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Regards sur la science

Mea Culpa

Publié en ligne le 23 novembre 2015 - Éducation -

J’avais reproché, lors d’un dernier billet, aux gens qui nous gouvernent de ne pas tenir compte des progrès dans la didactique. Je m’interroge aujourd’hui, avec d’autres, pour déterminer si des progrès sont observables, reproductibles, quantifiables et transmissibles à la façon des avancées scientifiques.

Les vérités en physique, que l’on dénomme lois, sont issues d’expériences réelles ou de pensées. Dans ces expériences, on isole une cause et, toutes choses égales par ailleurs, on observe ses effets. Cela semble difficile en éducation à la fois par l’identification de la cause que par l’évaluation de son effet avec des tests sur une population formée d’individus inégalement réceptifs. Prenons l’affirmation, étudiée par le psychologue américain Richard Iano : « Les compliments favorisent l’épanouissement de l’élève et ses progrès ».

D’une part, la cause, les compliments, peut-être verbalisée de façons différentes par des enseignants plus ou moins appréciés ou crus par les élèves : la réception des louanges et ses conséquences en dépendront. D’autre part, l’identification d’un progrès hypothétique implique que son contraire est un mal : or certains professeurs sans indulgence et avares de compliments obtiennent de bons résultats. Les pseudo lois de l’éducation ne seraient pas réfutables.

L’enseignement vise à transmettre des connaissances. Soit. Mais lesquelles ? Tout dépend des valeurs accordées à ces savoirs. Veut-on enseigner des disciplines qui permettront une meilleure adaptation au monde du travail, une sensibilité supérieure pour les arts, la formation d’élites qui créeront des richesses et du travail à partager, l’acquisition par le plus grand nombre de connaissances réputées indispensables ? On pourrait multiplier les buts. Donc l’évaluation des résultats d’un système éducatif dépendra des objectifs et que l’on ne me dise pas « politiquement » que l’on saurait tous les prendre en compte...

Les « tablettes », systèmes d’enseignement programmé, seraient-elles une solution ? La dépersonnalisation de la source de connaissances dans un enseignement informatisé pourrait-elle améliorer les conclusions tirées des tests et amener des progrès mieux mesurables ? Là encore, les évaluations des tests dépendent des valeurs souhaitées et si l’on ne sait les discriminer, les programmations sont inadéquates.

Heureusement, les enfants apprennent à parler sans que leurs parents aient des théories bien réfléchies et il ne semble pas nécessaire aux bons professeurs de connaître à fond les théories éducatives pour être efficaces. Mais alors faut-il changer continuellement les programmes et les horaires scolaires s’il est impossible de déterminer les meilleures solutions générales ? Les affirmations péremptoires et inconsidérées des petits marquis pourraient être préjudiciables : Primum non nocere affirmaient les anciens.

Publié dans le n° 313 de la revue


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L' auteur

Philippe Boulanger

Philippe Boulanger est physicien et fondateur de la revue Pour la Science. Il est membre du comité de parrainage (...)

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