Accueil / La neuropsychanalyse, un « faux-nez » pour la psychanalyse ?

La neuropsychanalyse, un « faux-nez » pour la psychanalyse ?

Publié en ligne le 11 mai 2011 - Psychanalyse -

À la fin des années 80, dans la foulée de la parution de L’homme neuronal, le mensuel La Recherche faisait état d’un dialogue manqué entre le psychanalyste André Green et le neurobiologiste Jean Pierre Changeux 1. L’approche scientifique était accusée par le psychanalyste de « déni de la vie psychique » et plus généralement, de présenter une vision réductionniste de l’homme. En dépit de quelques tentatives isolées, le dialogue semblait impossible, d’autant que les années 90 virent, surtout hors de France, la psychanalyse et Freud remis en cause 2.

293_58-65_1

C’est pourquoi, lorsqu’en 1998 3 et 1999 4, Eric Kandel publiait dans la grande revue américaine de psychiatrie (Am J Psychiatry) deux articles (le second venant compléter et préciser l’objet du premier qui avait été à l’origine d’une correspondance très animée) invitant la psychanalyse à se rapprocher des neurosciences, ces parutions connurent immédiatement un certain retentissement, au point d’être traduits in extenso dans une revue française d’obédience psychanalytique assez stricte (L’Évolution Psychiatrique 5). Il est possible que les travaux de Kandel sur l’aplysie, un mollusque marin, qui lui ont valu un prix Nobel en 2000 pour la découverte du mécanisme de la potentialisation à long terme (LTP), support de la mémoire à l’échelle synaptique, ne constituent pas le meilleur viatique pour aborder le domaine du refoulement et de la résolution de l’Œdipe. Nonobstant, l’obtention du Nobel conférait finalement à ces considérations, somme toute assez générales, une légitimité naturelle à ouvrir des voies nouvelles 6. De fait, ces deux articles contribueront à précipiter la création d’une discipline alors encore en pénible gestation aux mains de quelques initiés new-yorkais du Neuroscience and Psychoanalysis Study Group au NYPY depuis les années 90 : la « neuropsychanalyse ». Une société internationale de neuropsychanalyse est alors fondée en 2000, dont le 10e congrès annuel s’est tenu à Paris en 2010 et dont la revue « Neuropsychoanalysis » est l’organe officiel (http://www.neuro-psa.org.uk/npsa/). Les ouvrages vont suivre, avec notamment, en langue française, et particulièrement ces cinq dernières années, plusieurs livres édités chez des éditeurs généralistes 7, y compris et jusque dans la collection « Que Sais-Je ? » des PUF, témoignant d’un certain dynamisme et d’un soif de reconnaissance. Découverte majeure ? Effet de mode ? Tentative de sauvetage ? Les neurosciences des émotions, l’étude des processus non conscients, l’asymétrie fonctionnelle cérébrale, parmi d’autres, sont des domaines de recherche qui n’ont pas attendu la « neuropsychanalyse » pour être sérieusement investis. Le plaquage des concepts psychanalytiques (refoulement, pulsion, Oedipe) sur les résultats issus de ces recherches apparaît dès lors comme une simple méthode interprétative, qui ne peut constituer autre chose qu’une lecture orientée – et nullement scientifique – de données élaborées dans un tout autre contexte…

Une naissance opportune…

C’est Mark Solms, un psychologue clinicien sud-africain, qui est crédité de l’élaboration des bases théoriques et de l’organisation pratique de la neuropsychanalyse (il en assume actuellement la coprésidence). Formé au cours des années 80, c’est un travail réalisé à Londres auprès de patients cérébro-lésés et portant sur le contenu rapporté des rêves qui le pousse à investir ce champ théorique 8. Il semble que la neuropsychanalyse soit apparue aux yeux de plusieurs responsables de la société américaine de Psychanalyse comme une opportunité de relancer l’intérêt pour une discipline qui, outre-Atlantique, prenait un tour menaçant. Le soutien institutionnel se précisant, et l’appel de Kandel validant cette approche, la société internationale de neuropsychanalyse pouvait voir le jour. L’examen du détail des travaux publiés de M. Solms montre qu’il s’agit de publications originales de faible niveau scientifique (essentiellement, des études de cas, comme son travail initial évoqué plus loin), contrastant avec des publications d’opinion ou de revue générale parfois accueillies dans des revues mieux cotées. Certains de ses travaux résonnent bizarrement dans le contexte de la psychanalyse, comme celui, auquel il est associé, reliant un polymorphisme du gène de la COMT (une enzyme sur la voie de la dopamine) et le score de dissociation après un antécédent de mauvais traitement au cours de l’enfance 9.

