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Le regain des campagnes antivaccination

Publié en ligne le 8 juin 2017 - Vaccination -
Olivier Bernard nous a fort aimablement donné l’autorisation de reproduire certaines de ses réalisations. Nous publions donc ici les planches relatives aux campagnes anti-vaccination.

Les notes en marge des dessins ont été rédigées par les animatrices du blog Rougeole Épidémiologie :

Vaccination inutile ?

« La vraie question : ces trois maladies (Dyphtérie, Tétanos, Polio) étant éradiquées grâce à l’hygiène publique, est-il nécessaire de maintenir la vaccination obligatoire ? Seuls certains enfants en ont vraiment besoin, ceux qui travaillent dans les écuries ou dans les sols souillés par du crottin de cheval. En ont également besoin les enfants vivant dans des pays en guerre où l’hygiène publique est déplorable. »

Professeur Joyeux (Top Santé, printemps 2015).

Le Professeur Joyeux a, depuis, été radié de l’Ordre des médecins pour ses propos contre la vaccination.

Aucune de ces trois maladies n’est éradiquée. L’éradication est, par définition, une élimination au niveau mondial, comme dans le cas de la variole éradiquée en 1979, ce qui permet alors de se passer du vaccin ultérieurement. À défaut d’éradication, la vaccination reste nécessaire, en plus de mesures d’hygiène. Opposer vaccinations et hygiène publique est un « faux dilemme ».

Le tétanos n’est d’ailleurs pas éradicable, car la bactérie est présente sous forme dormante dans le sol. Le risque existe pour chacun, en France comme ailleurs. On observe toujours quelques dizaines de cas par an en France, chez des personnes qui ne sont pas en ordre de vaccination. En 2004, un enfant non vacciné, pour cause d’opposition parentale à la vaccination, l’a contracté suite à une simple petite plaie de l’orteil provoquée par une écharde. En 2015, un garçon de 8 ans a également dû être hospitalisé pour traiter un tétanos. Les parents avaient bénéficié de la complicité d’un pédiatre homéopathe pour « vacciner le carnet de santé », à défaut de l’enfant. Ce pédiatre a été radié depuis lors.

La diphtérie et la polio sont absentes de France et de bien d’autres pays parce qu’on y vaccine suffisamment. Ces vaccinations sont recommandées en France, et partout ailleurs, même là où elles ne sont pas obligatoires. Car, effectivement, la vaccination obligatoire n’est pas une nécessité absolue. De bonnes couvertures vaccinales sont obtenues dans les pays qui ne pratiquent « que » les recommandations.

Quelques cas de diphtérie ont été enregistrés récemment, dans des pays voisins. En juin 2015, un enfant de 6 ans est décédé en Espagne. Les parents, qui avaient refusé de le faire vacciner, estiment avoir été trompés par les discours anti-vaccins. En mars dernier, une fillette de 3 ans non vaccinée est décédée à Anvers. Elle faisait partie des 1 % d’enfants non vaccinés contre la maladie en Belgique, où cette vaccination n’est pas obligatoire.

La polio est éliminée d’Europe depuis 2002. Avant cela, une épidémie s’est produite aux Pays-Bas dans les années 90 dans une communauté religieuse opposée à la vaccination. Bref, dans un pays et à une époque où il est impossible d’en imputer la faute à un manque d’hygiène. Une baisse de la couverture vaccinale laisserait la porte ouverte à une réintroduction de la maladie depuis l’étranger.

Le lait maternel suffisant ?

« Le lait maternel, le meilleur des vaccins : ainsi l’enfant qui reçoit le lait de sa maman n’a pas besoin d’être vacciné sauf exception, par exemple si l’un des parents ou les deux sont porteurs du virus de l’hépatite B, ce qui est heureusement très rare. »

Professeur Joyeux (dans sa « lettre » du 16/06/2016).

Les antivaccins, dans le même temps où ils ont une perception déformée des risques et bénéfices de la vaccination, ont une vision déformée des bénéfices de l’allaitement maternel. Déformations qui viennent de leur méconnaissance des mécanismes de l’immunité, en plus de l’appel à la nature. Mais même dans le grand public, et donc en dehors du cercle des antivaccins purs et durs, il y a beaucoup de confusion, en particulier concernant les rôles respectifs de l’allaitement et du transfert placentaire au cours de la grossesse.

