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Regards sur la science

N’en demandons pas trop aux jeunes chercheurs

Publié en ligne le 26 mai 2015 - Sociologie -

Une nouvelle classe d’exigences auprès des professeurs et des étudiants est apparue : elle a pour objectif la préparation de l’avenir professionnel des docteurs ès sciences. On demanderait aux professeurs, et leur avancement en dépendrait, de se préoccuper de l’emploi de leurs doctorants. On voudrait aussi que, à grand renfort de séminaires et de doctoriales, les étudiants se préparent aux entretiens d’embauche, édifient des plans de carrière et apprennent à se « vendre » (ô le vilain mot) auprès des industriels.

Bel et bon. Tous ces soucis de qualification sont utiles, mais, évidence oubliée, ces préparations prennent du temps. Or, l’apprentissage des sciences et le maniement des techniques sont œuvres de patience et d’assimilation à des vitesses qui dépendent de la forme de pensée et de l’exigence interne des jeunes scientifiques. Dans l’esprit de quelques décideurs industriels, le travail sur la thèse de doctorat serait une application des acquisitions scientifiques obtenues précédemment sans que les jeunes chercheurs aient besoin d’étoffer leurs connaissances dans des domaines auxquels leurs études préalables ne les ont pas initiés. Or, bien souvent, les idées inventives résultent d’une adaptation intelligente d’un domaine étranger à celui de la spécialisation initiale et cette perception peut s’acquérir lors de la maturation de la thèse. Le travail du chercheur consiste aussi en un zapping de curiosité qui élargit sa vision, et le hasard dont tire avantage la serendipité peut-être fructueux.

Enfin, si la préparation « marketing » du chercheur peut s’appliquer à certaines sciences comme la physique, la chimie, la biologie ou les mathématiques, dans des disciplines comme l’archéologie, la paléontologie, l’histoire, la géographie où les sciences humaines, l’adéquation est moins efficace. Notre civilisation a été bouleversée par le transistor, et les physiciens qui l’ont inventé et mis au point ne se préoccupaient guère, et cela est heureux, de « merchandiser » leur invention, résultat d’une connaissance approfondie de la physique fondamentale.

Une trop grande dispersion des jeunes chercheurs pourrait être malencontreuse, voire nuisible.