évaluation positive. Et qu’à l’inverse, aucune méthode utilisée jusque-là ne s’avèrerait finalement sans effet. Il ressort le vieux « verdict du dodo » 2.

On le sait, les partisans des approches psychanalytiques théorisent souvent l’impossibilité de toute évaluation de leurs pratiques thérapeutiques (la « santé mentale » n’est pas évaluable, ne peut être « normalisée », proclament-ils). Nous avons déjà souligné le côté paradoxal de cet argument 3. Car si vraiment leurs approches sont non évaluables, comment peuvent-ils affirmer leurs succès thérapeutiques ? Et au nom de quoi, si la santé mentale ne s’évalue pas, ne pas accepter également d’autres pratiques, telles que la divination, le chamanisme, la religion... Sans évaluation, sans critères explicites, au nom de quoi rejeter les unes et pas les autres ?

Une position radicalement relativiste à l’opposé de la démarche scientifique

Mais plus fondamentalement, la pierre angulaire des progrès en médecine est bien l’évaluation selon les protocoles de l’« Evidence-Based Medecine », la médecine fondée sur les preuves 4.

Les propos de Bernard Golse dans Libération visaient en réalité à répondre au journaliste qui l’interrogeait sur l’« utilisation de techniques comportementales ou de développement » dans la prise en charge de l’autisme. Le courant freudien s’est toujours largement opposé à ces approches, mais, devant leur succès, il devenait indispensable de mettre de l’eau dans son vin. Toutefois, plutôt que de le faire au nom de l’évaluation scientifique, de la validation et de protocoles rigoureux, ce qui conduirait à terme à la probable mise au rebut des approches psychanalytiques, Bernard Golse adopte une sorte de position radicalement relativiste (tout se vaudrait car rien ne serait validé).

Il existe des validations, tout ne marche pas

Malheureusement pour Bernard Golse, et heureusement pour les enfants autistes et leurs familles, mais aussi pour les professionnels de santé, il existe des résultats validés, des approches testées (voir encadré).

Ce que Libération et une partie de la presse veulent présenter comme une « guerre totale » entre deux écoles, guerre qui serait essentiellement « idéologique », est en réalité la simple avancée de la médecine scientifique qui juge sans a priori, sur la base des résultats, selon des protocoles éprouvés.

Aujourd’hui, la place de la psychanalyse dans la prise en charge de l’autisme est doublement remise en cause : la composante génétique de cette maladie est maintenant solidement établie et l’évaluation de l’efficacité des différentes méthodes thérapeutiques avance à grand pas. À ce jour, aucune des approches d’inspiration psychanalytique n’a été validée.

Autisme : tout ne marche pas, il existe de nombreuses études

Voici une recension, sans prétention à l’exhaustivité, d’études portant évaluation de différentes méthodes de prises en charge de l’autisme, compilée par l’association EgaliTED 5 et complétée par Jean Cottraux, psychiatre honoraire des Hôpitaux, avec une liste de méta-analyses, d’articles de revues et de recommandations.

