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Le 11 septembre : la rumeur confrontée à la science

Publié en ligne le 5 septembre 2011 - Attentats du 11 septembre -
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Les mouvements contestant la « version officielle » des événements du 11 septembre 2001 se déclinent en trois tendances principales :

  • Une remise en cause radicale de la responsabilité d’Al Qaida et la dénonciation d’un complot ourdi par le gouvernement Bush (voire, pour certains, par les services secrets israéliens). Le livre de Thierry Meyssan L’effroyable imposture, traduit en 26 langues, véritable best-seller international, illustre cette position radicale.
  • La dénonciation des zones d’ombres d’une enquête partiale qui travestirait la réalité et dissimulerait des faits importants. Ses partisans réclament la « réouverture » des investigations. En France, le site Reopen911.info est emblématique de cette approche. Se réclamant des « valeurs démocratiques et républicaines [et des] Droits de l’Homme » et « condamnant fermement l’antisémitisme et toute forme de racisme », Reopen911 se fixe pour objectif « l’ouverture d’une nouvelle enquête réellement indépendante sur cette tragédie ».
  • Enfin, un courant important dans les sondages (voir plus bas) affirme que le gouvernement Bush « savait » avant les attentats, mais n’a pas mis en œuvre les mesures nécessaires.

Ces trois postures ne sont pas identiques, mais la subtilité des mouvements « conspirationnistes » est de jouer sur l’ensemble des trois tableaux, utilisant les interrogations légitimes (par exemple, celles relatives à la défaillance des services secrets), les questions qui ne sont a priori pas iconoclastes (l’enquête a-t-elle été parfaite ?) pour laisser entendre que toutes les carences réelles ou imaginées sont révélatrices d’une volonté de cacher « une vérité qui dérange », c’est-à-dire un complot venant de l’intérieur, un inside job.

Des opinions répandues

Différents sondages réalisés ces dernières années confirment l’immense écho de ces différentes thèses. Ainsi, une enquête réalisée en 2008 dans 17 pays par WorldPublicOpinion.org révèle que la responsabilité d’Al Qaida
ne s’impose pas partout comme un fait acquis. Différentes « théories » alternatives sont citées, la principale étant une machination du gouvernement Bush. En France, si seulement 8 % des personnes privilégient cette dernière version, 23 % déclarent ne pas savoir qui était le commanditaire des attentats (voir tableau).

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Aux États-Unis, un sondage réalisé en 2006 par l’Université de l’Ohio pour le compte du groupe de presse Scripps Howard révèle que 36 % des personnes pensent possible (somewhat likely) ou très probable (very likely) que « des officiers fédéraux ont, soit aidé aux attentats, soit savaient mais n’ont rien fait, parce qu’ils souhaitaient un engagement militaire américain au Moyen-Orient ». Le même sondage indique que 16 % des personnes interrogées estiment possible ou très probable que « l’effondrement des tours jumelles de New York a été aidé par des explosifs dissimulés dans les bâtiments ».

« Ont-ils l’air de "conspirationnistes aux théories fumeuses" ? »

Des cautions médiatiques

« Je pose une question à la Terre entière, une seule et unique question : pourquoi est-ce que Obama... Le Pentagone est l’endroit le plus surveillé de la planète. Il y a 86 caméras qui surveillent le Pentagone. Pourquoi est-ce qu’il ne montre pas la vidéo du Boeing 757 qui frappe le Pentagone ? C’est la seule et unique question. Il n’a qu’à nous montrer les 86 caméras et je fermerai ma gueule jusqu’à la fin de mes jours ! »

Jean-Marie Bigard (humoriste)

« Le vice-président de la Commission [d’enquête], Lee Hamilton n’arrête pas de dire [...] que la Commission était prévue au départ pour faillir à sa mission »

Mathieu Kassovitz (cinéaste et acteur)

« Il y a des choses dans cette histoire du 11 septembre qui ne sont pas claires, ça ne veut pas dire que Thierry Meyssan a raison dans tout ce qu’il a dit ».