Des psychanalystes « sceptiques »…

La tentative de sauver la psychanalyse par un « haut » qui serait scientifique a suscité immédiatement des réserves, y compris auprès des psychanalystes eux-mêmes. La position de Kandel, suggérant que la psychanalyse puisse recourir aux méthodes neuroscientifiques pour asseoir une certaine légitimité scientifique, est critiquée notamment à partir de l’irréductibilité radicale de l’objet de la psychanalyse au matériel neuroscientifique, empêchant toute possibilité de « saisie objective » 10. Ainsi, « l’objet [de la psychanalyse] ne peut s’inscrire d’aucune façon dans le discours scientifique expérimental ». On reconnaît là la position dominante des psychanalystes qui s’oppose à toute tentative d’évaluation de leur pratique. Une position similaire est assumée par Pierre Fedida dans un article d’opinion portant sur « le canular de la neuropsychanalyse » 11, en critiquant la « naïveté » qu’il y aurait à croire que la compréhension des mécanismes neurobiologiques à l’œuvre au cours de telle ou telle activité puisse aider un psychanalyste à s’occuper de ses clients. L’impossibilité d’aborder la structure psychologique d’un sujet à partir de la connaissance des bases neurobiologiques est également avancée comme l’aporie centrale de la neuropsychanalyse par Blass et Carmeli 12 dans un article contestant radicalement l’intérêt de cette approche. En somme, les critiques internes relèvent de deux registres principaux :

  1. l’intérêt de l’approche neuroscientifique des concepts psychanalytiques n’apporte rien à la pratique clinique,
  2. l’objet de la psychanalyse ne peut être abordé par des méthodes scientifiques et expérimentales. Chacune des deux assertions semble effectivement difficile à contester.

Une vision neuroscientifique floue…

Si l’on regarde uniquement les ouvrages publiés ces dernières années en langue française, on peut constater qu’ils proviennent des deux rives : certains sont rédigés par des psychanalystes (G. Pommier, J. B. Stora), d’autres par des neuroscientifiques (P. Magistretti). Le moins que l’on puisse dire est que ceux qui émanent des psychanalystes font état de connaissances neurobiologiques approximatives, souvent datées sinon erronées, ou de surface (lecture des ouvrages grand public de Damasio, par exemple). À la page 240 de son ouvrage, par exemple, G. Pommier conteste l’atonie musculaire qui accompagne le sommeil paradoxal (ou « REM sleep »), sur l’argument que « cette description est le contraire de ce qui se passe pendant le rêve. Quiconque a dormi à côté d’une personne qui rêve sait à quel point cela peut l’agiter. De plus, le somnambulisme contredit cette thèse ». G. Pommier semble ignorer des données essentielles, connues depuis fort longtemps, qui sont que 1) les sujets fournissent également des récits de réveil lorsqu’ils sont tirés du sommeil « lent » (« non REM sleep », l’autre sommeil, celui qui ne s’accompagne pas d’atonie musculaire), 2) le somnambulisme (qui ne s’accompagne pas forcément d’un rêve) est une forme d’éveil dissocié survenant au cours du sommeil lent. La critique qu’il fait des données de Michel Jouvet repose sur son observation personnelle (« Quiconque a dormi etc. »), tout à fait en ligne avec une conception pour le moins floue de ce que peut être l’établissement d’une donnée rigoureuse, comme dans une note, page 14, où il relève : « Une cure psychanalytique n’est certes pas une expérimentation au sens où les physiologistes l’entendent. Mais, rétroactivement, les leçons tirées de plusieurs cures donnent des preuves au même titre que les expériences scientifiques ». Le « rétroactivement » est sublime.

