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Le cas Adamski

Publié en ligne le 14 juillet 2012
Le cas Adamski

Marc Hallet
Éditions de l’Œil du Sphinx, Les Cahiers Fortéens, Vol.1, 2010, 280 pages, 22 €

Marc Hallet n’est pas inconnu de nos lecteurs les plus fidèles. Dans ces colonnes, Michel Rouzé avait rendu compte de la somme sur le sujet qu’il avait publiée à compte d’auteur en 1989 1, Critique historique et scientifique du phénomène OVNI. Il est également bien connu dans le domaine de la démystification ufologique, à laquelle il consacre de nombreux travaux depuis plus de vingt ans.

Le cas Adamski s’attaque à un personnage aujourd’hui un peu oublié, mais qui connut un succès considérable à partir des années 50.

Né en Europe d’une famille polonaise rapidement immigrée aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, sans diplôme, Adamski vit de travaux manuels avant de se lancer dans l’enseignement au sein d’une organisation se disant d’inspiration tibétaine, puis de publier un roman de science-fiction en 1949, qui sera certainement sa source d’inspiration pour les récits prétendus réels qui lui apporteront le succès par la suite.

En cette lointaine époque, il faut se rappeler que l’Homme était encore prisonnier de sa petite planète et qu’il n’avait pas encore envoyé en orbite cette petite boule métallique baptisée Spoutnik. On ne connaissait les planètes de notre système solaire qu’à travers le miroir des télescopes terrestres, autant dire qu’on n’en savait presque rien au regard des connaissances acquises depuis, surtout pour les plus lointaines.

À cette époque également, la science-fiction, très populaire, était sans doute dans une sorte d’âge d’or, autant dans la littérature (Herbert, Asimov, Astounding stories, etc.) qu’au cinéma (Le jour où la terre s’arrêta de Robert Wise en 1951, Planète interdite de Fred M. Wilcox en 1956, etc.) 2.

Tout cela, et la vogue naissante des OVNI, était sans doute propice au succès des histoires invraisemblables qu’allait raconter George Adamski d’enlèvements par des extraterrestres, d’abord vénusiens puis saturniens, et de promenades dans le système solaire. On ne connaissait de « l’étoile du berger » 3 guère plus que l’épais nuage grisâtre de son atmosphère, ce qui laissait la porte ouverte à tous les fantasmes sur de potentiels habitants de ce monde mystérieux. Ce n’est que bien des années plus tard que les sondes spatiales démonteront toute hypothèse d’habitabilité humaine de notre voisine (effet de serre monstrueux induisant une température au sol supérieure à 400 °C, présence d’acide dans l’atmosphère, pression atmosphérique très élevée, etc.).

Ces récits, dont le fameux Les soucoupes volantes ont atterri (Éd. La Colombe, 1954), plus proches de contes infantiles modernes que de récits scientifiquement crédibles, apportèrent pourtant une grande notoriété à son auteur qui parcourut le monde pour vanter les ouvrages qui narraient ses pérégrinations interplanétaires et donner des conférences sur ces aventures extraordinaires.

Dans sa jeunesse, Marc Hallet fut fasciné, comme beaucoup de sa génération, par cette mythologie moderne des OVNI et les ouvrages d’Adamski. Il a aussi eu la chance de rencontrer une des collaboratrices directes de celuici et d’autres personnes de son entourage, qui lui ont ouvert des archives et permis l’accès à des documents rares. Il nous raconte donc, de l’intérieur et de façon très documentée, le parcours de ce personnage étonnant, qui ne s’est jamais laissé démonter par ses propres incohérences ou ses invraisemblances, quitte à réécrire au besoin ou « corriger » ses ouvrages, pour ne pas se faire prendre au propre piège de ses délires.

D’une « rencontre du 3e type » savamment organisée et mise en scène et de photos truquées qui vont lui apporter la notoriété, Adamski va se lancer dans le récit de voyages à bord d’engins spatiaux toujours plus mirobolants. Mythomanie, forfanterie, escroquerie ? On peut s’interroger sur les délires du personnage. De son travail, Marc Hallet penche tout de même pour la dernière hypothèse, tant Adamski a sciemment organisé, corrigé, réajusté ses écrits et manipulé les personnes qui le côtoyaient, tout au long de cette carrière entre littérature bon marché et ufologie de bazar (si tant est qu’il puisse y en avoir une sérieuse...). Il meurt en 1965 prétendant, dans une dernière mystification, avoir rencontré le pape Jean XXIII (en fait mourant au moment de la prétendue rencontre). Le major Edward Keyhoe, pourtant ufologue convaincu, le qualifiera d’« opérateur d’un stand de hamburger » 4... c’est dire !

1 Science et pseudo-sciences n° 185, mai-juin 1990, pp. 3 à 9.

2 Au sujet de l’imprégnation de la SF dans la culture populaire, voir Michel Meurger Scientifictions, la revue de l’Imaginaire scientifique, n° 1 volume 1, Encrage Éditions, Amiens 1995. Cet essayiste avait d’ailleurs animé une conférence à Paris sur le thème L’inspiration des ufologues dans les récits de science-fiction en janvier 1996 pour le comité « Science, pseudo-sciences et société » que coordonnait l’AFIS.

3 Appellation impropre de la planète Vénus, bien connue de tout observateur du ciel amateur, pour sa brillance caractéristique quand elle apparaît à la tombée de la nuit ou au petit matin.


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