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Pas d’avion sur le Pentagone ?

Publié en ligne le 4 octobre 2011 - Attentats du 11 septembre -

Les théories conspirationnistes à propos du Pentagone ont bien sûr connu leur essor suite à la sortie du livre de Thierry Meyssan, L’effroyable Imposture 1. L’idée de base qu’il y développe consiste à dire qu’un avion ne peut être entré par un trou de 5 mètres de côté, une image « imparable » étant utilisée pour appuyer la démonstration.

Par la suite, tout un tas d’hypothèses ont été avancées pour expliquer la forme prise par cette brèche : missile, drone, camion piégé, etc.

Une image trompeuse

La photo ci-dessous présente le Pentagone quelques minutes après l’impact, et avant qu’une partie du bâtiment ne s’effondre. En fait, elle a été prise juste au moment où les pompiers luttaient contre l’incendie qui s’est développé suite au crash, avec des lances à incendie concentrées au rez-de-chaussée, l’endroit où l’avion s’est écrasé.

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Ces lances et la fumée masquent évidemment l’essentiel des dégâts. Ne présenter que cette photo est donc très insuffisant, pour ne pas dire fallacieux. Certes, en raison de l’effondrement, il n’a pas pu être fourni de photo permettant d’avoir, sur une seule prise, toute l’étendue des dommages. Mais plusieurs clichés ont donné des vues partielles et, par assemblage, il est possible de reconstituer toute la façade (voir l’image ci-après).

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Cette reconstitution est non seulement fiable, puisque les images d’origine sont connues 2, mais elle est en parfaite concordance avec les constatations faites par les scientifiques de l’ASCE (American Society of Civil Engineers) et du SEI (Structural Engineering Institute) qui ont établi le rapport d’expertise sur le crash 3.

La façade, qui était renforcée pour résister à une attaque au véhicule piégé, a été emportée sur une largeur de près de 30 mètres. Suite à l’impact, le parement extérieur a subi des dommages sur plus de 50 mètres. Les images présentées dans le rapport donnent une idée des dégâts sur la structure du bâtiment et de l’ampleur réelle de la brèche.

Les traces et débris de l’avion

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En dehors des dégâts sur la structure du bâtiment, il y a de nombreux autres indices attestant du crash de l’avion d’American Airlines numéro 77. On a retrouvé des débris du Boeing 757, la boîte noire du vol ou encore des traces ADN de chacun des passagers. Les données de vol enregistrées étaient en parfaite concordance avec les signaux radars fournis par les différents organismes de surveillance de l’espace aérien. Toutes ces pièces ont été présentées à la justice lors du procès Moussaoui en 2006 4.

Deux passagères ont même pu téléphoner à leurs proches depuis les téléphones disponibles sur les sièges passagers, elles ont décrit le détournement par le menu.

Les tenants des thèses conspirationnistes mettent en avant qu’aucune des 85 vidéos recueillies par le FBI autour du Pentagone ne montre une image de l’avion... Mais il faut se souvenir qu’en 2001, les téléphones portables n’étaient pas encore équipés d’appareils photos et, par exemple, si les frères Naudet n’avaient pas filmé, par le plus grand des hasards, le premier crash sur la tour WTC1 5, il n’y aurait à ce jour aucune image du premier avion qui a percuté la tour n°1. Ces 85 vidéos ont été visionnées par une personne assermentée et mandatée par la justice américaine : il n’y avait rien de probant sur aucune des 85 vidéos. C’est pour cela que les seules images de l’avion, très peu convaincantes il faut l’avouer, ont été fournies par les caméras de surveillance du parking du Pentagone. Leur taux de prise étant d’une image à la seconde, elles n’ont pu capturer de manière claire un avion volant à près de 240 mètres par seconde.

À côté de ce manque certain, plus d’une centaine de témoins ont décrit l’approche très basse de l’appareil et l’explosion générée par le crash, certains décrivant même l’impact. Des lampadaires présents sur une autoroute située en surplomb du Pentagone ont même été abattus sur une largeur de 25 mètres.

Un pilotage impossible ?

Des pilotes réunis aux États-Unis dans une association demandant la réouverture de l’enquête ont indiqué que l’avion n’aurait pas pu effectuer la trajectoire d’approche décrite (prétendue « physiquement impossible ») ou que cette manœuvre était impossible à réaliser par un pilote débutant...

