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MON810 : le dossier scientifique de la clause de sauvegarde était vide…

Publié en ligne le 2 novembre 2008 - OGM et biotechnologies -

Résumé

L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) a pris connaissance, sans surprise, de l’avis de l’EFSA sur la demande de clause de sauvegarde sur la culture du MON810 présentée par la France : pas d’éléments scientifiques nouveaux présentés ; pas de raison de remettre en cause les évaluations précédentes sur la sécurité sanitaire et environnementale de ce maïs ; la demande de clause de sauvegarde n’est pas fondée.

L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) demande que les leçons de cette déplorable affaire soient tirées.

Condamnant une nouvelle fois la déformation des conclusions scientifiques à des fins politiques partisanes, l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) demande la restauration de l’intégrité scientifique dans l’élaboration des décisions politiques en réhabilitant le service public de l’expertise scientifique, seul à même, avec une compétence et une indépendance reconnues à l’échelle internationale, d’évaluer les risques (en y incluant les risques potentiels non avérés susceptibles de conduire à l’application du principe de précaution). Elle demande enfin la définition et la mise en œuvre d’une véritable politique de communication scientifique afin que chaque citoyen puisse se faire, avec un éclairage honnête des enjeux, une opinion éclairée et raisonnée, dans le champ des biotechnologies comme dans tous les autres de l’interface science, techniques et société (nucléaire, ondes électromagnétiques, nanotechnologies, sûreté alimentaire, santé publique, etc.).

Texte intégral du communiqué

« Pas de « doutes sérieux » mais au contraire un faisceau de données théoriques et expérimentales conduisant à une affirmation raisonnablement étayée : il n’y a aucun fondement scientifique à l’activation d’une clause de sauvegarde sur la culture du maïs Mon810 ». 1. Telle était la conclusion que l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) tirait le 17 janvier 2008 à l’issue du colloque qu’elle organisait sur le thème « Biotechnologies & Agriculture durable » regroupant près de 150 personnes, en majorité des chercheurs. 2 Tous les points soulevés dans l’avis sur la dissémination du MON810, émis par le Comité de préfiguration d’une haute autorité sur les OGM (dissémination, coexistence, biovigilance, sécurité sanitaire, impacts sur la faune du sol, mise en œuvre de la liberté de choix pour le consommateur comme pour l’agriculteur, etc.) avaient été présentés et discutés lors de ce colloque par des scientifiques spécialistes de chacun des aspects concernés.

La demande de clause de sauvegarde a finalement été déposée par la France. Elle a été examinée par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) et son comité scientifique spécialisé : le « panel OGM ».

L’avis rendu par l’EFSA sur cette demande a été publié le 29 octobre 2008 : il est sans appel ! 3

Dans les documents fournis par la France, le panel OGM de l’EFSA « n’a identifié aucune donnée nouvelle soumise à contrôle scientifique ni aucune information scientifique nouvelle susceptibles de modifier l’évaluation des risques précédemment réalisée sur le maïs MON810 ». « Ayant pris en compte l’ensemble du dossier d’information soumis par la France et ayant procédé à un large tour d’horizon de la littérature scientifique pertinente, le panel OGM est d’avis qu’il n’existe pas d’éléments scientifiques probants, relativement à des risques pour la santé humaine et animale ou pour l’environnement, qui justifieraient l’invocation d’une clause de sauvegarde ». En bref : pas de faits nouveaux négatifs, pas de fondement scientifique à la demande de la clause de sauvegarde...

L’Association Française pour l’information Scientifique (AFIS) :

Réaffirme que le dossier de clause de sauvegarde est scientifiquement vide ;

Condamne une nouvelle fois la déformation des conclusions scientifiques à des fins politiques partisanes

Demande que l’intégrité scientifique dans l’élaboration des décisions politiques soit restaurée et que les leçons de cette déplorable affaire soient tirées.

Réitère qu’il revient au service public de l’expertise scientifique, constitué d’experts scientifiques issus de la Recherche publique, d’évaluer les risques (en y incluant les risques potentiels non avérés susceptibles de conduire à l’application du principe de précaution) ; les conclusions de ces cercles d’experts scientifiques doivent se prémunir des biais de nature économique, industrielle, ou idéologique ; une telle élaboration des conclusions permet tout d’abord, à l’échelle internationale, de favoriser la reconnaissance mutuelle des analyses scientifiques réalisées par les différents comités d’experts scientifiques et reposant sur des publications scientifiques validées par des comités de lecture, et donc de d’augmenter l’indice de confiance qu’on peut leur apporter ; une telle élaboration permet enfin, à l’échelle nationale, aux responsables politiques et à l’ensemble des citoyens, de bien distinguer les aspects scientifiques de ceux, économiques, sociaux, industriels, ou idéologiques, qu’il leur revient aussi d’appréhender en vue de la prise d’une décision politique.

