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De profundis…

Publié en ligne le 29 mai 2011 - Psychanalyse -
par Nadine de Vos

Dans un monde où les croyances religieuses s’effritent, où les idéologies négligent la recherche de l’absolu, la psychanalyse remplace peut-être la quête du Graal.

Dominique Frischer 1.

Quelles qu’aient bien pu être les motivations profondes – réelles ou supposées – de Sigmund Freud, quelle qu’ait été la couleur de son âme ou de sa moralité, il faut reconnaître que l’homme a réussi un tour de force magistral : si aujourd’hui sa théorie a cessé de faire recette outre-Atlantique, elle a encore pignon sur rue dans quelques pays – en particulier en France - et continue à séduire et faire des adeptes, malgré ses manquements et mensonges, malgré ses erreurs. Et si chez nous sa toute-puissance semble de plus en plus ébranlée, la psychanalyse fait toujours partie de l’éducation et de l’instruction. Elle est implantée dans notre culture et jouit d’une certaine immunité, voire protection, plus ou moins importante selon les cieux.

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Et pourtant. Fondée sur l’imagination de son fondateur, enrichie grâce à celle de ses disciples ou aménagée par des doctrines schismatiques, la psychanalyse – qui ne devait sa pertinence qu’aux nombreux cas de guérison annoncés – est à présent sans assise et sans arguments. On sait désormais que ses résultats merveilleux ont été inventés et que si certains ont possiblement existé, ils ont été éphémères.

En dépit de cela, des zélateurs misonéistes 2 persistent à la défendre toutes griffes dehors et une grande partie de l’opinion publique lui accorde toujours sa confiance. Mais qu’a-t-elle donc pour plaire ?

Un fondateur, des textes, des (faux) miracles, des disciples, des conciles, des doctrines, des dogmes, des schismes, des hérésies… des victimes et qui sait, peut-être des martyrs ? Des saronides et le peuple des fidèles sous influence ? Des réponses aux questions sans réponses, enfouies dans un Inconscient dont on ne peut rien dire sauf ce qu’il n’est pas et dont on ne peut prouver ni l’existence ni la non-existence (contrairement à l’iceberg dont on peut voir le côté immergé si on plonge) ?

Les analysants, piégés dans leur thérapie, sont convaincus qu’ils se sentent mieux quand ils ont été écoutés. Toujours en quête d’apocatastase, ils n’ont pas envie de quitter cette pratique et ne souffrent pas qu’elle soit critiquée. Ils en ont besoin, ou du moins, ils le croient. Pour certains d’entre eux, parce que justement ils y croient fermement, la psychanalyse peut s’avérer propice sinon efficace.

Mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. En France, et depuis trop longtemps, la psychanalyse envahit les services psychiatriques au détriment d’autres approches - pourtant plus scientifiques et plus performantes - et ce, malgré les effets pernicieux de certaines de ses prises en charge : cuisants échecs, lourds de conséquences désastreuses, notamment dans le traitement de l’alcoolisme, des toxicomanies, de l’autisme, sans parler des drames autour des faux souvenirs induits, …

Plus concrètement, il faut aussi savoir que commencer une psychanalyse revient à « s’engager dans un processus de dépense, en argent, en temps, en énergie, pour atteindre un but donné » ; que même si l’issue est incertaine – ce dont le patient 3 n’a pas toujours conscience – il peut « avoir l’impression que chaque dépense le rapproche de ce but. Comme le « processus se poursuit sauf si l’individu décide activement de l’interrompre » et qu’il « n’y a pas au départ de limite à ses investissements » 4, il se retrouve bien souvent coincé dans un système qui, hélas, peut durer très longtemps et lui faire plus de tort que de bien.

Comprendre comment fonctionne un « piège abscons » 5 peut aider à ne pas y tomber … Puisse ce recueil éclairer dans ce sens le lecteur curieux et critique.

1 Les analysés parlent - consulté le 6 avril 2010.

2 Misonéisme : attitude qui consiste à rejeter toute innovation. Concept utilisé notamment par Jung pour expliquer la résistance à sa théorie.

3 Le mot prend ici tout son sens.

4 Voir à ce sujet R.-V. Joule et J.-L. Beauvois, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, PUG, 2002.

5 « … un individu reste sur une stratégie ou une ligne de conduite dans laquelle il a préalablement investi (en argent, en temps, en énergie) et ceci au détriment d’autres stratégies ou lignes de conduites plus avantageuses » – Ibid.