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Quelques considérations aéronautiques...

Publié en ligne le 7 novembre 2011 - Attentats du 11 septembre -
Entretien avec Jean Belotti, propos recueillis par Jérôme Quirant

Les « conspirationnistes » affirment qu’un avion ne peut pas voler à plus de 800 km/h à 300 mètres d’altitude, ce qui contredirait la version des enquêteurs.

Jean Belotti : Le domaine de vol des avions est limité par une vitesse minimale et une vitesse maximale qui dépendent de l’altitude de l’avion.

La vitesse minimale (définie en fonction de certains paramètres : masse de l’avion, configuration, position des volets sortis...) est la vitesse en dessous de laquelle l’avion « décroche ».

La vitesse maximum (VMO : maximum operating airspeed limit) est la vitesse au-delà de laquelle l’avion « décroche grande vitesse » d’une façon brutale, ce qui peut causer des ruptures du fuselage, des gouvernes... lesquelles parties de la structure de l’avion peuvent se trouver à des endroits éloignés du lieu de l’impact principal. De plus, cette vitesse à ne pas dépasser est non seulement indiquée sur le cadran approprié, mais une alarme sonore se déclenche en cas de dépassement et les commandes se mettent alors à vibrer fortement, ce qui rend une conduite précise de la trajectoire impossible.

Les vitesses limites (hautes ou basses) dépendent directement de l’altitude de l’avion en raison du changement de température et de pression de l’air. Elles croissent avec l’altitude car la densité de l’air est moins forte. Pour les long-courriers volant régulièrement vers 39 000 pieds (11,8 km), la VMO est d’environ Mach 0,84 (c’est-à-dire 0,84 fois la vitesse du son ou encore 950 km/h) contre 650 km/h à basse altitude. Cette vitesse ne peut et ne doit être dépassée que pour des tests de l’appareil ou l’entraînement des pilotes.

Il en résulte qu’un avion de ligne ne peut voler à 800 km/h à proximité du sol sans risque, et si les enregistrements montrent qu’il s’en est rapproché, cela signifie que son intégrité aurait pu être mise en cause à tout moment.

De plus, lorsque les avions entrent dans les zones terminales et qu’ils passent en dessous de 10 000 pieds, ils doivent automatiquement réduire leur vitesse à 250 nœuds (environ 460 km/h), sous peine d’être aussitôt rappelés à l’ordre par le contrôleur aérien. Par expérience, ayant été pendant 10 ans chef pilote en Amérique du Nord, j’ai pu constater la rigueur avec laquelle les contrôleurs aériens faisaient respecter cette consigne. Donc, sauf si l’enregistrement des conversations entre la Tour de contrôle et les avions l’infirme, les avions des kamikazes sont arrivés sur Manhattan à une vitesse de 250 nœuds, sinon les contrôleurs auraient aussitôt été alertés par le comportement des pilotes d’un avion ne respectant pas leurs instructions.

Pourtant, au moment des impacts, des vitesses de respectivement 940 et 800 km/h ont été indiquées par le NTSB 1 pour les tours WTC 1 et WTC 2...

J.B. : Pour les raisons exposées (décrochage grande vitesse), cela est impossible sur une période prolongée sans courir de gros risques. Mais si les kamikazes ont voulu augmenter la vitesse de l’avion afin d’aggraver l’effet de l’impact, ils ont pu le faire dans les tout derniers instants, lorsqu’ils étaient certains d’être sur la bonne trajectoire, en augmentant, par exemple, la poussée des réacteurs et en profitant de l’augmentation de vitesse résultant de la mise en descente de l’avion. Ce qui est confirmé d’ailleurs par les relevés radar (figure ci-dessous) puisque l’avion n’est passé au-delà des 300 nœuds que dans les 30 dernières secondes.

Le premier avion qui a heurté la tour WTC 1 a très fortement accéléré dans les 15 dernières secondes de vol en profitant d’une descente plus marquée. (source : NTSB)

Un pilote de ligne peut-il diriger son avion contre un obstacle, manœuvre suicidaire, sous la contrainte d’un terroriste ?

J.B. : Cette hypothèse est à écarter. En effet, tout pilote de ligne, en fonction de sa formation, de son sens des responsabilités, refuserait une telle contrainte et réagirait, soit en poussant brusquement le manche en avant pour déstabiliser les pirates en espérant que leur tête vienne heurter brutalement le tableau de bord, soit, au dernier moment, éviterait l’obstacle.

