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Le Mosquito, Beethoven et la lumière rose, ou comment chasser les ados…

Publié en ligne le 15 août 2009 - Sociologie -
par Brigitte Axelrad - SPS n° 286, juillet 2009

« La nuit, tous les chats sont gris », dit-on. Eh bien non ! À Mansfield, une ville au centre de l’Angleterre, une association d’habitants a décidé de placer des néons roses en plusieurs endroits publics, en particulier à l’entrée d’un souterrain, pour mettre en évidence l’acné des adolescents et empêcher leurs rassemblements et leurs nuisances. Ces lampes sont utilisées par les dermatologues pour observer les imperfections de la peau. On suppose que les adolescents préfèreront cacher leurs boutons, et partiront ailleurs.

Cette nouvelle fantaisie britannique à destination des adolescents suscite l’enthousiasme de Layton Burrough, membre de l’association des habitants de Mansfield, dans le journal local Chad : « Nous étions confrontés à un vrai problème avec ces groupes de jeunes qui traînaient et buvaient dans les souterrains, ce qui pouvait être intimidant, mais les lumières roses ont fait une vraie différence. Il y a moins de rassemblements et on se sent plus en sécurité quand on passe par là, surtout la nuit ». Un conseiller municipal, David Brown, a déclaré : « j’approuve totalement et ça semble être une bonne idée. Il sera intéressant de voir si c’est efficace. C’est effectivement embarrassant mais ils pourraient aussi tourner ça en dérision et se pointer avec des cagoules. »

D’autres citoyens se sont cependant étonnés, comme par exemple, Peta Halls, de l’agence nationale de la jeunesse : « Ils ont le droit de se réunir, c’est une part de leur vie d’ados. Beaucoup de jeunes gens n’enfreignent pas la loi. Et puis, ces lumières roses vont avoir un impact sur des jeunes comme sur des vieilles personnes qui n’ont pas, parfois, une peau parfaite. » Jeudi 26 mars 2009, dans Libération, un internaute, surnommé Sputnik, a réagi avec humour : « Nouvelle mode, écrit-il, on parie que la cagoule et la burqua vont devenir tendance dans cette ville. »

En matière de dissuasion anti-adolescents, la Grande-Bretagne n’en est pas à son premier exploit. Le Mosquito, émetteur d’ultrasons audibles uniquement par les moins de 25 ans, a déjà été installé dans plusieurs villes du pays. Il peut atteindre 95 décibels, mais les adultes ne perçoivent plus ces fréquences. Cette invention britannique s’est déjà vendue à plusieurs milliers d’exemplaires en Europe et en Amérique du Nord. Chez nous, l’appareil a pris le nom de Beethoven… ! Commercialisé depuis 2006, il coûte 950 € l’unité, avec pour slogan publicitaire, « Un son qui adoucit les mœurs. »

À Pléneuf-Val-André, le tribunal des référés de Saint-Brieuc a donné raison à une association de commerçants. Celle-ci portait plainte contre l’installation, par un habitant, de l’une de ces petites merveilles technologiques, pour motif de nuisance auditive pour tout le monde. Quatre-vingt quinze décibels, c’est beaucoup, même pour des oreilles habituées au tintamarre des boîtes de nuit !

Il faut quand même souligner la remarquable aptitude de la jeunesse à s’adapter, puisque le son a été rapidement détourné en une sonnerie de téléphone portable, rebaptisée « Mosquitone ». Dans les salles de classe, il permet ainsi aux élèves de recevoir des appels, sans attirer l’attention de leurs professeurs…

À quand l’invention des boîtiers diffusant des odeurs pestilentielles ? Gageons que nos voisins d’Outre-Manche sauront décliner la gamme des répulsifs anti-jeunes. Le répulsif odorant existe déjà pour nos amis à quatre pattes.

Le fait d’utiliser la technologie, donc la science, contre une catégorie de la population, les ados, pour protéger le confort des autres à l’intérieur d’une démocratie, constitue une étrangeté, surtout à l’heure où on parle tant de lien « intergénérationnel ». Comment être crédible auprès des jeunes, si on s’ingénie à les faire fuir par des moyens aussi ridicules et vexatoires, en utilisant pour cela ce qu’on sait de l’acuité de leur ouïe que les adultes ont perdue, ou leurs complexes ?

Cette technologie surfe sur le conflit des générations. Beaucoup de jeunes éprouvent aujourd’hui une désaffection et une méfiance vis-à-vis de la science. Il importe de dénoncer dans certains cas son utilisation perverse, qui ne peut que les renforcer dans leurs préjugés.