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Le programme élargi de vaccination : succès et problèmes

Publié en ligne le 10 janvier 2010 - Vaccination -

Le Programme élargi de vaccination : historique

Le Programme élargi de vaccination (PEV) a été lancé en 1974 devant la constatation que 5 millions d’enfants de moins de 5 ans mouraient chaque année dans le monde, et autant restaient handicapés à la suite d’une maladie qui aurait pu être évitée par la vaccination. La proportion des enfants de moins d’un an vaccinés était alors de 5 %. Les objectifs du programme ont été d’abord dirigés vers une augmentation de la couverture vaccinale (80 % des enfants du monde étaient vaccinés contre six puis huit maladies en 1990), puis vers la réduction du poids de certaines maladies (éradiquer la poliomyélite, éliminer la rougeole, contrôler le tétanos néonatal). Depuis les années les plus récentes, il s’agit en plus d’assurer la sécurité des vaccinations, d’introduire les nouveaux antigènes dans les schémas vaccinaux, d’assurer la pérennité des programmes. Les stratégies ont également été remaniées : la vaccination individuelle, dite de routine, fondée sur un calendrier de vaccination précis, a bientôt été complétée par des activités supplémentaires, campagnes de masse, journées nationales ou même régionales de vaccination, rattrapage, porte à porte.

Près du Taj Mahal, en Inde, un enfant victime de la poliomyélite, appuyé sur sa canne, regarde ses amis jouer au ballon
Près du Taj Mahal, en Inde, un enfant victime de la poliomyélite, appuyé sur sa canne, regarde ses amis jouer au ballon © Sephi Bergerson photography http://www.sephi.com
© Sephi Bergerson photography http://www.sephi.com
Plus de deux millions de décès par an sont évitables

L’OMS estimait 1 en 2002, à 2,1 millions les décès dans le monde encore dus à des maladies évitables par des vaccins largement utilisés. Les enfants de moins de cinq ans représentent plus de la moitié de ceux qui auraient pu être sauvés. 500 000 étaient victimes de la rougeole, 400 000 d’une méningite causée par le germe de l’Haemophilus influenzae de type b (Hib), 300 000 de la coqueluche et 180 000 du tétanos du nouveau-né.

En 2008, plus de 23 millions d’enfants dans le monde n’avaient pas reçu le vaccin antidiphtérique-antitétanique-anticoquelucheux, principalement en Chine, Éthiopie, Inde, Indonésie, Irak, Nigeria, Ouganda, Pakistan, Congo et Tchad.

Les Succès

L’éradication de la poliomyélite

L’initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite a été lancée en 1988 par l’Assemblée mondiale de la santé, l’objectif final étant l’éradication de cette maladie pour 2005. La gravité de la maladie vient plus de ses séquelles que de sa mortalité. Avant la vaccination, on déplorait 650 000 cas annuels, dont les trois-quarts gardaient des séquelles et 10 % décédaient.

Les résultats ont été plus longs à atteindre que prévu. La poliomyélite est éliminée de l’ensemble des Amériques depuis 1991. La région du Pacifique occidental de l’OMS est également déclarée exempte de poliomyélite depuis 2000. La région de l’Europe de l’OMS est déclarée exempte de polio depuis le 23 juin 2002. Mais en 2008, 1651 cas de poliomyélite ont encore été enregistrés, dont 798 au Nigeria, 559 en Inde, 117 au Pakistan, et une quinzaine de pays d’Afrique et d’Asie étaient encore touchés. L’éradication de la maladie prévue d’abord pour 2010 est maintenant envisagée pour 2015 voire 2020.

Élimination du tétanos néonatal

L’élimination du tétanos néonatal passe par des conditions d’hygiène correctes à l’accouchement, et, en attendant leur généralisation, la protection renforcée des femmes par la vaccination. La vaccination des femmes enceintes selon un programme de routine au cours des examens prénataux a été utilisée, pour qu’elles transmettent leur protection à leur nouveau-né. Avant l’introduction des programmes de vaccination, 1 200 000 décès de nourrissons survenaient par tétanos néonatal peu après la naissance.

