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La vérité sur l’Église de Scientologie et sur l’extraordinaire carrière de son inventeur L. Ron Hubbard

Publié en ligne le 12 juillet 2004 - Dérives sectaires -
SPS n° 225, janvier-février 1997

La « Scientologie », nous le rappelons, est une invention de l’aventurier américain Ron Hubbard. Sa prodigieuse carrière a été racontée en 1987 par le journaliste anglais Russel Miller, dont le livre a paru en français chez Plon en 1993. Bien que ce Ron Hubbard, Le Gourou démasqué ait apporté des informations à couper le souffle au lecteur, et qu’il soit maintenant épuisé, nous avons su qu’il n’était pas question de le rééditer. Prudence de l’éditeur ? En dépit de plusieurs jugements (qui ont sombré en appel) l’Église de Scientologie continue ses exploits chez nous et dans bien d’autres pays. Comment est-ce possible ? Pour le comprendre, il faut tenir compte de l’évolution actuelle de notre société, et relire Miller, dont le Times jugeait l’ouvrage en ces termes : « Une reconstitution fascinante. La mise à nu de l’imposture scientologique, merveilleusement écrite avec un luxe de détails vrais », Prenons quelques perles à ce chef-d’œuvre. Elles montreront ce dont nous sommes menacés.

L. Ron Hubbard descendait par sa mère d’un aristocrate français, le comte de Loupes, qui avait pris part à la conquête de l’Angleterre par les Normands en 1066. La branche paternelle venait d’émigrants britanniques installés en Amérique au XIXe siècle. Les uns et les autres s’étaient couverts de gloire dans l’histoire navale des États-Unis. Le père de Ron était capitaine de frégate de l’US Navy. Pendant les fréquentes absences du papa, le fils menait une existence sauvage dans les immenses propriétés de son grand-père maternel. Il fréquentait les cow-boys, les Indiens, les chevaux à dompter il avait dix ans quand son père lui imposa un programme d’études intensif pour « rattraper le temps perdu » dans les solitudes du Far West. Il n’était âgé que de douze ans quand il avait déjà tu les écrivains classiques des grands pays et senti s’éveiller sa tendance, pour la religion et la philosophie.

Cette histoire fait partie de l’enfance officielle du grand chef telle qu’on la raconte chez les Scientologues. La vérité est bien différente. Elle a été découverte par un jeune scientologue, qui a raconté sa douloureuse aventure à Russel Miller. En fouillant dans un grenier, il était tombé sur de vieilles boîtes pleines de documents jaunis datant de l’enfance et de la jeunesse de Ron Hubbard. Une trouvaille prodigieuse. Une aubaine pour cet homme pris par la scientologie depuis dix ans, grisé par les promesses de pouvoir surnaturel et d’immortalité. Pourtant, relate Russell Miller, Armstrong avait subi des humiliations au sein de l’Église : « deux fois condamné à de longs stages au Centre de réhabilitation, pudique appellation de la maison de la secte, et vu son mariage sombrer ; en dépit de tout, il restait convaincu que Ron Hubbard était le plus grand homme que la Terre eût jamais porté ».

À l’époque où Armstrong tomba sur ces vestiges de la jeunesse de Ron Hubbard, ce dernier, depuis plusieurs années déjà, tout en restant le chef de l’Église, s’était réfugié dans la clandestinité. Poursuivant ses recherches, Armstrong, grâce à la loi américaine qui autorise le citoyen à consulter les archives d’État, eut en main un volumineux dossier dont il gardait des photocopies. Il découvrait les mensonges du grand maître, qui racontait aux scientologues son héroïsme pendant la guerre mondiale. Dans les archives, l’officier Hubbard était noté « pour son incompétence et sa lâcheté ». Il simulait des maladies pour ne pas être envoyé en première ligne.

Bouleversé mais hésitant à croire ce qu’il lisait, Armstrong revint à ses recherches sur la jeunesse de son prophète, en explorant la région où Ron Hubbard aurait passé de belles vacances dans l’immense domaine de son grand-père. Il n’y découvrit qu’une modeste maisonnette où avaient logé les Hubbard. A Washington, où Hubbard prétendait avoir obtenu une licence de mathématiques et un diplôme d’ingénieur, le registre de l’université révélait que ses mauvaises notes l’avaient obligé à renoncer à ses études à la fin de leur deuxième année. Ses « intrépides expéditions d’explorateur » n’avaient existé que dans son imagination.