Réaffirme qu’il est plus qu’urgent, dans le champ des biotechnologies comme dans les autres champs (nucléaire, ondes électromagnétiques, nanotechnologies, etc.) de réhabiliter ainsi le service public de l’expertise scientifique, plutôt que de laisser accroire que l’objectivité et la neutralité viendraient de la confrontation avec des experts autoproclamés indépendants.

Demande la définition et la mise en œuvre d’une véritable politique de communication scientifique afin que chaque citoyen puisse se faire, avec un éclairage honnête des enjeux, une opinion éclairée et raisonnée.

Paris, le 31 octobre 2008

Rappel de la chronologie de l’« affaire MON810 »

Le 25 octobre 2007, concluant le « Grenelle de l’environnement », et évoquant les OGM, le Président de la République déclarait : « la vérité est que nous avons des doutes sur lintérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM ».

Le 31 octobre 2007, le Conseil des ministres décidait de suspendre la culture commerciale du maïs rendu résistant à la pyrale et à la sésamie (les insectes ravageurs du maïs) en attendant les conclusions d’une expertise qui serait conduite par une nouvelle instance indépendante créée avant la fin de l’année.

Le 7 décembre 2007, un arrêté du ministère de l’écologie et du développement durable porte nomination d’un « comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les organismes génétiquement modifiés » de 34 membres dont une « section scientifique » de 15 membres. La présidence de ce comité était confiée au sénateur UMP de la Manche Jean-François Le Grand.

Le 7 décembre 2007, une déclaration à l’initiative de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) est proposée pour signature à la communauté scientifique. Cette déclaration pointe notamment qu’« une décision de suspension de la culture des maïs GM, qu’elle dise son nom ou qu’elle soit dissimulée derrière des mesures réglementaires discriminatoires – et donc dissuasives – n’aurait aucune justification scientifique car elle ne s’appuierait que sur des incertitudes imaginaires voire mensongères tant sur le plan environnemental qu’alimentaire. ». Cette déclaration recueillait, en quelques semaines, près de 1500 signatures. 4

Le 8 janvier 2008, le Président de la République annonce être « disposé à engager la clause de sauvegarde » à l’encontre du maïs MON810 si le comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM « soulève des doutes sérieux ».

Le 9 janvier 2008, le sénateur Le Grand, encadré du ministre d’État Jean-Louis Borloo et de la secrétaire dÉtat Nathalie Kosciusko-Morizet, présente les conclusions du comité dont il a assuré la présidence et rapporte qu’« un certain nombre de faits scientifiques nouveaux négatifs impactant notamment la flore et la faune » ont été relevés. Et de conclure : « nous avons des doutes sérieux »

Le 10 janvier 2008, douze des quinze membres de la section scientifique du comité de préfiguration protestent publiquement dans un communiqué adressé à lAFP : le projet d’avis qu’ils ont élaboré « ne comporte pas les termes de “doutes sérieux”, pas plus qu’il ne qualifie les faits scientifiques nouveaux de “négatifs” ». Ils sont reçus, à leur demande, par Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. 5

Le 11 janvier 2008, quarante scientifiques 6 de premier plan, membres des Académies des sciences, des technologies et d’agriculture, demandent publiquement que « la parole des scientifiques soit respectée ». Ils rappellent le sérieux des évaluations réalisées par le service public de l’expertise scientifique que sont la Commission du génie biomoléculaire (CGB), l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), tout comme de celles, au plan européen, réalisées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et s’interrogent sur la décision de suspension de la culture d’une variété de plante génétiquement modifiée, « sans éléments scientifiques nouveaux solidement argumentés ».

Le 17 janvier 2008, L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS), tirant les conclusions du colloque « Biotechnologies & Agriculture durable » à l’occasion duquel les points soulevés dans l’avis sur la dissémination du MON810 émis par le comité de préfiguration d’une Haute Autorité sur les organismes génétiquement modifiés (dissémination, coexistence, biovigilance, sécurité sanitaire, impacts sur la faune du sol, mise en œuvre de la liberté de choix pour le consommateur comme pour l’agriculteur, etc.) étaient présentés et discutés par des scientifiques spécialistes de chacun des aspects concernés concluait : « Pas de “doutes sérieux” mais au contraire un faisceau de données théoriques et expérimentales conduisant à une affirmation raisonnablement étayée  : il n’y a aucun fondement scientifique à l’activation d’une clause de sauvegarde sur la culture du maïs Mon810 »

Le 9 février 2008, le gouvernement français initie auprès de l’Union Européenne le processus de clause de sauvegarde (Article 23 de la directive 2001/18/EC) et de mesure d’urgence (Article 34 du Règlement (CE) No 1829/2003).