Il existe différents types d’anticorps, comme les IgG et les IgA. Les IgG sont transmis via le placenta, et les IgA via le lait. Dans l’ensemble, en ce qui concerne les maladies contre lesquelles les nourrissons sont vaccinés, l’allaitement n’a pas beaucoup d’influence. Lorsque l’immunité
est liée à des IgG, comme dans le cas du tétanos, de la diphtérie, de la rougeole... l’allaitement ne contribuera pas à la protection de l’enfant contre cette maladie. C’est le passage placentaire qui est en oeuvre. Lorsque l’immunité est liée à des IgA, il faut encore que la maman ait elle-même suffisamment de ces IgA à transmettre pour que l’enfant soit protégé. L’immunité peut être liée à la fois à des IgG et des IgA. Dans le cas de la coqueluche, la maman n’a ni IgG ni IgA à transmettre en quantités utiles, sauf si elle a été vaccinée au cours du dernier trimestre de grossesse (comme cela est recommandé en Belgique par exemple), car ces anticorps ne persistent pas très longtemps après la vaccination ou après l’infection.

Dans tous les cas, l’immunité maternelle est limitée dans le temps, les anticorps transmis finissent par disparaître en quelques mois. Elle sert de tremplin entre la naissance et la vaccination de l’enfant, selon le calendrier des recommandations.

Les vaccins créent-ils plus de problèmes qu’ils n’en résolvent ?

« Aujourd’hui, les vaccins créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent, il est temps de changer de paradigme sur la prévention. »

Michèle Rivasi, députée européenne Europe Écologie.

Aujourd’hui, au contraire, les vaccins restent indispensables, même dans les pays développés. Les CDC (Centers for Disease Control and Prevention, États-Unis) ont publié en avril 2014 un rapport concernant les bénéfices des dernières 20 années de vaccination. Ils estiment que les vaccinations vont permettre d’éviter plus de 322 millions de cas de maladies, 21 millions d’hospitalisations et environ 732 000 décès prématurés aux 78.6 millions d’enfants nés au cours des 20 dernières années aux US. Pour donner raison aux détracteurs de la vaccination, il faudrait qu’ils soient capables, par exemple, de démontrer que les vaccinations entraîneront au moins 732 000 décès prématurés !

Ces estimations des CDC sont basées sur ce que serait l’incidence de chaque maladie dont la vaccination est incluse dans le calendrier des recommandations, si on ne vaccinait pas, ainsi que sur la létalité actuelle de ces maladies. La létalité est le taux de décès pour un nombre donné de malades.

Prenons l’exemple de la rougeole, maladie considérée comme bénigne par les anti-vaccins, mais aussi par une grande partie du grand public. En l’absence de vaccination au niveau de l’entièreté de la population, presque 100 % des enfants à naître contracteraient la maladie à un moment ou un autre de leur vie. L’incidence annuelle moyenne de la rougeole serait donc à peu près égale au nombre annuel moyen de naissances. En France, on compterait donc un peu plus de 800 000 cas de rougeole par an. Notez qu’on enregistre d’ailleurs le même nombre de cas de varicelle, maladie dont la transmission est similaire à celle de la rougeole, mais dont la vaccination n’est pas incluse au calendrier.

La létalité actuelle de la rougeole dans les pays développés est comprise entre 1/10 000 et 1/1000 cas. Un anti-vaccin convaincu vous rétorquera peut-être que ce taux est négligeable. Il devra alors vous convaincre que les effets secondaires mortels du vaccin, pourtant beaucoup moins fréquents (moins d’un cas pour un million), sont quand même à prendre en compte. Partant de cette létalité et de l’incidence, si on ne vaccinait pas en France, on pourrait donc compter de l’ordre de 80 à 800 décès par an. En élargissant le raisonnement aux autres maladies visées par les vaccinations, c’est près de 8 000 décès qui sont évitables chaque année par an en France. Ou encore, dit autrement, on peut sauver la vie d’un enfant à naître sur 100. Malheureusement, la couverture vaccinale n’est pas parfaite. Avec un taux de vaccination qui plafonne à environ 90 % contre la rougeole, les épidémies ne sont jamais très loin.

Tétanos, un vaccin inefficace ?

Le tétanos est une maladie non immunisante, on ne trouve pas d’anticorps antitétaniques chez un individu guéri du tétanos. Ceci doit nous interpeller. Comment le vaccin peut-il immuniser si la maladie elle-même ne le peut pas ?

Association Liberté Information Santé.