« Je butais à chaque pas sur des contradictions et des incohérences - raconta plus tard Armstrong à Russel Miller : J’avais beau tenter de les justifier en me répétant que je finirais par mettre la main sur un autre document qui expliquerait tout ; plus je cherchais, moins je trouvais et je comprenais peu à peu que ce type n’avait pas cessé de mentir sur son propre compte ».

Vers le milieu de l’été 1981, le dossier d’Armstrong faisait plus de 250 pages. Mais on ne se débarrasse pas facilement du bourrage de crâne de la secte. Armstrong n’avait pas encore perdu toute sa foi : « Je me disais, bon, nous savons maintenant que Hubbard est humain et qu’il dit des mensonges. Il suffit de les tirer au clair, tout le bien qu’il a fait au monde apparaître de manière plus éclatante. Je pensais que la seule façon de garder notre collectivité consistait à dire la vérité ».

Depuis que Hubbard vivait caché sous un faux nom, l’Église de Scientologie était tombée sous la coupe de jeunes dirigeants baptisés Messagers et surtout Messagères. En novembre, Armstrong leur remit un rapport expliquant qu’il fallait se débarrasser des fausses histoires de Hubbard, dans l’intérêt de l’Église. Les Messagères l’accusèrent de trahison. Il fut soumis à une « enquête de sécurité » et à un interrogatoire auxquels il refusa de se prêter. Il fut voué à la vengeance de ses anciens frères et sœurs en Scientologie, qui devaient désormais - selon la tactique enseignée par Hubbard - le persécuter et le neutraliser par tous les moyens, y compris la ruse et la violence. « Pour moi - expliqua-t-il plus tard à Miller - le mirage de la Scientologie s’était déjà évaporé. J’étais conscient de m’être fait piéger par un tissu de mensonges, par des techniques machiavéliques de manipulation mentale et par la terreur J’avais perdu la foi en découvrant jusqu’à quel point Hubbard mentait sur son propre compte. Il a passé sa vie à rouler tout le monde, à tricher en affaires, à frauder le fisc, à fuir ses créanciers et à esquiver des poursuites judiciaires... Bref, un bateleur et un escroc ».

Armstrong n’est pas le seul ancien de la Scientologie qui ait répondu à l’enquête du journaliste. Il y en eut plusieurs, dont quelques-uns ont accepté que leurs noms soient cités, d’autres préférant garder l’anonymat. Russel Miller tient à exprimer sa reconnaissance à tous. Il aurait aimé aussi interviewer des scientologues actifs, mais pour prix de leur coopération ils exigeaient d’exercer un contrôle absolu sur le manuscrit de Miller. Ce que celui-ci ne pouvait accepter. « Leur Église - raconte-t-il - déploya par la suite des efforts constants pour interdire aux personnes ayant connu Hubbard de me parier et elle ne cessa de brandir la menace de poursuites judiciaires ».

Des éditeurs français pourraient-ils aujourd’hui redouter d’avoir à faire face à de telles pressions ? Comme le rappelait notre dernier Cahier, l’Église de Scientologie tient pignon sur rue à Paris, et qui plus est, elle s’infiltre dans des entreprises françaises. Les écrits de Ron Hubbard, eux, n’ont rien à craindre. Ils étincellent sur nos façades. Qui finance cette belle pub électrique ?