Des progrès sont encore à faire, mais l’on estime que l’élimination du tétanos néonatal se traduirait par une baisse de 10 à 25 % de la mortalité infantile, c’est-à-dire avant l’âge d’un an, toutes causes confondues. Il faudra cependant poursuivre la vaccination et les mesures d’hygiène autour de l’accouchement, le tétanos ne pouvant être éradiqué en raison de la persistance dans l’environnement de l’agent responsable.

Un bénéfice direct de la vaccination tétanique des femmes est bien sûr aussi leur protection contre le tétanos du post-partum ou du post-abortum. Entre 15 et 30 000 décès maternels sur les 500 000 qui surviennent chaque année sont dus au tétanos. La vaccination des femmes en âge d’avoir des enfants est une façon efficace et rentable d’éliminer cette cause négligée de mortalité maternelle. L’indicateur d’élimination retenu par l’OMS est un taux de mortalité par tétanos néonatal de moins de 1 pour 1 000 naissances vivantes. En 2008, 46 pays en développement ne répondent pas encore à cette condition. Bien que, en 2008, 90 millions de femmes vivant dans des zones à risque élevé aient reçu deux doses de vaccin antitétanique au cours d’activités supplémentaires de vaccination, le nombre de cas de décès d’enfants dus au tétanos néonatal reste estimé à 128 000. Une femme enceinte sur quatre n’est pas encore vaccinée contre le tétanos à l’échelle mondiale, une sur trois dans la région de la Méditerranée orientale.

Contrôle de la rougeole

Autrefois, la rougeole tuait plus d’enfants que toute autre maladie évitable par vaccination. En 2001, le nombre de cas de rougeole dans le monde est estimé entre 30 et 40 millions, avec 777 000 décès. En 2007, le nombre de décès est estimé à 197 000, mais la couverture vaccinale reste insuffisante pour contrôler la rougeole, en particulier en Afrique et dans le sud-est asiatique où le pourcentage d’enfants de moins d’un an vaccinés n’atteint que 75 % en 2008. Les résultats de la vaccination sont très probants puisque Cuba, les Caraïbes anglophones, la Finlande et la Norvège, les Républiques tchèque et slovaque, la Hongrie ont éliminé la rougeole. Dans la région des Amériques, le nombre de cas est passé de 250 000 en 1990 à 176 cas confirmés en 2007. Mais un grand pas reste à franchir pour réaliser dans l’ensemble des pays du monde l’effort nécessaire pour obtenir une couverture vaccinale contre la rougeole supérieure à 95 % pour deux doses de vaccin.

Les autres vaccinations

La communauté internationale a également eu à faire face à une épidémie importante de diphtérie dans les pays d’Europe de l’Est. Après une augmentation massive du nombre de cas, qui doublait d’une année à l’autre entre 1991 et 1994, l’épidémie a culminé à 50 412 cas en 1995 et semble contrôlée puisqu’en 1996, 20 298 cas ont été répertoriés, 6 236 en 1998, et 2 786 en 1999 et 220 cas en 2007. Ceci grâce aux efforts massifs de vaccination avec les doses de vaccins appropriés en fonction de l’âge, pour obtenir une couverture vaccinale importante. D’autres épidémies récentes, montrent bien la nécessité d’une surveillance épidémiologique rigoureuse, d’une augmentation des vaccinations dans toutes les régions.

Faut-il relâcher l’effort ?

