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La consommation des clones d’animaux par les Européens ?

Publié en ligne le 18 août 2011 - Alimentation -

Le clonage des animaux d’élevage a pour principal but pratique d’obtenir des géniteurs à partir d’animaux de haute valeur génétique pour favoriser la sélection. Il n’est donc pas question de manger les clones mais seulement leurs descendants. Cette situation pose plusieurs questions auxquelles le directeur général du Centre d’analyse stratégique, Vincent Chriqui, vient de rapporter les positions nationales et européennes les plus récentes sur ce sujet 1. Les commentaires que suscitent les principales questions soulevées sont les suivants.

1) Le clonage est-il indispensable ou simplement utile pour l’Union Européenne (UE) ?

Indispensable non, utile oui. Si cela n’était pas le cas, il faudrait en toute logique cesser la sélection génétique. Le clonage n’est en effet rien d’autre qu’un moyen supplémentaire pour orienter la sélection dans les directions choisies. Il est en effet parfaitement admis que le clonage n’est pas une technique aussi puissante pour favoriser l’élevage que celles utilisées couramment pour contrôler la reproduction (transfert d’embryon, insémination artificielle et fécondation in vitro) ainsi que les techniques de sélection génétique classique.

2) Les éleveurs sont-ils demandeurs des clones ?

Aux USA sans aucun doute. Les éleveurs et les organismes de sélection de l’UE sont pour le moins réticents mais ceci ressemble fort à de l’autocensure. Les éleveurs ne sont en effet pas disposés à prendre le risque de devoir affronter des opposants et de nuire à leur image auprès des consommateurs. Un éleveur britannique a acheté de la semence de clone de vache et l’a utilisée en se taisant puis en le clamant, par provocation, semble t-il. Il y aurait donc bien des demandeurs parmi les éleveurs et non seulement du côté des entreprises réalisant le clonage des animaux. Cette provocation de l’éleveur britannique semble avoir eu pour but d’inciter les instances européennes de régulation à prendre une position claire sur ce sujet.

3) Les produits issus des clones ou de leurs descendants comportent-ils des risques alimentaires ?

Contrairement à ce qu’a proclamé Vincent Chriqui, les experts de la FDA 2 (Food and Drug Administration, aux États-Unis) et de l’AESA 3 (Autorité européenne de sécurité des aliments) sont de l’avis que les produits alimentaires issus des clones, et plus certainement encore des descendants de clones, se sont révélés avoir la même composition biochimique et la même innocuité que les produits de référence. Il est, en effet, admis que les clones âgés de six mois ou plus ne présentent pas de différence physiologique détectable par les examens vétérinaires classiques, avec les animaux de référence. Les clones sont toutefois plus ou moins épigénétiquement modifiés en raison d’une reprogrammation incomplète de leur génome qui a lieu normalement pendant la formation des gamètes et le développement précoce de l’embryon. Il est également admis que les modifications épigénétiques des clones sont éliminées par la reproduction sexuée qui a lieu pour obtenir les descendants des clones 4.

4) Le clonage pose-t-il des problèmes éthiques ?

Oui, mais pas vraiment le clonage en tant que tel. C’est plutôt la technique de clonage qui est contestée car elle peut être accompagnée, mais de moins en moins souvent, d’une souffrance certaine pour les vaches et leurs fœtus qui sont de taille anormalement élevée. Cette souffrance est toutefois limitée aux quelques clones d’animaux qui sont destinés à être exploités comme géniteurs (et non comme source directe de viande ou de lait). Ceci étant, des sondages ont montré que les citoyens consommateurs des deux côtés de l’Atlantique ne sont pas séduits par le clonage qui leur apparait par trop chargé d’artifice, pour un bénéfice limité 5.

5) Les clones posent-ils des problèmes commerciaux et règlementaires ?

Oui. Les règles de l’OMC veulent qu’un produit ne présentant pas de différence mesurable avec un autre déjà commercialisé ne doit pas être soumis à un règlement particulier. Le commissaire de l’UE John Dalli a dans un premier temps approuvé le moratoire de cinq ans sur la consommation des produits issus des descendants de clones proposé par le Parlement de l’UE. Puis, ce même Parlement, pour éviter les conflits commerciaux avec les USA, a proposé d’autoriser la mise en vente dans l’UE des produits issus des descendants des clones (viande, lait, semence et embryons) en imposant une traçabilité et un étiquetage (ce que ne font pas les Américains). Ces deux propositions pourtant peu audacieuses n’ont pas été approuvées par les gouvernements de l’UE. Le problème de la consommation de produits issus de descendants de clones reste donc dans un vide juridique. Pour éviter de devoir payer des amendes à l’OMC afin de compenser les manques à gagner des éleveurs américains, il faudrait donc envisager de modifier les règles de l’OMC ou laisser à chaque pays de l’UE le choix d’autoriser ou non la commercialisation des produits issus des descendants des clones, comme cela l’a été récemment pour les OGM.