L’aventure de Gerry Armstrong donne une idée du travail de Miller. Son livre est trop dense et trop mouvementé pour être résumé. Il part des véritables origines familiales du « prestigieux enfant prodige » et de sa naissance en 1911, et ne s’arrête qu’à sa mort en 1986. L’Église de Scientologie présente son fondateur sous les traits d’un philosophe que ses jeunes années auraient préparé à la mission de rédempteur universel. « Une telle entreprise de glorification en surhomme et en sauveur de l’humanité ne pouvait être conduite sans un mépris désinvolte pour les faits ; c’est pourquoi chacune des biographies de Hubbard publiée par son Église est lardée d’inventions pures et simples et de grotesques enjolivures. Le plus risible, dans cette imposture, c’est que la véritable histoire de Ron Hubbard est infiniment plus extravagante et plus invraisemblable que le plus éhonté de ces mensonges. »

La reconstitution réussie par le journaliste britannique est trop mouvementée, trop pleine d’imprévisibles pour être résumée. Nous n’en piquerons que quelques épisodes.

Janvier 1917. Le Petit Ron est inscrit à l’école maternelle. Il a raconté plus tard qu’il avait su mettre à profit les leçons de « savate » données dans le ranch de son grand-père pour défendre ses camarades contre des voyous qui terrorisaient les enfants sur le chemin de l’école. Un de ses plus proches mais d’enfance, Andrew Richardson, n’a conservé aucun souvenir de ces exploits : « Ce n’est qu’un tissu de mensonges. Ron n’a jamais protégé personne. Mais comme vantard et bonimenteur, il n’avait déjà pas son pareil. »

Décembre 1928. Ron échoue à l’examen d’entrée de l’école navale d’Annapolis. Son père - devenu lieutenant de vaisseau - l’inscrit dans une école de préparation des candidats. La visite médicale découvre une myopie qui interdit cette carrière. En 1930, on réussit à le placer dans l’école d’ingénieurs civils. Tandis que le professeur explique le calcul structurel, son esprit divague dans la bande dessinée, qui commençait à pénétrer la culture populaire. « Ses rêves étaient plus que jamais peuplés d’espions, de soldats de fortune, d’agents secrets... »

Il devient reporter, sa signature parait dans un magazine, il reçoit même un prix d’art dramatique. Plus question d’études, mais de vol à voile, et surtout d’une expédition aux Antilles à bord d’un antique voilier, le Dons Hamlin, avec une cinquantaine d’étudiants et quelques navigateurs professionnels, dont le capitaine. Programme des « Chevaliers de l’aventure » : reconstituer des scènes de piraterie, récolter de précieux spécimens des flores locales, tourner des films et rédiger des reportages que les médias se disputeraient en enrichissant les chevaliers de l’aventure. Seize escales prévues pour trois mois, sans qu’on se demande s’il serait possible de réaliser un tel itinéraire à bord d’un voilier vétuste dépourvu de moteur de secours. Mais il en aurait fallu davantage, assure Russel Miller « pour décourager un meneur d’hommes tel que Ron Hubbard, devant qui tout pliait ».

C’est ainsi qu’emporté par le souffle de l’optimisme, le voilier appareille le 23 juin, avec trois jours de retard sur l’horaire prévu.

La suite devient vite désastreuse. Vents contraires, mer forte, fiasco de l’expédition cinématographique, désertion de l’équipage professionnel. Le bateau réussit tout juste à regagner Baltimore sans avoir réalisé un seul de ses projets. En septembre, le magazine universitaire transforme cette déroute en triomphe. L’expédition admet quelques retards, mais se glorifie d’un beau bilan scientifique.

Russel Miller nous révèle les résultats de sa patiente et consciencieuse enquête. On ne trouve nulle part la trace de « contributions à la recherche scientifique ». Le service hydrographique national n’a jamais reçu aucun film, l’université du Michigan ne possède dans ses collections aucun des rares spécimens de la flore et de la faune prétendument récoltés par les Chevaliers ; quant aux archives du New York Times, elles ne contiennent pas plus de photographies inédites que de courrier exprimant l’intention de s’en réserver l’exclusive. En fait, le prestigieux quotidien ignorait jusqu’à l’existence même de l’expédition...

Parmi les exploits revendiqués par l’équipe de Ron figurait un merveilleux relevé minéralogique de Porto-Rico. Curieusement resté ignoré du Département des Ressources de Porto-Rico comme du professeur de géologie à l’université de Porto-Rico...

