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Peut-on manipuler notre cerveau ?

Publié en ligne le 14 février 2016
Peut-on manipuler notre cerveau ?
Christian Marendaz

Le Pommier, Coll. Les + grandes petites pommes du savoir, 2015, 128 pages, 7,90 €

Il va de soi que, si cet ouvrage répond à la question du titre (par l’affirmative), il ne saurait s’y résumer et apporte aussi de riches informations connexes sur le cerveau en général. On peut même estimer que ce petit livre est une sorte de « cerveau pour les nuls ». Et si l’on prend en considération la formidable accélération des études et découvertes sur cet organe fascinant 1, un champ de recherche en pleine ébullition, on peut estimer que tout lecteur aura beaucoup à apprendre de cet ouvrage tout récent, ou pour le dire autrement, que nous sommes tous « plus ou moins nuls », devant la vitesse des découvertes actuelles. L’auteur 2 rappelle par exemple que, rien qu’en ce qui concerne les études utilisant la stimulation magnétique crânienne 3, on estime à une quinzaine le nombre d’articles publiés chaque semaine !

Toutes ces recherches, ainsi que les récents progrès en imagerie qui offrent aux scientifiques des fenêtres nouvelles pour « voir » ce qui se passe à l’intérieur du cerveau, améliorent évidemment notre compréhension du fonctionnement cérébral. Mais bien sûr, c’est aussi, comme le dit le titre, comment agir sur le cerveau qui intéresse C. Marendaz. Les deux grands axes décrits sont l’action directe, par stimulation électrique ou magnétique, et l’action indirecte, par l’apprentissage, l’hypnose ou la méditation. Cette dernière a l’avantage de pouvoir être auto-induite. Les explications de l’auteur indiquent donc que oui, l’on peut agir sur le cerveau et, grâce notamment à sa plasticité, le modifier, temporairement ou définitivement.

Un dernier champ, encore balbutiant, mais passionnant et prometteur, est celui du neuro-feedback : toute une neuro-éducation est en train d’être étudiée et mise en place, pour que nous puissionsagir nous-mêmes sur notre cerveau de manière empirique et gérer nos états cérébraux à l’aide du retour que donnent les informations issues des EEG (électroencéphalogrammes). Ces expériences ont démontré qu’il était possible de réguler certaines activités cérébrales. Les promesses, pour certaines déjà tenues, sont grandes : l’épilepsie a pu être fortement soulagée par ce moyen, et l’on teste également comment améliorer les troubles de l’attention ou l’hyperactivité, la régulation émotionnelle, les insomnies, et même la création artistique !

L’auteur indique d’ailleurs que toutes ces recherches peuvent apporter des améliorations aux personnes malades ou en souffrance, mais pas seulement : il évoque des bienfaits plus généraux, auxquels chacun pourra sans doute accéder, peut-être pas demain, mais « après-demain ». Il fait même une comparaison, sans doute judicieuse, même si un peu inquiétante, avec la chirurgie, qui a vu naître tout un volet esthétique (donc dépassant la médecine pour s’adresser aussi aux bien-portants).

Pas de doute, nous voilà à la veille d’une véritable révolution. C. Marendaz insiste bien sur la nécessité d’encadrer, comme elles le sont d’ailleurs, ces recherches par d’importantes réflexions éthiques. Il rappelle l’existence et le rôle du CPP, le comité de protection des personnes, réglementé par le code de la santé publique, associant professionnels et usagers, et à qui toute recherche doit être soumise pour approbation. Mais il souligne aussi la nécessité de réfléchir, très vite, pour encadrer également les applications et les usages sociétaux de ces nouvelles neuro-technologies.

Laissons-lui la parole pour conclure : « sachons d’abord nous intéresser à – sinon nous émerveiller de – ces bouleversements scientifiques, ouvrir notre compréhension à ce très probable changement paradigmatique, ontologique, dans la façon de conceptualiser, de comprendre au niveau neuronal ce que sont le mental, une émotion, un sentiment, une attitude et leurs dysfonctionnements » (p. 119). Oui : intéressons-nous et émerveillons-nous ! Ne serait-ce qu’en lisant ce petit livre passionnant.

1 « Mon deuxième organe préféré », disait Woody Allen !

2 Christian Marendaz est professeur de neuropsychologie cognitive au CNRS et mène des recherches au CHU de Grenoble.

3 Technique indolore et non invasive qui permet de moduler l’activité cérébrale par impulsions magnétiques appliquées localement sur le crâne et génère au niveau du cortex un courant électrique qui active les neurones sous-jacents.

Publié dans le n° 315 de la revue


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Auteur de la note

Martin Brunschwig

Martin Brunschwig est membre du comité de rédaction de (...)

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