Le 27 février 2008, la Commission européenne demande au comité scientifique spécialisé (« panel OGM ») de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments d’évaluer le dossier communiqué par la France à l’appui de ses demandes.

Le 30 avril 2008, le comité scientifique spécialisé de l’Agence Française pour la Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), sollicité le 27 février 2008 par la Direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes conclut « qu’au regard des données présentées dans le dossier dont certaines ont été réactualisées et des nombreuses données publiées dans la littérature scientifique à comité de lecture, les maïs portant l’événement de transformation MON810 et leurs produits dérivés présentent le même niveau de sécurité sanitaire que les variétés de maïs conventionnelles et que leurs produits dérivés. » 7

Le 29 octobre 2008, le comité scientifique spécialisé de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) apporte sa réponse : aucun des éléments apportés par la France n’est susceptible de remettre en cause les évaluations précédentes ; les demandes formulées par la France n’ont aucune justification scientifique. 8

1 Extrait de communiqué de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) :
Pas de « doutes sérieux » mais au contraire un faisceau de données théoriques et expérimentales conduisant à une affirmation raisonnablement étayée : il n’y a aucun fondement scientifique à l’activation d’une clause de sauvegarde sur la culture du maïs Mon810 ;
la déformation des conclusions scientifiques à des fins politiques partisanes n’est pas acceptable en démocratie : il faut restaurer l’intégrité scientifique dans l’élaboration des décisions politiques ; les attaques portées à l’intégrité et à l’indépendance des chercheurs et experts de la recherche publique française doivent cesser !
La déformation des conclusions scientifiques à des fins politiques partisanes n’est pas acceptable en démocratie.

2 http://agribiotech.free.fr/ (disponible sur archive.org—25 Fév. 2020).

3 http://www.efsa.europa.eu/cs/BlobServer/Scientific_Opinion/gmo_op_ej850_French_safeguard_clause_on_MON810_maize_en.pdf (indisponible—7-07-2020).

4 Sont à l’initiative de cette déclaration : Michel Naud, président de l’Association française pour l’information scientifique (AFIS) ; Jean-Paul Krivine, rédacteur en chef de Science et pseudo-sciences ; Louis-Marie Houdebine, directeur de recherche, INRA ; Marcel Kuntz, directeur de recherche, CNRS ; Yvette Dattée, directeur de recherche, INRA ; Philippe Joudrier, directeur de recherche, INRA ; Marc Fellous, professeur des universités, Université Paris VII http://nonaumoratoire.free.fr/.

6 Benveniste Pierre (Académie des Sciences), Bost Pierre-Etienne (Académie des Technologies), Boudet Alain (Ac Tech), Caboche Michel (Ac Sciences), Combarnous Alain (Ac Tech et Ac Sciences), Dattée Daniel (Académie d’Agriculture) Dattée Yvette (Ac Agr), Daugeras Bernard (Ac Tech), Décamps Henri (Ac Sciences), Delaage Michel (Ac Tech), Delseny Michel (Ac Sciences), Desmaret Patrice (Ac Agr et Ac Tech), Devaux Pierre (Ac Agr), DouceRoland (Ac Sciences), Dumas Christian (Ac Sciences), Feillet Pierre (Ac Agr et Ac Tech), Fillet Pierre (Ac Tech), Gallais André (Ac Agr), Galle Pierre (Ac Sciences), Gros François (Ac Sciences et Ac Tech), Isambert Jean-François (Ac Agr), Jarry Bruno (Ac Tech), Joliot Pierre (Ac Sciences), Karcher Xavier (Ac Tech), Le Buanec Bernard (Ac Agr et Ac Tech), Lehn Jean-Marie (Ac Sciences et Ac Tech) Lewiner Jacques (Ac Tech), Louisot Pierre (Ac Agr et Ac Tech), LunelJean (Ac Tech), Ménoret Yves (Ac Agr), Monsan Pierre (Ac Tech), Mounolou Jean-Claude (Ac Agr), Nougarède Arlette (Ac Sciences), Pascal Gérard (Ac Tech et Ac Agr), Pavé Alain (Ac Tech et Ac Agr), Pelletier Georges (Ac Sciences et Ac Agr), Pernollet Jean-Claude (Ac Agr), Rives Max (Ac Agr), Simon Michel (Ac. Agr), Stern Jacques (Ac Tech). http://www.lefigaro.fr/debats/2008/....

8 http://www.efsa.europa.eu/cs/BlobServer/Scientific_Opinion/gmo_op_ej850_French_safeguard_clause_on_MON810_maize_en.pdf (indisponible—07-07-2020).