Seul fait certain : à son retour de l’expédition, Ron Hubbard a confirmation que ses notes de deuxième année à l’université sont très inférieures à la moyenne. Il renonce à l’université. Pour meubler ses loisirs il donne à un magazine sportif un récit de ses exploits aux commandes d’un planeur. Comment il a vécu « son plus terrifiant cauchemar » quand une aile de son engin s’est brisée à plus de mille mètres d’altitude et comment il a réussi à éviter de tomber en vrille ; ou encore, comment il a établi un record mondial « officieux » en maintenant en palier la vitesse de 1 00 km/h pendant douze minutes...

1933. Ron épouse une campagnarde, « Polly ». Ils auront deux enfants. L’argent manque. Ron rédige à toute allure des histoires que les magazines populaires s’arrachent : aventuriers, pirates, détectives, espions, loups de mer, gangsters... Il adhère à la Guilde des auteurs de fictions. Plus tard, il expliquera que la science-fiction servait à développer sa philosophie : car il était déjà le plus grand penseur de l’époque.

1941-42. Les Américains entrent dans la guerre mondiale. Affecté aux Philippines, premier blessé américain de cette guerre, Ron Hubbard est rapatrié à la fin du printemps dans l’avion personnel du secrétaire à la Marine. Après avoir servi dans le Pacifique sud, il est affecté à la lutte contre les sous-marins allemands dans l’Atlantique. Promu commodore (rang supérieur à celui de capitaine de vaisseau) il commande des unités amphibies en 1944. Après cinq théâtres d’opérations, il est grièvement blessé et admis infirme et aveugle à l’hôpital naval...

Tel est l’émouvant récit diffusé aujourd’hui par l’Église de Scientologie. Au moins 95 % de mensonges. La vérité est moins glorieuse. Mobilisé, le lieutenant de réserve Ron Hubbard est affecté à un service de relations publiques : son talent d’écrivain servira à vanter dans la presse les exploits de la marine. Puis il reçoit une courte formation d’officier de renseignement. Parti avec un équipage qui doit gagner les Philippines, il se rend si odieux à bord qu’au cours d’une escale il est réexpédié aux USA. L’attaché naval de Melbourne justifie cette mesure dans un rapport : « Cet officier n’est pas qualifié pour exercer indépendamment et assumer des responsabilités. Il parle trop, veut faire l’important et se prétend doué de capacités exceptionnelles dans presque tous les domaines... Il faudra le contrôler de très près pour en obtenir un résultat satisfaisant dans un travail de renseignement. » Le rapport mentionnait aussi que Hubbard se permettait de donner des ordres sans avoir d’abord sollicité ni obtenu de délégation d’autorité et se mêlait de fonctions pour lesquelles il n’était pas compétent, ce qui créait des désordres.

« Le foudre de guerre », c’est ainsi que l’impitoyable Miller intitule cette partie de son ouvrage. Il contient encore plusieurs histoires de ce genre. Bornons-nous à l’une des plus drôles. Après un stage de lutte contre les sous-marins, le lieutenant Ron reçoit le commandement d’un nouveau chasseur de sous-marins, le PC-815, lancé le 20 avril 1943. Dès le lendemain, un journal publie une photo du commandant, en grande tenue et la mine martiale, présenté comme « un vétéran de la chasse sous-marine... »

Quelques jours passent. Le PC-815 doit rejoindre une base. Il n’était que 2 h 30 du matin quand le lieutenant Ron Hubbard a donné l’ordre de tirer sur deux sous-marins ennemis.

Durant les soixante-huit heures que dure l’engagement, le bateau largue plusieurs douzaines de grenades sous-marines et tire de toutes ses bouches à feu, au point de manquer de munitions et de demander du renfort. Plus de cinq navires et deux dirigeables d’observation sont bientôt sur les lieux. « Les obus et les grenades ont beau se succéder, nulle tache d’huile ni des débris révélateurs ne se décident à apparaître, aucun cadavre japonais n’a le bon goût de surnager ».