Études

1 | Anderson, S. R., Avery, D. L., DiPietro, E.K., Edwards, G. L., and Christian, W.P. (1987). “Intensive home-based early intervention with autistic children”. Education and Treatment of Children, 10(4), 352-366.
2 | Bibby, P., Eiseseth, S., Martin, N. T., Mudford, O. C. and Reeves, D. (2001). “Progress and outcomes for children with autism receiving parent-managed intensive interventions”. Res Dev Disabil, 22, 425-447.
3 | Birnbrauer, J. S., and Leach, D. J. (1993). “The Murdoch early intervention program after 2 years”. Behaviour Change, 10(2), 63-74.
4 | Cohen, H., Amerine-Dickens, M., & Smith, T. (2006). “Early intensive behavioral treatment : replication of the UCLA model in a community setting”. J Dev Behav Pediatr, 27(2 Suppl), S145-55.
5 | Dawson, G., Rogers, S., Munson, J., Smith, M., Winter, J., Greenson, J. et al. (2010). “Randomized, controlled trial of an intervention for toddlers with autism : the Early Start Denver Model”. Pediatrics, 125(1), e17-23.
6 | Eikeseth, S. (2009). “Outcome of comprehensive psycho-educational interventions for young children with autism”. Res Dev Disabil, 30(1), 158-178.
7 | Eikeseth, S., Smith, T., Jahr, E., & Eldevik, S. (2002). “Intensive behavioral treatment at school for 4- to 7-year-old children with autism. A 1-year comparison controlled study”. Behav Modif, 26(1), 49-68.
8 | Eikeseth, S., Smith, T., Jahr, E., & Eldevik, S. (2007). “Outcome for children with autism who began intensive behavioral treatment between ages 4 and 7 : a comparison controlled study”. Behav Modif, 31(3), 264-278.
9 | Eldevik, S., Eikeseth, S., Jahr, E., & Smith, T. (2006). “Effects of low-intensity behavioral treatment for children with autism and mental retardation”. J. Autism. Dev. Discord., 36(2), 211-224.
10 | Fenski.EC, Zelenski.S, Krantz, P. J., & McClannahan, L. E. (1985). “Age at intervention and treatment outcome for autistic children in a comprehensive intervention program”. Analysis and Intervention in Developmental Disabilities, 5, 7-31.
11 | Handleman, J. S., Harris, S. L., Celiberti, D., Lilleheleht, E., & Tomcheck, L. (1991). “Developmental changes in preschool children with autism and normally developing peers”. Infant and Toddler Intervention, 1, 137-143.
12 | Harris, S. L., Handleman, J. S., Gordon, R., Kristoff, B., and Fuentes, F. (1991). “Changes in cognitive and language functioning of preschool children with autism”. J Autism Dev Disord, 21(3), 281-290.
13 | Harris, S. L., Handleman, J. S., Kristoff, B., Bass, L., & Gordon, R. (1990). “Changes in language development among autistic and peer children in segregated and integrated preschool settings”. J Autism Dev Disord, 20(1), 23-31.
14 | Hastings, R. P., & Symes, M. D. (2002). “Early intensive behavioral intervention for children with autism : parental therapeutic self-efficacy”. Res Dev Disabil, 23(5), 332-341.
15 | Howard, J. S., Sparkman, C. R., Cohen, H. G., Green, G., & Stanislaw, H. (2005). “A comparison of intensive behavior analytic and eclectic treatments for young children with autism”. Res Dev Disabil, 26(4), 359-383.
16 | Lovaas, O. I. (1987). “Behavioral treatment and normal educational and intellectual functioning in young autistic children”. J Consult Clin Psychol, 55(1), 3-9.
17 | Lovaas, O. I., Koegel, R. L., Simmons, J. Q., & Long, J. (1973). “Some generalization and follow-up measures on autistic children in behavior therapy”. Journal of Applied Behavior Analysis, 6, 131-166.
18 | Magiati, I., Charman, T., & Howlin, P. (2007). “A two-year prospective follow-up study of community-based early intensive behavioural intervention and specialist nursery provision for children with autism spectrum disorders”. J Child Psychol Psychiatry, 48(8), 803-812.
19 | McEachin, J. J., Smith, T., & Lovaas, O. I. (1993). “Long-term outcome for children with autism who received early intensive behavioral treatment”. Am J Ment Retard, 97(4), 359-72 ; discussion 373-91.
20 | Perry, A., et al. (2008). “Effectiveness of Intensive Behavioral Intervention in a large, community based program”. Research in Autism Spectrum Disorders 2, 621-642.
21 | Remington, B., Hastings, R. P., Kovshoff, H., degli Espinosa, F., Jahr, E., Brown, T. et al. (2007). “Early intensive behavioral intervention : outcomes for children with autism and their parents after two years”. Am J Ment Retard, 112(6), 418-438.
22 | Sallows, G. O., & Graupner, T. D. (2005). “Intensive behavioral treatment for children with autism : four-year outcome and predictors”. Am J Ment Retard, 110(6), 417-438.
23 | Sheinkopf, S. J., & Siegel, B. (1998). “Home-based behavioral treatment of young children with autism”. J Autism Dev Disord, 28(1), 15-23.
24 | Smith, T., Buch, G. A., & Gamby, T. E. (2000). “Parent-directed, intensive early intervention for children with pervasive developmental disorder”. Res Dev Disabil, 21(4), 297-309.
25 | Smith, T., Eikeseth, S., Klevstrand, M., & Lovaas, O. I. (1997). “Intensive behavioral treatment for preschoolers with severe mental retardation and pervasive developmental disorder”. Am J Ment Retard, 102(3), 238-249.
26 | Smith, T., Groen, A. D., & Wynn, J. W. (2000). “Randomized trial of intensive early intervention for children with pervasive developmental disorder”. Am J Ment Retard, 105(4), 269-285.
27 | Weiss, M. J. (1999). “Differential rates of skill acquisition and outcomes of early intensive behavioral intervention for autism”. Behavioral Interventions, 14, 3-22.

