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OGM : la science prétexte à show politico-médiatique

Publié en ligne le 20 septembre 2012 -
Voir aussi notre dossier OGM : menace, fléau ou source de progrès ? ainsi que notre Hors-Série OGM.
Association Française pour l’Information Scientifique
Communiqué du 20 septembre 2012
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La publication ce mercredi 19 septembre d’un article de Gilles-Eric Séralini et collègues dans la revue Food and Chemical Toxicology s’est faite dans des conditions étonnantes. Avant même la publication officielle, prévue à 15h, le Nouvel Observateur titre de manière fracassante : « EXCLUSIF. Oui, les OGM sont des poisons ! ». La planète média s’emballe, avec des titres tous plus spectaculaires les uns que les autres. Dans le même temps, des journaux comme Le Monde et Le Figaro déclarent ne pas avoir pu accéder au contenu de l’étude pour la soumettre à des avis de scientifiques 1, au nom d’une clause de confidentialité (ce qui explique le terme « exclusif » du Nouvel Observateur).

Bref, tout a été fait pour que cette publication soit d’abord un objet d’emballement médiatique, avant d’être publiée et disponible pour la discussion scientifique.

Et dans ce brouhaha, cet affolement organisé qui voit fleurir communiqués, prises de position, injonctions diverses pour « éviter un nouveau scandale sanitaire », il sera très difficile de revenir à ce qui est réellement écrit et sur sa validité scientifique. L’emballement médiatique, la peur, les décisions dans l’urgence risquent de l’emporter, sans même que les expérimentations et leurs résultats aient pu être analysés et vérifiés.

Rappelons donc, dans ce déchaînement passionnel qui débute, que

  • En science, un seul article, quel qu’il soit et quel qu’en soit l’auteur, ne fait pas la vérité. La science, c’est la reproductibilité des expériences. Il y a de nombreux exemples de textes publiés, parfois dans des revues prestigieuses, médiatisés avec fracas, et qui n’ont pas résisté à l’examen. Citons par exemple l’affaire de la « mémoire de l’eau » du Professeur Benveniste, avec un article dans Nature, ou encore celle du Pr. Wakefield sur un lien allégué entre vaccin ROR et l’autisme... Le texte sera ensuite retiré, pour fraude, mais aura défrayé la chronique, et surtout conduit à des décisions désastreuses sur le plan sanitaire.
  • Un article qui publie sur un sujet complètement nouveau, jamais étudié avant, suscite un intérêt légitime, et appelle de façon évidente à une reproduction des expériences. C’était le cas de la mémoire de l’eau pour laquelle les tentatives de reproduction ont échoué.
  • Un article qui affirme le contraire de ce que des dizaines de papiers ont dit par le passé, mérite examen précis, mais également prudence. Les affirmations relayées par le Nouvel Observateur font partie de cette catégorie.

Ce qui devrait être logiquement entrepris, c’est un examen précis du texte, une reproduction des expériences. C’est ce que les agences sanitaires ont annoncé vouloir faire.

Les initiateurs de ce qui ressemble à une opération de communication savamment orchestrée ont obtenu ce qu’ils souhaitaient. La suite est annoncée : un film, « Tous cobayes », qui rend compte de cette expérience, ainsi qu’un livre chez Flammarion. Les auteurs, militants engagés dans la lutte contre les OGM, semblent privilégier un plan de communication médiatique au détriment du fond scientifique.

Supposons que le texte se révèle erroné, les expériences biaisées, ce qui ne serait pas la première fois en la matière, les conclusions tirées par le Nouvel Observateur fausses... les mises au point qui demandent du temps pour être établies seront inaudibles. « Pour annoncer qu’une fillette lit sans le secours des yeux, les journaux mettent de gros titres ; c’est beaucoup plus discrètement que, plus tard, ils feront savoir que l’expérience était faussée » Jean Rostand (Inquiétudes d’un biologiste, Stock 1967, p. 70)

1 « Cependant et de manière inhabituelle, Le Monde n’a pu prendre connaissance de l’étude sous embargo qu’après la signature d’un accord de confidentialité expirant mercredi 19 septembre dans l’après-midi. Le Monde n’a donc pas pu soumettre pour avis à d’autres scientifiques l’étude de M. Séralini. Demander leur opinion à des spécialistes est généralement l’usage, notamment lorsque les conclusions d’une étude vont à rebours des travaux précédemment publiés sur le sujet » (Le Monde).


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