293_58-65_2

De fait, l’essentiel de l’argumentaire repose, côté scientifique, sur les données soulignant la contribution des émotions au traitement cognitif, ou la neurologie du comportement, réinterprétées à la lumière des concepts psychanalytiques. Toute prudence interprétative est balayée, les données sont simplement transposées en termes psychanalytiques. Il existe une tendance paradoxale évocatrice d’une certaine phrénologie, comme la localisation cérébrale dans l’hémisphère droit de la pulsion (Pommier), ce qui est d’autant plus étonnant (et sans aucune base scientifique) que le « localisationnisme » a toujours fait l’objet de vives critiques à l’endroit des neuroscientifiques soupçonnés de phrénologie rampante. Dans cette perspective, les raccourcis du pire réductionnisme ne font pas peur au psychanalyste, alors qu’ils auraient fait hurler dans la bouche d’un scientifique, ainsi de G. Pommier, affirmant que « la dopamine est le neurotransmetteur spécifique du plaisir » (note 1, page 16) 13. L’ouvrage co-signé par Pierre Magistretti et François Ansermet, un neuroscientifique de renom et un psychanalyste, est naturellement moins contestable sur le plan scientifique. Les travaux de Pierre Magistretti ont porté notamment sur le métabolisme énergétique neuronal et glial, soit, il faut en convenir, assez loin de la clinique. L’argument repose notamment sur les processus mnésiques à l’échelle cellulaire et la plasticité neuronale, tout à fait dans la ligne des travaux de Kandel, qui pourraient être déclinés en termes psychanalytiques. Le risque demeure, qui n’est pas toujours évité, d’une mise en parallèle spéculative de processus neuronaux et de concepts psychanalytiques. Les points de rencontre véritable manquent, les sauts de l’un à l’autre des discours se faisant à un niveau qualitatif, tant sont hétérogènes les contenus.

Un contenu évanescent…

Une discipline scientifique ne se limite pas aux spécificités de la discussion théorique des données recueillies. De fait, on peut se rendre compte des méthodes et des résultats d’une discipline en examinant les résumés qui sont présentés dans les congrès. La dernière édition du congrès international de neuropsychanalyse, tenue le 29 juin 2009 à Paris, a donné lieu à un peu plus de 50 communications dont les résumés sont disponibles. Seize d’entre eux n’exposent pas de résultat original mais des considérations générales sur le thème de la neuropsychiatrie et huit sont des cas cliniques donnant lieu à des spéculations assez générales. Les autres sont essentiellement représentés par des travaux classiques de neuropsychologie, au cours desquels des tests sont passés à des populations plus ou moins homogènes, donnant lieu à des comparaisons. Aucun de ces travaux ne diffère de ce qui constitue le quotidien des congrès de psychologie ou de neuropsychologie. À nouveau, la seule différence vient de la portée interprétative qui leur est donnée. En somme, la neuropsychanalyse fait la même chose que la psychanalyse à l’égard de la parole du patient, elle se borne à insérer des résultats dans un cadre interprétatif. Il n’y a aucune prédictivité et aucune réfutabilité possible. La tentation est évidemment grande, comme le souligne Jaak Panksepp, d’en dire beaucoup trop, sur bien peu de choses…(« saying too much on the basis of too little data  » 14).

Localiser l’inconscient…

Une tentation principale, déjà évoquée et bien illustrée par la position de Mark Solms, est purement et simplement localisationiste, soit la forme la plus réductionniste de l’approche neuroscientifique, basée sur une interprétation naïve des données de la neuroimagerie fonctionnelle 15. C’est le cas des travaux du fondateur de la neuropsychanalyse, élaboré à partir d’une démarche anatomo-clinique auprès de patients souffrant de lésions cérébrales 16. Le procédé consiste à inférer de l’association de lésions anatomiques et de déficits systématiques (en l’occurrence la possibilité/l’impossibilité de produire un récit de rêves) de supposées relations anatomo-fonctionnelles. Les limites d’une telle approche reposent notamment sur la grande hétérogénéité des lésions observées et des sujets étudiés, et sur l’impasse faite sur les raisons envisageables qui peuvent conduire un sujet à produire ou non un récit de rêve (ne pas produire un récit de rêve ne peut être assimilé à une absence de rêve).

