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Le Bug humain

Publié en ligne le 25 novembre 2020
Le Bug humain
Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher

Sébastien Bohler
Robert Laffont, 2019, 268 pages, 20 €

Sébastien Bohler est journaliste, docteur en neurosciences et rédacteur en chef du magazine Cerveau & Psycho. Dans son livre Le Bug humain, il montre comment notre cerveau est « un organe au comportement largement défectueux, porté à la destruction et à la domination, ne poursuivant que son intérêt propre et incapable de voir au-delà de quelques décennies. Son mode de fonctionnement nous pousse vers les satisfactions immédiates (nourriture, sexe, pouvoir), mais aussi nous incite à en vouloir toujours plus. » Ce comportement conduit l’humanité à la destruction de son environnement, d’ailleurs l’auteur lui-même précise : « Nous sommes emportés dans une fuite en avant de surconsommation, de surproduction, de surexploitation, de suralimentation, de surendettement et de surchauffe, parce qu’une partie de notre cerveau nous y pousse de manière automatique. »

Partant de ce postulat, S. Bohler analyse par le biais des neurosciences la crise écologique massive générée par l’humanité. Selon lui, les processus de destruction de l’environnement s’expliquent en grande partie par le fonctionnement de mécanismes cérébraux archaïques : l’activité du striatum 1 ainsi que les circuits neuronaux de récompense, qui, par la sécrétion de dopamine, incitent l’Homme à assouvir continuellement et exponentiellement cinq besoins fondamentaux : manger, se reproduire, asseoir son pouvoir, acquérir de l’information, et fournir un effort moindre.

Tous les maux de notre époque, épuisement des ressources naturelles, malbouffe, obésité, addiction au jeu ou à la pornographie, recherche démesurée du pouvoir ou de richesses, sont analysés au travers de l’action du striatum, ce qui peut paraître une simplification exagérée.

Cependant l’auteur montre bien que le fonctionnement des structures « archaïques » du cerveau, adaptées à la recherche de ressources peu abondantes, n’est plus optimal dans un régime de disponibilité importante de ces ressources, et peut être à l’origine de dérives comportementales collectives.

Dans la dernière partie du livre intitulée « Les voies de la sobriété », l’auteur propose des pistes à explorer pour échapper à l’influence du striatum et reprendre « le contrôle de notre destin ». Tout d’abord par l’altruisme et l’éducation, nous pouvons agir « pour prendre le striatum à son propre jeu ». La prise de plaisir dans le partage, l’échange, le développement personnel et le respect de l’autre est proposée comme un moyen de détourner son influence. La connaissance pourrait constituer une forme de nourriture pour le striatum. « D’une certaine façon, il serait donc possible d’assouvir les appétits de notre striatum par des connaissances, de l’exercice mental, des énigmes et, de façon générale, en stimulant la curiosité. »

Enfin S. Bohler décrit la méditation de pleine conscience comme pouvant « amener notre degré de conscience à un niveau comparable avec notre niveau d’intelligence ». L’auteur propose ainsi de faire évoluer notre société vers une « société de conscience » et, pour chacun de nous, de développer ses ressources mentales pour privilégier le qualitatif et non plus le quantitatif et être ainsi capable de « modération, de patience et d’une forme de sagesse… »

Expliquer la source de tous les maux de l’humanité par l’activité du striatum peut sembler un raccourci simplificateur car cette structure neurologique n’est pas isolée du fonctionnement général du cerveau. Le striatum est en effet sous le contrôle de structures régulatrices, particulièrement le cortex préfrontal qui exerce un contrôle cognitif et émotionnel majeur. De plus, prétendre le réguler par l’éducation, l’altruisme et la méditation de pleine conscience peut paraître illusoire. Cependant, l’auteur étaye son propos par une bibliographie fournie, et le fait que la Société française de neurologie distingue ce livre 2 semble indiquer qu’il a obtenu un certain écho parmi les spécialistes.

En conclusion, Le Bug humain est un livre intéressant et original. Il est d’une lecture plaisante, accessible au non-spécialiste, parsemé de notes humoristiques et soutenu par une bibliographie fournie. Sur le fond du sujet, on pourra cependant trouver ce livre quelque peu simpliste et utopique.

1 En neuroanatomie, le striatum est une structure nerveuse faisant partie des noyaux gris centraux. Il est impliqué entre autres dans la motivation alimentaire et sexuelle.

2 Il a reçu le Grand Prix du livre sur le cerveau 2020, décerné par la Revue neurologique, journal officiel de la Société française de neurologie (https://www.elsevier.com/fr-fr/conn...).