Le PC-15 reçut l’ordre de regagner sa base « où Ron fut ulcéré d’être accueilli avec un scepticisme frisant la franche rigolade.. », Un amiral dépouille les dix-huit pages du rapport de Ron. Sa conclusion : « la centaine de grenades larguées au cours de la bataille a sans doute provoqué une hécatombe chez les poissons, mais infligé aucune perte aux Japonais »,

Un autre talent de Ron était l’aisance avec laquelle il savait se faire porter pâle (qu’on nous pardonne cette locution apprise au régiment). C’est ainsi que, définitivement jugé inapte à commander, il fut affecté à un bureau où il ne se sentit pas bien. Il se plaignit de divers maux, allant d’une attaque de paludisme à un ulcère du duodénum et deux douleurs dans le dos. Admis à l’hôpital naval, il y restera plus de trois mois sous observation.

(Précisons pour nos lecteurs que nous ne voulons pas, par ce récit, blâmer notre héros de ne pas aimer le combat et de s’en échapper comme il peut. Ce qui nous intéresse, c’est sa vantardise et les mensonges qu’il invente pour sa famille et surtout, plus tard, pour les naïfs de la Scientologie.) Nous retrouvons les documents d’Armstrong.

De l’hôpital, Ron écrit aux siens qu’il est soigné « pour de graves blessures subis en ramassant sur le pont de son navire un obus non éclaté qui avait explosé alors qu’il tentait de le jeter par-dessus bord... » Une autre fois, il regagne l’hôpital pour des ulcères d’estomac et quelques autres maux, ce qui ne l’empêchait pas de festoyer avec des amis. Quant à la version qui fut popularisée et éditée plus tard, en voici un extrait qui se passe de commentaires : « à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, aveugle et le nerf optique atteint, paralysé par de graves blessures au dos et à la hanche, j’était un homme fini, sans avenir devant moi... J’étais abandonné par ma famille et mes amis comme un invalide probablement incurable à leur charge jusqu’à la fin de mes jours... Je les entendais répéter qu’on n’y pouvait rien, qu’il n’y avait plus d’espoir... Et pourtant, j’ai réussi à recouvrer la vue et la marche... »

1949. Ron a changé de cap. Il n’est plus le champion de la science-fiction, mais le savant, le gourou, proche de Freud. En décembre, plusieurs journaux annoncent l’apparition prochaine d’une science nouvelle et géniale, la Dianétique. Ron Hubbard publiera le résultat de ses recherches sur le fonctionnement de l’esprit humain et dévoilera les découvertes capitales qui s’y rapportent... « il ne s’agit pas d’une fumeuse théorie mystique, mais de la description précise et rigoureuse du fonctionnement de l’esprit humain... Les méthodes qui en découlent logiquement sont efficaces. Ainsi, la technique de stimulation de la mémoire est d’une puissance telle qu’il ne faut pas plus d’une demi-heure pour se souvenir en détail de sa propre naissance. »

Démobilisé, Ron n’était pas revenu vivre avec Polly. Profitant de la structure des USA en états ayant chacun ses archives, il s’était débrouillé pour épouser une autre amie, Sara, sans divorcer avec la précédente, ce qui le rendait bigame. Avec cette Sara, il crée en avril 1950 la Fondation Hubbard pour la Recherche Dianétique. La douleur physique ou morale, professaient-ils, est une menace pour la survie. Le mental anamique s’emploie à l’éviter grâce au mental réactif, qui stocke les données dans les engrammes, dont les plus anciens peuvent avoir été stockés alors que le sujet était dans l’utérus maternel. La thérapie dianétique a pour objet d’accéder à ces engrammes stockés dans la mémoire réactive et de les transférer dans la mémoire analytique où ils sont éliminés. Pour « déplomber » la mémoire réactive, il faut localiser les engrammes les plus anciens, y compris éventuellement ceux qui ont pu être stockés juste après la conception. Le sujet qui arrive à se rappeler son engramme le plus ancien se libère de tous ses maux psychiques.

Mai 1950 : les vitrines des libraires présentent La Dianétique, science moderne de la santé mentale, par L. Ron Hubbard. Puisant dans le jargon technologique, Hubbard a créé l’Auditing. Celui qui s’en occupe est un Auditeur et son client un Prectear. S’il arrive à être Clear de ses Engrammes, il sera délivré de ses névroses et psychoses. Il jouira d’un contrôle absolu sur son imagination et d’une mémoire presque illimitée.