L’argument peut sembler légitime puisqu’on retient souvent que la vaccination consiste à présenter une version atténuée ou morte des pathogènes à l’organisme, en vue de le préparer au contact avec la
vraie version (voir la BD du Pharmachien). Par ailleurs, les antivaccins soutiennent qu’étant donné que le bacille du tétanos est anaérobie (il n’aime pas l’oxygène), les toxines qu’il produit ne peuvent pas rencontrer les anticorps vaccinaux présents dans le sang qui, lui, est oxygéné. Aucun de ces deux arguments ne résiste aux faits.

  1. La dose létale de toxine, et donc, a fortiori, la dose « qui rend malade », est si faible qu’il n’y a pas de réponse immunitaire, et donc pas d’anticorps. Le vaccin contient une version inactivée de la toxine, qu’on appelle anatoxine. On peut voir la toxine comme un assemblage de deux pièces : l’une rend malade, l’autre peut se coller à un anticorps. L’anatoxine contient seulement la seconde pièce. Le vaccin contient une énorme dose d’anatoxines et le système immunitaire peut y répondre en produisant des anticorps en quantité. Une personne à jour de vaccination peut lutter contre la petite dose de toxine produite par la bactérie. Elle est immunisée contre
    une maladie non immunisante !
  2. Les bactéries qui infectent une blessure restent sur place et produisent les toxines, qui ne craignentpas l’oxygène et vont petit à petit « diffuser », s’éloigner pour rejoindre la circulation générale qui les amène dans les tissus musculaires. Là, les toxines franchissent l’extrémité des neurones moteurs et remontent jusqu’à la moelle épinière (système nerveux central) pour empêcher la décontraction du muscle duquel elles sont parties, d’où les symptômes du tétanos. Le déplacement des toxines est beaucoup plus lent dans les axones que dans la circulation générale, d’où la période d’incubation. Ce sont les nerfs les plus courts qui seront affectés en premier, indépendamment du lieu de la blessure. Le tétanos commence donc généralement par une contraction de la mâchoire. Chez une personne immunisée, les anticorps présents dans la circulation générale (sang, lymphe) et dans le liquide qui baigne les tissus (liquide interstitiel) interceptent les toxines avant qu’elles puissent se fixer à un neurone.

Les adjuvants ?

« La population française doute de la politique vaccinale mise en
oeuvre par les autorités sanitaires. L’une des raisons exprimées par
nos concitoyens concerne les sels d’aluminium utilisés comme adjuvants dans la plupart des vaccins. »

Appel d’élus de la République demandant la remise à disposition d’un vaccin DTPolio sans aluminium initié par : Michèle Rivasi, (députée européenne EELV), Laurence Cohen (sénatrice PC), Corinne Lepage (députée européenne ADLE), Jean Lassalle (député N.I.), Philippe Madrelle (sénateur PS) et Alain Tourret (député PRG).

« On médiatise peu les effets bénéfiques des vaccins alors qu’on donne un large écho aux personnes qui s’estiment victimes d’un effet secondaire lié à la vaccination, et aux actions judiciaires, sans aucune preuve scientifique permettant d’incriminer les vaccins ou les adjuvants, dont on oublie de dire que tout moratoire sur l’utilisation des adjuvants rendrait impossible la majorité des vaccinations. En revanche, il est prouvé que la résurgence des maladies prévenues par ces vaccins entraînerait une morbidité très supérieure à celle des maladies auto-immunes ou neurologiques imputées sans preuve à la vaccination. »

Académie nationale de médecine (février 2016)
(Voir l’encadré spécifique de l’article Pourquoi cette peur des vaccins ?)

La concertation nationale

« Les mouvements anti-vaccinaux ont toujours existé mais, s’ils ne représentent aujourd’hui encore que 2 % à peine de la population, les médias, Internet et les réseaux sociaux leur permettent de décupler leurs moyens de diffusion et de faire pression plus efficacement sur des personnes d’autant plus indécises qu’elles sont mal informées, en jouant sur le registre de la peur, de l’émotion et d’un individualisme irresponsable sans souci du bien de la collectivité. Il existe ainsi de fait actuellement en France, comme en Europe et aux USA, 15 à 20% d’hésitants sur la vaccination pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Dans ce nouveau contexte de l’information en santé, sachant que participent le plus aux débats publics ceux qui ont les positions les plus radicales, l’Académie met en garde contre le risque que le débat citoyen ne soit monopolisé par la minorité d’anti-vaccinaux. La polémique l’emporterait alors au détriment d’une concertation démocratique et comtructive et, surtout, de la santé publique ! »

Académie nationale de médecine (février 2016)