Le cerveau, un organe définitivement « étranger » à la psychanalyse

La neuropsychanalyse ne constitue pas une discipline identifiable par sa méthode, sa problématique scientifique ou même ses résultats. Il s’agit simplement d’une lecture interprétative de résultats neurobiologiques parfois établis depuis longtemps (neurosciences affectives et..). Elle suit également une certaine mode, comme lorsqu’elle s’empare du concept de « neurones miroirs » 17, ou du thème de l’empathie. De fait, la psychanalyse n’a pas besoin du cerveau pour s’occuper de ses clients. Il serait pour elle plus sage de reconnaître que le cerveau est un organe qui lui est radicalement étranger. À tout point de vue.

L’inconscient, une découverte de Freud ?

« S’il fallait faire tenir en un mot la découverte freudienne, ce serait incontestablement en celui d’inconscient. »

Laplanche et Pontalis, 1973, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, p. 197

« […] l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et (que) nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient. »

Freud, 1915, Métapsychologie, trad. fr. 1968, Paris, Idées, p. 66

L’Inconscient freudien

L’Inconscient est le mot-clé du freudisme. Cependant, Freud n’a pas découvert le concept d’Inconscient. Il l’a emprunté à d’autres, philosophes et psychologues du XIXe siècle, tels Leibnitz et les « perceptions confuses », Ed. Von Hartmann et sa « Philosophie de l’inconscient », ou encore Schopenhauer et Nietzsche, pour ne citer qu’eux. Littéralement, le qualificatif d’« inconscient » (avec une minuscule) décrit les phénomènes qui échappent au conscient. Avec Freud, l’« Inconscient » (avec une majuscule) désigne une partie perturbée, névrosée du psychisme, qui renferme des pensées « refoulées », parce que jugées inacceptables par la conscience. Ces pensées refoulées inconscientes sont remodelées dans l’Inconscient et ressurgissent de façon déguisée sous la forme de manifestations quotidiennes, telles les lapsus linguae, les actes manqués, les rêves, les oublis de noms et de projets, les angoisses et les symptômes névrotiques, qui s’expriment à travers le corps, ce que Freud a désigné sous l’ expression de « psychopathologie de la vie quotidienne ».

Cependant, dans les Études sur l’Hystérie (1895), J. Breuer a mis en garde contre l’idée que l’inconscient serait une chose, alors que ce n’est qu’une métaphore. Freud n’en a pas tenu compte et a fait de l’Inconscient « une chose palpable », une substance, une « antichambre » un lieu (doté donc de res extensa) : « Nous assimilons le système de l’Inconscient à une grande antichambre dans laquelle se débattent les motions psychiques telles des êtres vivants. À cette antichambre est attenante une autre pièce, plus étroite, une sorte de salon dans lequel séjourne aussi la conscience. Mais sur le seuil de la porte séparant ces deux pièces, veille un gardien qui inspecte chacune des motions psychiques, exerce la censure à leur égard et les empêchent d’entrer au salon si elles lui déplaisent. »* Freud ajoute que cette image domestique, loin d’être fantaisiste, est une « très bonne approximation de la réalité ». Il insiste : « Il ne s’agit plus d’une absence de conscience, mais bien d’une réalité en soi : une sorte de réservoir de pulsions et de représentations dissimulées sous la conscience comme une cave sous une maison. »** Ces pulsions et ces représentations se trouvent alors, comme une multitude d’agents à l’intérieur de l’Inconscient, doués de qualités, de propriétés et d’intentions.

