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Vers de meilleures frites

Publié en ligne le 30 août 2007 - OGM et biotechnologies -

Sources :
1. Rommens CM, Ye J, Richael C, Swords K. Improving potato storage and processing characteristics
through all-native DNA transformation. J Agric Food Chem 2006 ; 54 : 9882-7.
2. Version originale (complète) de cette brève dans Cahiers d’études et de recherches francophones / Agricultures, mars-avril 2007, volume 16, numéro 2.

Les frites sont devenues un mets très populaire à défaut d’être recommandé pour la santé. Cela est particulièrement vrai aux États-Unis où la concurrence commerciale est, on le sait, vigoureuse. Le prix des pommes de terre a donc un impact significatif sur les bénéfices des restaurateurs. Une des variétés dominantes de pomme de terre destinée à faire un petit séjour dans l’huile bouillante aux États-Unis, la Ranger Russet, est menacée par une autre, la Russet Burbank, qui est plus productive, plus riche en amidon et se laisse volontiers tailler en petits bâtonnets. Une chance pour l’ancienne variété de pomme de terre : la nouvelle vieillit mal et ne se conserve pas plus de huit semaines. Elle noircit progressivement, ce qui est peu appétissant pour les consommateurs. Une autre réaction engendre de l’acrylamide qui a divers effets néfastes sur la santé.

Ces défauts de jeunesse sont en passe d’être corrigés. Les trois gènes impliqués dans le vieillissement précoce de la variété conquérante ont été identifiés. La technique a été mise à contribution pour inhiber spécifiquement l’expression de ces gènes : les pommes de terre Russet Burbank ont perdu leurs défauts sans n’avoir rien perdu de leurs atouts. Pour le même prix, les amateurs de frites américains vont pouvoir se gaver encore plus.

Ce n’est pas tout. Dans leur publication (Rommens et al., 2006), les auteurs du projet dévoilent d’autres atours de leurs pommes de terre préférées, propres à séduire encore plus les consommateurs : tous les éléments du vecteur sont des fragments du génome de la pomme de terre en question. Il n’y a donc rien d’étranger dans cet organisme génétiquement modifié (OGM) et donc rien d’autre à craindre de lui que l’obésité. Sur ce point, la séduction est trompeuse et même perverse. L’argument peut atténuer les réticences de ceux qui sont angoissés à l’idée de consommer des aliments obtenus par transfert de gènes d’une espèce dans une autre espèce. En l’occurrence, le fait que la pomme de terre n’ait reçu que de l’ADN lui appartenant déjà ne constitue pas un argument de sécurité alimentaire. La confusion du débat sur les OGM est la cause de la perversion qui consiste à utiliser des arguments fallacieux pour répondre à une angoisse et non à un authentique problème de sécurité alimentaire. Ce n’est en effet pas l’origine des gènes transférés dans les organismes vivants qui compte tellement, c’est beaucoup plus leurs effets réels sur leur hôte. Chez ces nouvelles pommes de terre, l’expression de trois gènes impliqués dans le métabolisme de la plante a été inhibée. Ce n’est pas tout à fait rien et ces nouveaux OGM n’ont aucune raison d’être exemptés des tests de sécurité alimentaire. C’est peut-être habile, commercialement, de rassurer des consommateurs inquiets mais ce n’est pas véritablement honnête. Nul doute que les experts chargés d’évaluer les risques alimentaires ne se laisseront pas séduire par ces pommes de terre au-delà de ce qui est logique et raisonnable, même si les promoteurs du projet leur offraient des cornets de frites à volonté.