Alors, les pirates étaient-ils compétents pour guider eux-mêmes l’avion jusqu’à proximité de la cible ?

J.B. : Initialement, les pirates avaient la possibilité de contraindre l’équipage à diriger l’avion jusqu’à proximité de leur cible, sous prétexte, par exemple, d’un déroutement. Ce n’est qu’en zone finale qu’ils ont pu, de force, se substituer à l’un ou l’autre des pilotes – ou aux deux – pour devenir des kamikazes. On ne peut donc écarter l’hypothèse selon laquelle le demi-tour presque complet qui a été signalé, ainsi que les corrections des dernières secondes, traduisent l’existence de difficultés dans la prise de possession des commandes de l’avion par les pirates ayant neutralisé, voire tué, les pilotes.

Des tours faisant 400 mètres de haut et 63 mètres de large sont-elles difficiles à percuter avec un Boeing 757 et par temps clair ?

J.B. : Il convient de prendre en compte que les kamikazes aux commandes avaient obtenu une licence de pilote. Le fait qu’ils aient été brevetés sur un petit appareil n’autorise pas à conclure qu’ils étaient incapables de guider, à vue, un avion de ligne, sachant combien les commandes actuelles sont souples et efficaces, et réagissent sans presque aucune inertie. Par ailleurs, il suffit de quelques séances de simulateur – avec des logiciels qui fonctionnent sur de simples ordinateurs portables et reproduisent très bien les réactions de plusieurs types d’avions aux commandes du pilote – pour se rendre compte combien il est facile de percuter une tour.

Pour heurter le Pentagone, le vol AA77 a amorcé une descente de 5 000 pieds jusqu’au sol en 2 minutes, le tout en réalisant un virage de 330 degrés. Il a été dit que c’était techniquement impossible pour l’avion...

J.B. : Il a été dit que c’était irréalisable pour un avion qui vole à 950 km/h. Certes. Mais d’après les données de la boîte noire et des radars, c’était une vitesse largement inférieure. Pour un avion qui vole dans une zone terminale, une descente à un taux moyen de 2 500 pieds/minute est un taux tout à fait courant. Quant au demi-tour presque complet en deux minutes c’est également une manœuvre standard qui se fait à une inclinaison qui est fonction de la vitesse. Enfin, comme pour les tours jumelles, il convient de noter que le pilote aux commandes n’a accéléré pour maximiser les dégâts, que dans les 30 dernières secondes de vol, une fois la trajectoire vers la cible bien maîtrisée.

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L’avion a percuté le Pentagone à 5 mètres du sol et à une vitesse de 850 km/h. Cela vous semble-t-il réaliste techniquement ? Certains truthers affirment que le rase-motte à une telle vitesse est impossible.

J.B. : L’avion n’a pas pu voler en rase-motte à 850 km/h pour viser sa cible pour deux raisons. Tout d’abord, comme expliqué plus haut, cette vitesse est en-dehors de son domaine de vol. Ensuite, s’il avait volé en rase-motte à cette vitesse il n’aurait eu aucune information exacte sur la position de la cible visée, qu’il n’aurait pu voir qu’au dernier moment, donc trop tard pour faire la correction de cap nécessaire pour l’atteindre.

En fait, l’avion n’a pu se mettre en descente qu’après avoir repéré visuellement la cible, vers laquelle il a plongé et accéléré lors d’une descente constante d’environ 4 500 pieds/minute sur les 20 dernières secondes. Il n’a été à moins de 10 mètres du sol que dans la toute dernière seconde du vol, juste avant l’impact. Ce n’était donc pas du rase-motte (figure ci-dessous).

La descente du vol AA77 sur le Pentagone a été très régulière. Il n’y a pas eu de rase-motte. (graphique construit d’après les données de la boîte noire fournies par le NTSB)

Est-il possible que des documents en papier aient été retrouvés quasiment intacts, ou à tout le moins lisibles, dans les débris enflammés de l’avion qui s’est encastré dans le Pentagone ?

J.B. : Aussi surprenant que cela puisse paraître, cela est effectivement possible et j’ai pu le constater plusieurs fois sur des sites de crashs enflammés. Il n’y a donc pas eu de phénomène très extraordinaire lors de cette journée : rien que de très commun, hélas, lors de telles catastrophes aériennes.

1 National Transportation Safety Board, organisme chargé de l’enquête pour les questions aéronautiques.