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Le chasseur de plantes

Publié en ligne le 17 mai 2006 -
par Annie Cloutier

Faire rimer horticulture et aventure peut paraître surprenant. Mais pour Dave Demers, c’est un croisement parfaitement réussi. Son amour des fleurs et des voyages l’a notamment mené en Chine, en Argentine, au Chili, en Afrique du Sud et en Inde, à la recherche de plantes qui pourraient se plaire dans nos plates-bandes nord-américaines. Il était récemment de passage à Montréal, pour disséminer sa passion aux amants de la flore au cours d’une conférence. Portrait.

Diplômé en horticulture à Saint-Hyacinthe, David Demers a joué les guides-interprètes, exercé son pouce (vert) dans un jardin privé dans l’État de New York et occupé, pendant trois ans, le poste d’horticulteur en chef au Domaine Joly de Lotbinière. Puis un jour, il déniche un livre où l’on décrit les trouvailles horticoles les plus étonnantes d’un chasseur de plantes globe-trotter : The Explorer’s Garden de Daniel J. Hinkley : « c’est le livre sur lequel j’ai vraiment accroché. En regardant la photo de l’auteur posant devant l’Himalaya, je me suis dit : ça a l’air le fun ça ! » raconte-t-il, l’œil brillant.

Aventures horticoles

Voyageant tantôt à ses frais, tantôt grâce à des commanditaires qui reçoivent en échange une partie des semences récoltées, il explore par exemple l’Afrique du Sud où il découvre des familles de plantes dont il n’a jamais entendu parler auparavant. « Je réalisais qu’il y avait énormément plus d’espèces que sur les tablettes de centres jardins ! » En escaladant les montagnes Drakensberg, il découvre un massif d’Eucomis (ou lys ananas) qui pousse à flanc de montagne parmi les herbes. « Voir ces plantes sauvages, spectaculaires pousser naturellement comme des pissenlits, c’était tellement improbable. J’en sautais sur place ! »

Un périple en Chine - où l’on retrouve 20 % de la flore mondiale - le met en présence d’une biodiversité extraordinaire. « En me tenant pendant une heure devant mon hôtel dans un petit village du Nord-Est du Sichuan, j’ai recensé plus d’espèces que pendant trois mois en Mongolie ! » s’émerveille-t-il. Ces steppes mongoles, il les arpente au cours d’une mission que lui confie l’Institut québécois de développement en horticulture ornementale, financé par l’ACDI. « Je regardais les fleurs et je décidais s’il valait la peine de revenir récolter les semences pour éventuellement les mettre en culture au Québec. »

En Asie, il voit entre autres, des Aconitum qui poussent en plein champ ou dans des boisés. « Ces plantes de climat tempéré seraient bien rustiques au Québec, en plus d’y être déjà bien appréciées » commente-t-il. Désirant lancer sa propre collection, le prospecteur de plantes se met donc au travail. Il souhaite en faire des hybrides afin de les rendre plus faciles à cultiver tout en augmentant leur valeur ornementale.

Car si certaines plantes sont intéressantes à l’état sauvage, d’autres ont besoin d’un petit coup de pouce. « On en sème pendant plusieurs années et sur les 10 000 qui vont lever, on en sélectionnera une qui fait des fleurs plus grosses ou qui fleurit plus longtemps. Ensuite, on peut l’hybrider en prenant un peu de pollen sur une plante et en le posant sur une autre. »

Voir les espèces pures en milieu naturel le renseigne également sur les variations qui ont mené à la plante qui croît dans notre jardin. Il donne pour exemple le Caryopteris, un petit arbuste aux fleurs bleues dont l’hybride n’est pas très adapté au Québec. Or, une espèce cousine pousse en Mongolie où le climat continental extrême rend la vie dure aux plantes. M. Demers croit que « si on prenait ce Caryopteris et qu’on ajoutait un peu de son bagage génétique dans les hybrides qu’on a déjà, on pourrait faire des hybrides plus résistants à nos hivers ».

Lorsqu’une plante a retenu son attention, il en récolte de petites quantités de semences qu’il utilise comme échantillons pour se bâtir un inventaire. « L’impact écologique de notre cueillette est minimal, prévient-il. Un moineau ferait plus de dégâts ! » Si les plants eux-mêmes sont rarement prélevés c’est parce que les graines sont faciles à nettoyer et inspecter. Ainsi, à la fin de la journée, la chambre d’hôtel devient encombrée de semences mises à sécher après avoir été brossées (ou même rincées), dans des filtres à café. Sans cela, ces précieux germes de vie ne pourraient obtenir leur certificat phytosanitaire nécessaire à leur passage dans « la moulinette administrative » de l’importation.

Selon les voyages, ces graines iront enrichir la collection botanique de commanditaires : (souvent des collectionneurs ou des propriétaires de jardins privés) ou permettront au jardinier aventurier de faire pousser sa propre entreprise : une pépinière dans le sud de la Colombie-Britannique. « Transplanté » l’an dernier à Vancouver, il y fait également des aménagements et de la consultation en plus de collaborer à Québec Vert et Côté jardin, des revues horticoles. Mais l’explorateur a la bougeotte et se sent un peu nerveux : « je n’ai pas encore de destination pour l’automne ».

Quelqu’un veut-il passer sa commande ?


Mots-clés : Écologie


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