Cette conception freudienne de l’Inconscient s’est construite à partir de l’utilisation de l’hypnose pour vaincre les « résistances » du sujet, lever le « refoulement » et ramener à la conscience les pensées pathogènes inconscientes. Freud a affirmé que les symptômes hystériques et névrotiques disparaissaient chaque fois que revenait à la conscience le souvenir d’évènements traumatiques anciens, survenus au moment de l’apparition des troubles. Au moyen de la suggestion, il pressait ses patientes de raconter leurs rêves, les orientant vers le récit d’abus sexuels supposés subis dans l’enfance (théorie de la séduction). Puis il abandonna la théorie de la séduction et adopta alors la méthode des associations libres. C’est ainsi qu’il partit à la recherche des fantasmes œdipiens (théorie du complexe d’Œdipe).

Pour justifier le bien-fondé de la méthode des associations libres, Freud montra que l’Inconscient est soumis au déterminisme psychique, postulat selon lequel des faits apparemment sans liens sont reliés entre eux par des chaînes associatives inconscientes, universelles mais latentes, ce qui explique que, alors même que l’Inconscient de tous les hommes les contient, seulement quelques hommes les manifestent. Il affirma que l’Inconscient ne connaît ni le temps, ce qui explique la pérennité des symptômes névrotiques, ni la contradiction : un analyste qui interprète les manifestations de l’Inconscient, un lapsus, un oubli de nom, peut donc dire une chose puis aussitôt après, une autre, sans se soucier de manquer de logique. Il attribua à l’Inconscient l’indifférence à la réalité et le déclara régulé par le principe du plaisir-déplaisir.

Freud fit de l’Inconscient un « Autre » en nous, un être secret (un homuncule) qui tire les ficelles de notre destin, un étranger, un intrus envahissant, d’où la phrase bien connue « Le moi n’est même pas maître dans sa propre maison », en fin de compte une sorte de Dieu, de Saint-Esprit ou de démon, dont les preuves de l’existence se trouvent, comme celles de l’Inconscient freudien, dans leurs « manifestations ».

L’inconscient cérébral

Actuellement, les neurosciences définissent comme conscient tout ce dont le sujet peut rendre compte et comme non conscient, tout ce dont le sujet ne peut pas rapporter l’existence. Il existe un traitement non conscient de l’information, notamment émotionnel et cognitif, qui s’effectue à l’insu de ce que peut rapporter le sujet ; est l’inconscient cérébral qui n’a rien à voir avec l’Inconscient freudien. Par exemple, l’identification d’un objet donné parmi plusieurs autres est plus rapide si le sujet a préalablement vu l’objet en question, même sans y prêter une attention consciente. Ou encore, pour conduire une voiture, on n’a pas besoin, à chaque instant, de réfléchir aux gestes à accomplir. La mémoire dite « procédurale » est à l’œuvre et nous permet de conduire sans y penser***.

La neuropsychanalyse

Les progrès des neurosciences ont conduit certains psychanalystes à s’associer à des spécialistes des neurosciences pour tenter de réconcilier la psychanalyse avec elles. Ils appellent leur approche la « neuropsychanalyse ». Celle-ci s‘appuie notamment, suite aux travaux d’Edelberg, sur la plasticité du réseau neuronal. En effet, toute expérience laisse des traces ou des modifications dans l’agencement du réseau neuronal. Les psychanalystes utilisent ces traces pour prétendre que le concept psychanalytique d’Inconscient possède une dimension biologique. Ils en déduisent que la psychanalyse est le cadre conceptuel approprié pour guider les neurosciences dans la neurobiologie de l’inconscient. Et ainsi construire une théorie globale du cerveau.

En résumé

Le reproche principal que l’on peut faire à la psychanalyse, c’est de prêter à l’inconscient des qualités : il ne connaît ni le temps, ni la contradiction, il est régulé par le principe du plaisir-déplaisir ; de lui prêter des propriétés : c’est le réservoir de pulsions et des intentions, comme la censure sur les pensées pathogènes, et tout cela sans preuves scientifiques.

Là encore, on retrouve la prétention récurrente de la psychanalyse à vouloir combler les lacunes actuelles de la connaissance scientifique par sa propre théorie.

Brigitte Axelrad

* Freud, The standard edition of the complete psychological works of Sigmund Freud. The Hogarth Press, 24 volumes, XI 305
** ibid, XI 306
*** Voir l’article « L’inconscient au crible des neurosciences » de François Ansermet,Pierre Magistretti, La Recherche).