« Trois pays – la Grande-Bretagne, la Suède et le Japon – ont freiné l’utilisation du vaccin anticoquelucheux en raison des craintes suscitées par le vaccin. L’effet a été immédiat et très grave. En Grande-Bretagne, le recul de la vaccination anticoquelucheuse en 1974 a été suivi d’une épidémie dans le cadre de laquele on a enregistré plus de 100 000 cas de coqueluche et 36 décès jusqu’en 1978. Au Japon, à peu près à la même époque, une baisse des taux de vaccination (de 70 % à 20-40 %) a provoqué un rebond de la coqueluche : on est passé de 393 cas et aucun décès en 1974 à 13 000 cas et 41 décès en 1979. En Suède, le taux d’incidence annuele de la coqueluche pour 100 000 enfants de moins de 6 ans est passé de 700 cas en 1981 à 3200 en 1985. À partir de ces faits, il semble évident que non seulement les maladies ne disparaîtraient pas en l’absence de vaccination, mais que, si l’on cessait de vacciner, elles réapparaîtraient. Un fait plus intéressant dans l’immédiat est la grave épidémie de diphtérie qui s’est produite dans l’ex Union soviétique dans les années 90 ; de faibles taux de primo vaccination des enfants, et l’absence de vaccinations de rappel chez les adultes, ont entraîné une augmentation du nombre des cas, qui est passé de 839 en 1989 à près de 50 000 (et 1 700 décès) en 1994. Il y a eu au moins 20 cas importés en Europe et 2 cas chez des ressortissants américains qui avaient travailé dans l’ex Union soviétique. »

Six idées fausses courantes sur la vaccination. OMS.

Le BCG est recommandé dans les pays d’endémie tuberculeuse élevée, sous forme d’une dose unique, administrée par voie intradermique, le plus tôt possible après la naissance, sans tests tuberculiniques ni avant ni après, et sans revaccination. Le vaccin a clairement montré son efficacité à prévenir les méningites et les miliaires tuberculeuses (formes graves, généralisées de tuberculose) de l’enfant. Les taux de couverture vaccinale à l’âge d’un an sont les plus élevés de toutes les vaccinations (89 % de la population cible à niveau mondial en 2008). Ce chiffre reflète la proportion d’enfants protégés contre les formes graves de tuberculose et, le vaccin étant administré dès la naissance, est un indicateur de l’accès aux services de santé. Mais la lutte contre la tuberculose est centrée d’abord sur le dépistage des cas contagieux qui surviennent avant tout chez l’adulte, et leur traitement. Rappelons que le nombre de cas mondiaux est estimé par l’OMS à 9 millions en 2007.

La vaccination contre la coqueluche, généralement administrée en combinaison avec les vaccins diphtérique et tétanique chez l’enfant, bénéficie de la même couverture vaccinale que ces antigènes chez l’enfant de moins d’un an, soit environ 80 % pour trois doses. Le nombre de décès par coqueluche estimés par l’OMS se situe autour de 254 000 en 2007 alors qu’il était de un million en 1980.

Les problèmes

Couverture vaccinale insuffisante

Les vaccins plus récemment introduits dans les programmes sont encore insuffisamment administrés.

5,2 millions de cas d’hépatite B aigus, plus de 600 000 décès (par cirrhose et cancer du foie, ou liés à l’infection aiguë), 350 millions de porteurs chroniques, telles sont les données de base des dommages causés par ce virus. La recommandation des experts du groupe consultatif mondial en 1991, entérinée par l’Assemblée mondiale de la santé en 1992 d’inclure la vaccination contre l’hépatite B dans les programmes de prévention vaccinale dans tous le pays du monde à l’échéance de 1997, a lentement été mise en œuvre, entre autres du fait du prix élevé du vaccin. La couverture vaccinale mondiale atteint 70 % en 2007.

Un important problème résiduel est celui de la fièvre jaune. On estime à 200 000 le nombre de cas annuels et à environ 30 000 le nombre de décès. Dans les pays d’Afrique exposés à cette maladie, les taux de couverture atteignent à peine 50 % contre 91 % en Amérique du sud, en 2008. Des campagnes de vaccination sont donc mises en œuvre au coup par coup et dans l’urgence lors de poussées épidémiques de cette maladie alors que la vaccination en routine des enfants est beaucoup plus rentable et devrait être encouragée.

Les infections à Haemophilus influenzae de type b, tuent d’après les estimations, environ 450 000 enfants de moins de cinq ans chaque année, par pneumonie grave ou méningite. Les pays qui ont introduit ce vaccin dans le calendrier de vaccination des enfants voient l’incidence de ces infections diminuer de manière impressionnante.

