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Trop belles pour le Nobel

Publié en ligne le 9 juillet 2007
Trop belles pour le Nobel
Les femmes et la science

Nicolas Witkowski
Éditions du Seuil, 2005, 260 pages, 19 €

Quand le vieux Lalande, vénérable auteur d’une charmante et si féminine Astronomie des Dames façon Ancien Régime, vient lui offrir son ouvrage, elle lui claque la porte au nez. Comment pouvait-on la prendre – elle qui lisait Euler et Gauss dans le texte – pour une godiche ?

À propos de Sophie Germain, mathématicienne.

Nicolas Witkowski met la domination masculine en accusation, celle d’hier comme celle d’aujourd’hui, et hisse les femmes de science au rôle qui aurait dû leur être reconnu. Le ton est plaisant, vivant, piquant, féministe en diable. Alors pourquoi cette impression de faim non apaisée ? Pourquoi, le livre refermé, ne reste-t-il pas une once d’attachement à une seule de ces femmes pourtant si vives et si dignes d’intérêt ? Vingt portraits de femmes en 253 pages, c’était peut-être trop. Sans compter que dans certains chapitres, l’auteur fait appel à des consœurs pour pouvoir établir des analogies, si bien que l’abondance crée la dispersion et la superficialité. Le lecteur fait connaissance avec une multitude de personnes, leur serre la main et tourne la page ; et c’est une autre qui se présente.

Il demeure que l’ouvrage est un hommage mérité à quelques scientifiques méconnues, comme les mathématiciennes Emmy Noether, Alice Boole, ou encore Herta Ayrton, spécialiste de mécanique des fluides et qui mit au point un ventilateur pour sauver les soldats des gaz dans les tranchées. À propos d’Alice et de ses études sur la quatrième dimension, Witkowski écrit joliment : « […] les étranges sculptures bariolées d’Alice […] expliquent enfin pourquoi, comme l’affirme une idée reçue justifiée par un nombre incalculable de scènes de ménage automobiles, “les femmes ne savent pas lire les cartes”. C’est que les cartes n’ont que deux dimensions. Pas assez pour que les Alice commencent à voir. »

Personne ne sera surpris de plusieurs portraits féminins tirés de la vie domestique, où se pratiquait l’usage raisonné des plantes pour la médecine familiale (la sœur de Tycho Brahé par exemple), ce qui a pu faire progresser les connaissances sur la nature. Mais on comprend moins bien que l’auteur consacre un chapitre aux maîtresses de Schrödinger (« Les chattes de Schrödinger »), qui ne furent au mieux que des égéries qui ont émoustillé le génie de leur amant.

L’intention de Nicolas Witkowski est infiniment louable et appréciable. Mais on aurait préféré moins de femmes répertoriées, et plus de pages consacrées à chacune d’elles. Partie remise ?