1 Green A. « Un psychanalyste face aux neurosciences ». La Recherche 1992 ;247 :1166-1174 (en fait, deux articles, dont le premier avait suscité une réponse – qui n’en était pas une – de J. P. Changeux finalement parue dans un numéro précédent (!), et le second était la réponse d’A. G. à l’article de Changeux)

2 Tallis RC. Burying Freud. The Lancet 1996, 347 : 9002 : 669-671

3 Kandel ER. A new intellectual framework for psychiatry. Am J Psychiatry 1998 ;155 :457-69

4 Kandel ER. Biology and the future of psychanalysis : a new intellectual framework for psychiatry revisited. Am J Psychiatry 1999 ;156 :505-524

5 Kandel ER. « Un nouveau cadre conceptuel de travail pour la psychiatrie, A new intellectual framework for psychiatry » L’Évolution Psychiatrique 2002 ;67 :12-39 et « La biologie et le futur de la psychanalyse : un nouveau cadre conceptuel de travail pour une psychiatrie revisitée Biology and the future of psychoanalysis : a new intellectual framework for psychiatry revisited » L’Évolution Psychiatrique, 2002 ; 67 : 40-82

6 Force est également de constater qu’en dehors d’une certaine bienveillance un peu distante, Kandel ne s’est jamais mouillé plus avant dans cette histoire de neuropsychanalyse.

7 Stora JB. La neuropsychanalyse. coll. Que Sais-je ?, Paris : PUF ; 2006 ; Ouss L, Golse B, Georgieff N, Widlöcher D. Vers une neuropsychanalyse ? Odile Jacob, 2009 ; Ansermet F, Magistretti F. À chacun son cerveau. Odile Jacob, 2005 ; Ansemert F, Magistretti P. Psychanalyse et Neurosciences, Odile Jacob 2010. Pommier G. Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse. Flammarion 2004.

8 Stremler E, Castel PH. Les débuts de la neuropsychanalyse. IN Ouss L, Golse B, Georgieff N, Widlocher D. Vers une neuropsychanalyse ? Odile Jacob 2009 : 12-31

9 Savitz JB et al., « The relationship between childhood abuse and dissociation. Is it influenced by catechol-O-methyltransferase (COMPT) activiy ? » Int J Neuropsychopharm 2008 ;11 :149-161

10 Chaperot C, Celacu V, Pisani C. « Réflexions à propos des thèses et des propositions de Kandel relatives aux liens possibles entre psychanalyse et neurosciences : pour la défense d’une irréductibilité de l’objet ». Evolution Psy 2005 ;70 :131-139

11 Fedida P. « Le canular de la neuropsychanalyse ». La Recherche 2000 ;HS3 :101

12 Blass RB, Carmeli Z. « The case against neuropsychanalysis. On fallacies underlying psychoanalysis’latest scientific trend and its negative impact on psychoanalytic discourse ». Int J Psychoanal 2007 ;88 :19-40

13 Ce qui est faux. Les travaux de W. Schultz (J Physiol 1998 ; 80 :1-127) réalisés chez le primate montrent que les neurones dopaminergiques augmentent leur fréquence de décharge en réponse à la perspective d’une récompense. Son implication est certainement davantage dans la motivation, s’il faut tenter une approximation simplificatrice.

14 Panksepp J. “Neuro-psychoanalysis may enliven the mindbrain sciences”. Cortex 2007 ;43 :1106-1107

15 Telle celle véhiculée complaisamment par les médias : « on a découvert la localisation de Dieu dans le cerveau !.. », etc.

16 Et publié dans une revue confidentielle : Solms M. « New findings on the neurological organization of dreaming. Implications for psychoanalysis ». Psychoanalytic Quarterly 1995 ; 64 : 43-67

17 Voir par exemple, sur un site qui se revendique comme « le meilleur site de psychanalyse français », un article portant sur « Neuropsychanalyse made in USA » : http://www.oedipe.org/forum/read.php?6,9393 (disponible sur archive.org—19janv. 2020).