Meta-analyses

28 | Spreckley M, Boyd R (2009) “Efficacy of Applied Behavioral Intervention in Preschool Children with Autism for Improving Cognitive, Language, and Adaptive Behavior : A Systematic Review and Meta-analysis”. J Pediatr, 154 :338-44.
29 | Ortega JVR (2010) “Applied behavior analytic intervention for autism in early childhood : Meta-analysis, meta-regression and dose–response meta-analysis of multiple outcomes”. Clinical Psychology Review, 30, 387–399.
30 | Diggle TTJ, McConachie HHR. “Parent-mediated early intervention for young children with autism spectrum disorder”. Cochrane Database of Systematic Reviews 2002, Issue 2.

Revues et recommandations

31 | Ludwig S. & Harstall C. (2001). Intensive intervention programs for children with autism. Alberta Heritage Foundation for Medical Research.
32 | INSERM, Psychothérapie : trois approches évaluées, expertise collective (O. Canceil, J. Cottraux, B. Falissard, M. Flament, J. Miermont, J. Swendsen, M. Teherani, J.M. Thurin), INSERM, 2004.
33 | Fuentes-Biggi J., dir.- “Guida de buena pratica para el tratamiento de los trastornos del espectro autista,” in : Revista de Neurologia, 2006, n° 7, vol. 43, pp.425-438 / traduction de Karina Alt : Guide de bonnes pratiques dans le traitement des Troubles du Spectre Autistique. Recommandations du Groupe d’Études sur les Troubles du Spectre Autistique de l’Institut de Santé Carlos III, 30 pages.
34 | Myers SM and Plauché Johnson C : « Management of Children With Autism Spectrum Disorders », Pediatrics 2007 ;120 ;1162 ; originally published online October 29, 2007.
35 | National Health Service (NHS). Scottish Intercollegiate Guidelines Network (SIGN) : Assessment, diagnosis and clinical interventions for children and young people with autism spectrum disorders. A national clinical guideline, July 2007.
36 | National Autism Center (NAC) : Findings and conclusion. Addressing the need for évidence based practice guidelines for autism spectrum disorders. 2009 National Autism Center 41 Pacella Park Drive Randolph, Massachusetts 02368.

2 Depuis le célèbre article de Saul Rosenzweig « Some implicit common factors in diverse methods of psychotherapy » (American Journal of Orthopsychiatry, 6 : 412-415), qui date de 1936 (!), les psychologues qualifient de « verdict du dodo » l’affirmation selon laquelle toutes les psychothérapies se valent. Le dodo est un personnage de Lewis Carroll dans Alice aux Pays des Merveilles. Il organise une course dans laquelle le point de départ et la distance parcourue n’ont pas été prises en compte. À la fin de la course il déclare que « tous ont gagné et tous doivent recevoir un prix ». Signalé par Jacques Van Rillaer.

5 http://www.egalited.org/biblio.html (disponible sur archive.org—27 Fév. 2020).


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L' auteur

Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (...)

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Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) résultent d’anomalies du neurodéveloppement. Ils se manifestent par des altérations dans la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer, ainsi que par des anomalies comportementales. Malgré la diversité des troubles et les capacités d’insertion sociale très variables de ces personnes, l’autisme est reconnu comme un handicap en France depuis 1996.
Source : Inserm

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