Il faut prévoir une vingtaine d’heures d’Auditing pour que le Preclear en récolte les premiers bénéfices. (Ceux de l’Auditeur n’ont pas attendu...).

En juin, Hubbard monte le premier cours complet de formation d’Auditeurs. Droit d’inscription : 500 dollars.

Des scientifiques professionnels ont eu beau qualifier la Dianétique de « charabia » ou de « psychologie freudienne révisée par un cinglé », la Dianétique a un énorme succès dans le grand public. Un peu comme aujourd’hui d’autres inventions du paranormal...

Mars 1952. Hubbard annonce qu’il a découvert une science entièrement nouvelle, la Scientologie. Alors que la Dianétique s’adresse avant tout au corps, la nouvelle science s’intéresse surtout à l’âme : « ... le véritable moi de l’individu était une entité immortelle, omnisciente et omnipotente, le Thétan », Préexistants au commencement des temps, les Thétans occupaient et rejetaient des millions de corps humains depuis des milliards d’années. Manipulant l’univers pour leur plaisir, ils s’étaient pris à leur propre jeu au point d’en arriver à se croire rien de plus que les corps qu’ils habitaient. La Scientologie se donnait pour but de rétablir les capacités du Thétan de chaque être humain à son niveau d’origine, celui de Thétan Opérant, état transcentant encore inconnu sur Terre.

Hubbard continuait d’écrire. Un nouveau livre compliqua la vénération des disciples et l’hilarité des sceptiques. Le corps humain ne contient pas seulement un Thétan, mais aussi une « Entité génétique », sorte d’âme inférieure. Les Thétans étaient arrivés sur la Terre il y a 35 millions d’années, les Entités génétiques y étaient depuis beaucoup plus longtemps, ce qui justifiait les théories de Darwin. Allez comprendre ces balivernes... En fait, Hubbard continuait d’exploiter son talent d’auteur de science-fiction, avec cette seule différence que les disciples étaient tenus de croire que c’était vrai, et obéir au chef.

1953. La Scientologie est maintenant l’Église de Scientologie, avec statuts dûment enregistrés. Changement avant tout lié à des préoccupations financières : les Églises bénéficient aux USA d’avantages fiscaux substantiels. En plus la conjoncture est propice : le président Eisenhower vient de déclarer : « Notre système de gouvernement n’aurait aucun sens s’il ne s’appuyait sur une profonde foi religieuse, peu importe laquelle. » La version des Scientologues est un peu différente. Elle présente ce changement comme l’aboutissement des principes de nature religieuse qui auraient toujours animé l’histoire de la Dianétique et de la Scientologie ; elle serait une étape capitale dans la vie personnelle de Ron Hubbard. Or peu de temps auparavant, expliquant la Scientologie, Ron écrivait « Tout prouve que ni Bouddha ni Jésus-Christ n’étaient des Thétans Opérants, ils étaient à peine supérieurs à Clear »

Arrêtons là nos citations, tout en formulant l’espoir qu’un jour le livre de Russell Miller sera réédité chez nous. Notons simplement que pendant des années, Hubbard et son entourage connurent d’étonnantes aventures, changeant constamment de domicile et de pays, fuyant des démêlés avec la justice, vivant plusieurs années en mer, jusqu’en 1980, date où Hubbard disparut après un dernier message à son Église. Il est probablement mort en 1986, dans un refuge secret. Certains espèrent qu’il va s’incarner dans un autre corps et reprendre sa place à la tête de la Scientologie.

Son fils L. Ron Hubbard Junior pense un peu autrement : « Disons que 99 % de ce que mon père a écrit sur sa propre vie est faux. » En quoi il rejoint Russell Miller : « ... chacune des quelques lignes de Hubbard publiées par son Église est lardée d’inventions pures et simples, de vérités adultérées et de grotesques enjolivures. Le plus risible, dans cette imposture, c’est que la véritable histoire de Ron Hubbard est infiniment plus extravagante et plus invraisemblable que le plus éhonté de ses mensonges. »