Thierry Ardisson (animateur de télévision)

« Je ne crois pas à ce qui a été raconté à ce sujet [...]. Il y a énormément de faits anormaux dans la version officielle. [...] Beaucoup d’éléments ne tiennent pas : il suffit de se pencher, par exemple, sur le cas du trou de l’avion dans le Pentagone, beaucoup trop petit, ou sur d’autres aspects moins connus. »

Roland Dumas (ancien ministre)

« Je partage la suspicion de millions de gens par rapport à la thèse officielle qui nous a été avancée. Je vais vous citer un seul exemple. C’est celui du Pentagone. On nous dit qu’il y a un avion de ligne qui a percuté le Pentagone. On nous montre un trou de 6 mètres de diamètre, et il n’y a ni moteur, ni carlingue, ni sièges, ni queue d’appareil, ni ailes, ni rien du tout, alors on se moque de nous. »

Jean-Marie Le Pen

L’appel au « témoignage » revêt un enjeu d’importance dans la controverse médiatique. Comme le souligne le site Reopen911.org, l’habit fait le moine, en quelque sorte : «  Regardez leurs visages, lisez leurs témoignages, ont-ils l’air de "conspirationnistes aux théories fumeuses ?" Non, tous ces américains et bien d’autres se sont renseignés, ont pris de leur temps pour arriver à la même conclusion : la version officielle de ces funestes attentats n’explique pas la majorité des faits ». Si les « témoins » sont des personnalités médiatiques, l’effet n’en sera que plus important.

C’est sans doute ce que pensait Christine Boutin, avant de devenir ministre du gouvernement Sarkozy, en se confiant au journaliste Karl Zéro. Dans une vidéo (en ligne sur le site Reopen911.org), et à la question de savoir si Bush pouvait être à l’origine des attentats, elle répondait « Je pense que c’est possible. » S’expliquant par la suite sur ces propos, elle mettait en avant l’importante fréquentation des sites propageant les thèses « conspirationnistes » : « Moi qui suis très sensibilisée au problème des nouvelles techniques de l’information et de la communication, je me dis que cette expression de la masse, et du peuple, ne peut pas être sans aucune vérité. » 1 Tant de personnes « qui n’ont pas une tête de conspirationnistes » ne pourraient pas se poser des questions sans qu’il y ait un fond de vrai...

Ainsi, nombre de personnalités apportent leur caution médiatique, endossant parfois tout ou partie des thèses « conspirationnistes », mais mettant toujours en avant une forme de « scepticisme » face à la « thèse officielle », laissant ensuite la question ouverte... (voir encadré).

L’idéologie derrière l’apparence de la science

Le documentaire « complotiste » Loose Change, a connu quatre versions successives en cinq ans, permettant de gommer les supercheries les plus visibles et en biaisant de plus en plus le discours : « nous ne faisons que poser des questions !...

Pour devenir crédible, pour entretenir le doute, face aux faits et résultats d’enquête, il devenait indispensable de produire des « arguments scientifiques ». Ces arguments « complotistes » se sont largement affinés, et à l’image du mouvement créationniste essayant de réfuter la théorie darwinienne de l’évolution, les tenants d’une théorie du complot se sont structurés, organisent des congrès, publient leurs propres revues, possèdent de nombreux sites Internet, tous plus « didactiques » les uns que les autres, et mettent toujours en avant des questions en apparence « de bon sens » qui ne peuvent que susciter l’interrogation du néophyte.

En réalité, les théories « complotistes » ne tiennent pas, non pas parce que le mensonge d’État 2 ne pourrait pas exister (il n’est qu’à considérer la « preuve » des armes de destruction massive en Irak invoquée par le gouvernement Bush pour organiser la guerre en Irak, à la suite des attentats du 11 septembre, pour se convaincre que la manipulation peut intervenir à ce niveau-ci), mais tout simplement parce que ces théories ne résistent pas à l’analyse, aux faits établis.

Ces modes de pensée, malgré leur apparence d’hyper-scepticisme, reposent sur une sélection partiale des sources, un rapport très particulier à la preuve, et une volonté de croire qui font écho au fonctionnement des pseudo-sciences. La démarche rationnelle consiste, quant à elle, à partir des faits, et non pas d’un a priori politique ou idéologique. Et les faits sont là, cohérents avec les explications techniques et scientifiques : il y a bien eu un avion contre le Pentagone, les tours de New York se sont bien effondrées à la suite de l’écrasement de deux avions de ligne...

2 Soulignons qu’il y a tout de même un grand fossé entre des mensonges d’État, et un complot qui serait organisé, ou couvert, par un État et qui conduirait à la mort de milliers de personnes dans son propre pays.