D’autres vaccins, couramment utilisés dans les pays industrialisés, sont à peine en cours d’introduction dans les pays en développement. On estime par exemple que le nombre de rubéoles congénitales s’élève à 100 000 chaque année, avec leur ensemble malformatif cardiaque, oculaire cérébral, auditif... L’association du vaccin rubéoleux avec celui contre la rougeole, en particulier dans les pays ayant atteint des taux de couverture vaccinale supérieurs à 80 % contre la rougeole, devrait pouvoir faciliter la mise en œuvre de programme d’élimination de la rubéole, et contrôler la maladie.

Les infections invasives à méningocoque sévissent à l’état endémique dans le monde entier. Les méningites à méningocoques peuvent donner lieu à des épidémies brutales et importantes, atteignant 300 000 à 500 000 personnes et provoquant entre 30 000 et 60 000 décès. Les vaccins contre les sérogroupes A et C sont mis au point depuis les années 70, mais leur utilisation n’est pas systématique, leur fabrication pas toujours suffisante et leur prix élevé. La mise au point de vaccins conjugués, efficaces chez les jeunes enfants avant l’âge de 2 ans et conférant une protection plus durable, l’inclusion dans ces vaccins de nouveaux sérogroupes (W135) récemment apparus dans certains pays d’Afrique sont prévus pour les années qui viennent. Leur prix devra être négocié pour que ces vaccins puissent être largement utilisés.

Les maladies à pneumocoques seraient responsables selon l’OMS de 735 000 décès chaque année et les infections à rotavirus de 527 000 décès. Seuls trente et un des 193 États membres ont introduit le vaccin antipneumococcique dans leur calendrier de routine, et 19 celui contre les rotavirus.

La sécurité des injections

Les injections dans de mauvaises conditions peuvent amener des complications de type infectieux. La contamination par des agents pathogènes de transmission sanguine comme l’hépatite B, la dengue, le paludisme et le virus de l’immunodéficience humaine peut se faire par les injections. Le matériel mal stérilisé peut provoquer d’autres types d’infection, abcès, septicémie, tétanos. De nombreuses personnes sont exposées au risque lié au matériel non stérile, à la fois les patients chez qui du matériel septique est utilisé, le personnel de santé qui risque de se piquer accidentellement et l’ensemble de la communauté, si le matériel utilisé est revendu ou n’est pas éliminé dans les conditions requises. Des complications autres, comme les effets indésirables connus des vaccinations, peuvent également survenir, tels les adénites post-BCG ou les chocs toxiques ou anaphylactiques.

La tendance est donc actuellement à exiger que les commandes de vaccins comprennent également les seringues autobloquantes en nombre égal à celui des doses de vaccins et les boîtes nécessaires à leur élimination après usage. La destruction de ces boîtes par incinération doit également être programmée. Toutes les injections vaccinales devraient être effectuées dans ces conditions depuis début 2003.

L’avenir

Les vaccinations restent un important moyen de lutter contre la morbidité et la mortalité de la mère et de l’enfant. Des efforts considérables ont été faits pour proposer à un maximum d’enfants les vaccinations les plus courantes, et aux femmes une protection contre le tétanos qui protège en plus leur nouveau-né contre le tétanos néonatal. Les objectifs les plus récents s’orientent vers l’élimination, voire l’éradication de certaines maladies comme la poliomyélite, la rougeole, le tétanos néonatal. Mais il persiste des insuffisances et des inégalités entre les pays. Les couvertures vaccinales varient, et en 2008, 23,5 millions d’enfants dans le monde n’avaient pas reçu leurs vaccinations avant la fin de leur première année de vie. L’accès aux vaccins récemment mis sur le marché a augmenté mais reste limité, le plus souvent dans les pays qui en auraient le plus besoin. Si un effort louable a été fait pour assurer la qualité et l’innocuité des vaccins, la sécurité des injections reste encore parfois approximative et le problème de l’élimination des déchets se pose de façon chronique. Enfin, le financement des vaccins et des vaccinations n’a pas suivi la croissance démographique et l’augmentation des coûts d’administration des vaccins, en dépit des efforts novateurs pour trouver des fonds.