Lorsque ces pilotes ont essayé de produire des calculs pour tenter de démontrer leurs assertions, des erreurs de calcul grossières ont consterné jusqu’aux modérateurs du forum des truthers français (Reopen911) 6.

La trajectoire et la manœuvre n’avaient rien d’insurmontable. Dans un article sur le sujet proposé par Rue 89, Jean Belotti, ancien pilote et expert judiciaire, indique qu’« un entraînement sur simulateur, ou quelques vols dans un aéroclub, suffisent pour guider un avion dans le ciel et viser une cible. Les gros jets se pilotent presque avec deux doigts aujourd’hui ! ». Avis confirmé par Érick Derivry, le porte-parole du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) et commandant de bord chez Air France 7 : « La qualité visuelle de ces engins offre une bonne appréhension de la vitesse et de la trajectoire. Chez nous, on s’amuse même à passer à côté de la Tour Eiffel ! ».

Le pirate supposé aux commandes de l’avion, Hani Hanjour, avait une licence de pilote commercial avec 600 heures de vol à son actif, dont une vingtaine sur simulateur Boeing 737.

Un raisonnement ascientifique

Après plus de deux ans d’étude des théories conspirationnistes à propos du 11 septembre, le raisonnement « complotiste » se révèle totalement ascientifique. Il fait systématiquement appel au raisonnement hypercritique1, montant en épingle des événements totalement insignifiants et n’ayant aucun rapport entre eux. Tout le contraire de la démarche scientifique. Cette façon de raisonner a été parfaitement résumée en trois schémas par des debunkers2 américains. Sur le premier, on voit l’observation d’un phénomène physique, sur le deuxième la conclusion qu’amène à tirer une démarche scientifique « normale », et sur le dernier, les conclusions d’un raisonnement hypercritique...

On ne peut mieux résumer la pensée complotiste ! Les illustrations possibles pour l’attentat contre le Pentagone, comme pour celui contre les tours jumelles, sont nombreuses et représentatives d’un tel raisonnement. Par exemple, les théoriciens du complot reprochent aux scientifiques de ne pas avoir modélisé complètement l’effondrement des tours, de l’amorce jusqu’à sa fin. Mais le chaos généré était tel qu’il est impossible de réaliser cette modélisation finement au-delà de la première seconde d’effondrement. Autant demander à un mathématicien de prédire les chiffres du loto à partir de la position initiale des boules et la vitesse de la machine !

Du coup, les truthers en profitent pour remettre en cause tous les autres résultats des scientifiques. Dans le même registre, une de leurs lubies favorites est de dire qu’une fois amorcés, les effondrements des tours jumelles auraient dû s’arrêter. C’est bien sûr totalement absurde puisque les blocs mis en mouvement (15 à 30 étages suivant les tours) ont créé un effet dynamique impossible à compenser par la partie sous-jacente. D’ailleurs, cette technique est utilisée en démolition contrôlée : dans ce cas, les 6 à 8 derniers étages du bâtiment (et parfois moins !) sont désaxés pour chuter et agir comme un marteau pilon, détruisant l’ensemble du bâtiment. C’est ce qu’on appelle le « vérinage ». Aucune chance donc, avec 15 à 30 étages en mouvement, que l’effondrement s’arrête pour les tours jumelles. Mais cela ne fait rien, des truthers ont tenté de prouver cela, quitte à tordre en quatre les équations de la mécanique3.

J.Q.


1 La science victime de l’hypercriticisme sur monde-libertaire.net
2 nom donné aux personnes qui s’opposent aux théories du complot sur le 11/09 ou d’autres théories fantaisistes.
3 The Missing Jolt : A Simple Refutation of the NIST-Bazant Collapse Hypothesis

1 L’Effroyable Imposture & Le Pentagate, Éditions Demi-lune.

3 http://fire.nist.gov/bfrlpubs/build03/PDF/b03017.pdf (disponible sur archive.org—16 fév. 2020).

4 Zacarias Moussaoui, un Français placé en détention aux États-Unis au moment des attaques kamikazes pour défaut de visa, a été condamné à la prison à perpétuité pour six chefs d’accusation de complot en liaison avec les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Il était potentiellement le 20e homme du commando.

5 11/09, New York 11 Septembre, de Jules et Gédéon Naudet, documentaire de 95 minutes.

Publié dans le n° 296 Hors-série 11 septembre de la revue


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L' auteur

Jérôme Quirant

Jérôme Quirant est agrégé de génie civil, Maître de conférences au Laboratoire de Mécanique et Génie Civil de (...)

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